Maria Vuillet a été relaxée ce matin
Le tribunal correctionnel de Paris a prononcé ce matin la relaxe d’une franco-colombienne poursuivie pour délit d’outrage envers un sous-préfet lors des cérémonies en mémoire de Guy Môquet. Le parquet avait requis 1 000 € d’amende.
—————
Le 22 octobre 2007, jour où Maria Vuillet et le sous-préfet Lacave se retrouvaient malencontreusement au Métro Guy-Môquet, un timbre était émis à l'effigie du jeune militant communiste, fils de député, à qui le président de la République tenait à rendre hommage. Le plus jeune des vingt-sept otages du camp de Châteaubriant, fusillé en 1941, était le fils de Prosper Môquet, député communiste de la Seine, puis de l'Yonne
—————
Maria Vuillet, était poursuivie par ce jeune sous-préfet pour outrage lors de la journée de commémoration du souvenir du résistant Guy Môquet, le 22 octobre 2007, journée voulue par Nicolas Sarkozy.
Le sous-préfet et la mère de famille ont bien entendu présenté une version différente de l'incident qui a provoqué les poursuites lors de l’audience qui s’est déroulée le 16 juin dernier devant la 28e chambre du TGI de Paris, « délocalisée » à la 17e. Lors de cette journée d'hommages officiels, des manifestants avaient protesté contre la récupération de la mémoire du résistant communiste, fusillé par les nazis.
Sous les huées (une cinquantaine de personnes étaient présentes au métro Guy-Môcquet, ce 22 octobre 2007), M. Lacave, le sous-préfet, se serait adressé à Maria Vuillet, la mère d'une lycéenne et lui aurait dit : « Attention, je représente la République », ce à quoi Mme Vuillet affirme avoir répondu : « Oui, mais pas celle que voulait Guy Môquet ». Le sous-préfet a lui une version différente. Selon le représentant de l'Etat, la prévenue lui aurait alors répondu : « Vous représentez l'Etat. Vous représentez Sarko. Sarko facho. Donc vous êtes facho ». Maria Vuillet, mère de la jeune Emmanuelle (étudiante en au lycée Carnot et cofondatrice du comité Rose et Réséda qui organisa la résistance lycéenne), avait passé quatre heures en garde à vue après avoir été menottée dans le dos et qu’on lui ait fait remarquer son type latino-américain. Elle fut même menacée d’« expulsion immédiate », sous les yeux esbaudis d’une agente de la RATP. Mais, si typée soit-elle, Maria Vuillet est aussi française… pas seulement colombienne.
Pour ces propos, le représentant de l'Etat avait estimé qu'il y avait outrage et avait poursuivi la manifestante. Le président de la République (à qui l’on est en droit de penser que les faits ont été rapportés) n’a pas poursuivi la dame.
A l’audience du 16 juin 2008, repoussée au 10 juillet, le ministère public avait requis 1 000 € d’amende à l’assistante de service social. Me Cyril Fergeon, avocat du sous-préfet, l’euro symbolique. Pour lui, M. Lacave est d’abord « une victime » : « Il faut rappeler que sa fonction est une sorte de CDD renouvelé tous les matins en conseil des ministres ».
L’avocat de la défense, Maître Thierry Lévy avait attaqué à pas feutrés. Il avait commencé par démonter la crédibilité du seul témoin du sous-préfet : son chauffeur (qui aurait été à ses côtés pendant la scène). Puis, il détourna l’attention en en faisant comme une affaire politique, rappelant la visite mouvementée de Nicolas Sarkozy au dernier salon de l’Agriculture et son fameux « casse-toi pauv’ con ». Tentant de remonter la hiérarchie (sous-préfet, préfet de région, ministre de l’Intérieur), qui « n’agit pas sans l’accord du chef de l’Etat », il ajoutait : « Comment peut-on admettre que celui qui incarne la République porte si gravement atteinte à l’autorité de l’Etat et qu’en même temps il engage des poursuites ? ».
Revenant à ses moutons après sa joyeuse digression, Me Lévy avait sorti le procès-verbal d’un policier chargé de la sécurité pendant la commémoration. Et ainsi montré que, au moment des faits, le sous-préfet était protégé par des policiers, et donc pas accompagné par son chauffeur : « Frédéric Lacave a menti grossièrement, tout à l’heure ». Livide, le jeune sous-préfet sort alors de la salle sans se retourner. A la sortie, un badaud le hèla : « Vous êtes fier monsieur le préfet ? Vous êtes fier monsieur le préfet ? ». Avant que l’un de ses amis lui conseille de se taire : « Fais gaffe tu vas te retrouver au tribunal pour outrage ! ».
Les motivations du jugement rendu par la 28e chambre (qui s’était « délocalisée » à… la 17e, celle des affaires de presse) n'étaient pas disponibles ce matin.
A la fin du mois, le Collectif pour une dépénalisation du délit d’outrage (Codedo), devrait présenter son « Manifeste pour une dépénalisation du délit d’outrage », actuellement en cours d’élaboration, ainsi que la liste des principales actions prévues dans les prochains mois.
F. A., illustration La Poste
—————
Mise à jour de 14h45 :
Le CODEDO (Collectif pour une dépénalisation du délit d'outrage) se réjouit de ce verdict et salue la décision de la présidente du tribunal, qui n'a pas suivi le réquisitoire du Parquet.
Maria n'est pas encore rentrée de Colombie, mais je tiens à remercier pour elle toutes celles et tous ceux qui ont évoqué cette affaire dans leurs journaux, radios, sites, blogs – et vous avez été très nombreux !
Pour le CODEDO : Jean-Jacques Reboux
Les commentaires récents