Dans un communiqué publié sur le site du ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire, Eric Besson rappelle que l’hébergement d’urgence « obéit à la règle de l’accueil inconditionnel : les ressortissants étrangers, qu’ils soient en situation régulière ou irrégulière, bénéficient du même accueil et de la même aide humanitaire que les ressortissants français ». En clair : tant qu’il fait froid, les Afghans du 10e arrondissement de Paris (et d’ailleurs…) peuvent rester au chaud, comme cela avait été indiqué ici dès dimanche après-midi… Ce n'était pas vraiment la position du ministre dimanche soir.
Dimanche, alors qu’une soixantaine de jeunes Afghans de 14 à 25 ans avaient dormi au Comptoir général (lire ici) et que se déroulait pour eux un rassemblement de soutien (compte-rendu à lire là), Eric Besson, invité (de longue date) sur i>Télé se devait de réagir à l’acualité. Il avait alors déclaré que le gouvernement était « prêt » à héberger les jeunes Afghans sans-abri du 10e arrondissement et à leur « offrir une formation et une éducation ». Il ne parlait donc pas particulièrement de climat ou de météo, la formation et l’éducation n’étant a priori pas si changeantes.Et, comme pour justifier une position entre deux chaises, il avait estimé que ces « jeunes restent à proximité des gares afin de tenter de partir en Grande-Bretagne et sont toujours la proie de réseaux mafieux » à qui certains « ont payé 15.000 euros » pour venir de leur pays jusqu'à Calais. (lire la dépêche AFP ou la dépêche Reuters).
Le ministre parlait alors de prime abord des mineurs. « Tout
mineur peut et doit être accueilli, c'est la loi en France. Ils peuvent être
accueillis s'ils le veulent ». Et voilà que, dans son communiqué daté du
12 janvier, à peine deux jours plus tard, il développe cinq points sans lien avec les mineurs :
1/ l’absence de condition de nationalité et de régularité
de séjour pour l’hébergement d’urgence ;
2/une enquête qui dirait que moins de 15% des Afghans
souhaiteraient rester en France ;
3/la lutte contre le trafic des êtres humains ;
4/un bilan des actions des services de l’Etat ces derniers
jours ;
5/l’ouverture supplémentaire « de certains équipements publics situés à proximité des deux gares » (Gare du Nord et Gare de l’Est). « Ces salles seront refermées dès que le climat sera plus clément », précise le communiqué.
Il est donc clair que ce que certains pourraient prendre comme un sursaut d’humanité chez M. Eric Besson n’est en fait qu’une stricte application du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda). En effet, si l’Article L622-1 (dont M. Besson disait à la sortie du film Welcome qu’il n’est jamais appliqué) prévoit de réprimer ceux qui viennent en aide aux sans-papiers, l’Article L622-4 donne une dérogation aux particuliers et aux organismes dans les cas où une vie pourrait être en danger.
De fait, il n’y a pas que dans le 10e arrondissement de Paris que M. Besson a décidé de se montrer clément, car il fait de même dans le Calaisis. Et là aussi le communiqué précique que « Cette salle sera refermée dès que les conditions météorologiques seront plus clémentes ». Donc, évidemment, bien avant les élections régionales. Et ce changement de la part du ministre n'est qu'une stricte lecture de la loi…, rien de plus !
En annonçant la semaine passée sur Europe 1 que la France avait expulsé 29 000 étrangers en situation irrégulière (les « objectifs » étant de 27 000), Eric Besson avait pris soin de préciser le nombre de ressortissants afghans : douze (lire ici). Comme pour se justifier. Comme si, même si « techniquement » l’Afghanistan n’est pas en « guerre », ce n’était pas un pays dangereux. L’Afghanistan est un pays tellement tranquille que, le 9 janvier, un journaliste britannique y est mort, et que, avec trois Réunionnais, la France y a désormais perdu trente-huit soldats.
Pierre Desproges disait être « sûr qu'il y a plus d'humanité dans l'œil d'un chien quand il remue la queue que dans la queue de Le Pen quand il remue son œil ». Il est des jours où l’on aimerait pouvoir retrouver l’humour et la fantaisie de Desproges, parti voici vingt-deux ans, sans l’aide de qui que ce soit… Sauf que, désormais, il n’est pas « politiquement correct » de rire de tout. Et dans ce cas précis, l’image que donne Eric Besson est triste.
Pour l’Humanité, Marie Barbier a réalisé un reportage au Comptoir général sur les conditions d’hébergement des jeunes Afghans, publié le 12 janvier, et également ici sur son blogue. Elle a aussi réalisé un entretien avec Atiq Rahimi, à lire là. A Paris, dans le 10e arrondissement, depuis la fermeture du centre de Sangatte, les Afghans avaient pour habitude de se réunir au Square Villemin, qui a été fermé en août 2009. A quelques jours de Noël, France Terre d’asile et des élus parisiens ont effectué une maraude pour se rendre compte, aux premiers grands froids, de la situation.
Dans un communiqué diffusé lundi après-midi et détaillé mardi, France Terre d’asile fait remarquer que l’Ile-de-France « concentre près 43% de la demande d'asile en France alors qu'elle ne compte que 3 304 places d'hébergement en centre d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA), soit à peine plus de 15% du dispositif national ». En clair : ce n’est pas qu'en hiver pour les situation d’urgence et pour une nationalité précise qu’il faudrait agir. Selon le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), la demande afghane a augmenté de 57% dans l'Union européenne au cours du premier semestre 2009 pour atteindre 8 712 demandes. En France, indique France Terre d’asile, 637 Afghans ont déposé une demande de protection sur les onze premiers mois de 2009. La France n’est donc a priori pas un pays prisé par les Afghans.
Dimanche prochain 17 janvier aura lieu la Journée mondiale du migrant et du réfugié, initiée en 1914 par le pape Benoît XV.
F. A., dessin de Placide
Journée de ceci, journée de cela, où comment se donner bonne conscience à moindre frais !
Rédigé par : raannemari | 13/01/2010 à 17h10
Lorsque le pape Benoît XV a initié la Journée mondiale du migrant et du réfugié, en 1914, il visait entre autres les migrants des pays de l'Est.
Ce genre de choses n'était pas «à la mode» comme aujourd'hui.
Rédigé par : Fabien | 13/01/2010 à 17h22
La notion d'accueil et de solidarité s'est émoussée, j'ose même dire a tendance à disparaitre (exception peut-être lors de catastrophes ....)
J'aime beaucoup le titre de ta note !!!!
Quant au droit de vote aux émigrés,(bien que ce soit une ritournelle qui revient à la mode de Lille )quitte à me faire huer, je suis franchement contre ! Il me semble légitime que les citoyens français aient le droit de vote et d'elligibilité sur le plan politique. Par contre je considère que c'est déjà bien que les ressortissants de l'union européenne puisse avoir le droit de vote pour les municipales et européennes.
Après, too much is too much !
Déjà que certains de nos concitoyens votent en ne comprenant rien, n'aggravons pas le phénomène et les manipulations potentielles de "vote" pour obtenir des voix.
Rédigé par : Mimine | 13/01/2010 à 18h47
Attention y a écrit "droit de vote aux émigrés" sous le dessin, c'est pas tout à fait ça !
Rédigé par : kawouede | 13/01/2010 à 21h15
Certes, kawouede… Mais je ne peux pas corriger l'erreur d'une œuvre qui n'est pas de moi !
Rédigé par : Fabien | 13/01/2010 à 21h20
En Belgique, aux élections communales, les "étrangers" peuvent voter et, personnellement, je trouve cela positif qu'ils s'impliquent dans la vie communale.
Il y a pour cela quelques conditions :
Pour pouvoir voter aux élections communales, il faut, pour un (ou une) citoyen(ne) non belge :
être inscrit(e) au registre de la population ou au registre des étrangers ;
être âgé(e) d’au moins 18 ans le jour des élections, le 8 octobre 2006 ;
être établi(e) légalement et sans interruption en Belgique depuis au moins cinq ans au moment de l’introduction de la demande (carte jaune, carte blanche, carte orange ou document de séjour “annexe 35” à l’appui). Autrement dit cette résidence doit être couverte par un titre de séjour légal.
ne pas être sous le coup d’un jugement ou d’une décision qui peut mener à une déchéance définitive du droit de vote ou à la suspension de ce même droit au jour des élections.
Rédigé par : raannemari | 14/01/2010 à 10h15