Dans un document de 56 pages intitulé « Etude sur le phénomène des bandes à Paris » et remis hier au procureur de la République de Paris, M. Jean-Claude Marin, Mme Françoise Duvignau (directrice de la protection judiciaire de la jeunesse, PJJ) et le commissaire François Michel Delécolle décortiquent les « phénomène de bandes » à Paris sur les dernières années. Pour un nombre sensiblement identique (37 affrontements en 2007, 35 en 2008, dont vingt sur les quatre derniers mois), l’étude souligne un « durcissement des affrontements » entre groupes « de plus en plus jeunes », dont l’identification « ne repose que très rarement sur des bases ethniques ». Souvent armés, les protagonistes se livreraient à des sortes de guerres de territoire, s'identifiant à leur quartier.
« La capitale n'est pas à l'abri d'un apport de violences par ses propres groupes de jeunes et la plupart des arrondissements sont concernés par des fait de plus ou moins grande importance », préviennent les deux rapporteurs, à qui commande a été passée par le Parquet de Paris après les incidents entre bandes à la gare du Nord fin mars 2007 (François Baroin venait de remplacer Nicolas Sarkozy à l’Intérieur) et ceux, plus récents, dans les 15e et 19e arrondissements.
Si, dans les affaires, ce sont des individus qui sont poursuivis pour des faits de violence, menaces ou dégradations, les chiffres de la préfecture de police parlent : « en 2008, le phénomène des bandes semble s’être amplifié dans les quatre derniers mois avec plus d’une vingtaine de faits, dont certains se sont conclus par la mort de l’un des protagonistes » ; il s'agit de celle de Djamel, le 8 septembre 2008, dans le 19e arrondissement, avait entraîné des règlements de compte.
Les bandes ont toujours existé à Paris. Dans le 20e comme chez les cinéphiles, on se souvient de Casque d’Or, ailleurs des Zoulous… Si il y quelques décennies elle rejetaient les institutions, c’est maintenant l’autre -celui d’un autre quartier ou d’un autre territoire- qui est de nouveau mal vu. Selon l’étude, « l’intégration à un groupe ne repose que rarement sur des bases ethniques mais davantage sur l’appartenance aux quartiers ». « Les aspects nouveaux se traduisent par un durcissement des affrontements, marqué par l’usage fréquent d’armes en tous genres ». Dans le 19e arrondissement, un policier note « une montée en puissance de la détention d’armes, notamment des pistolets factices pour impressionner. Les saisies d’armes, comme des couteaux ou autres sont fréquentes et régulières dans les parties communes des immeubles ».
Une irruption étrangère est vécue comme une agression
Le rapport souligne aussi une augmentation des rixes entre bandes implantées de part et d’autres du périphérique comme dans le 13e avec la bande de la cité Joseph-Bédier contre celle de la cité Hoche d’Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne). L’origine de la querelle débute souvent sur un regard de travers, une conquête féminine ou un vol de petit matériel. « Sur ces territoires, toute irruption étrangère est vécue comme une agression », ajoutent les deux auteurs. A ces conflits s’ajoutent parfois des vengeances en rapport avec des affaires de stupéfiants. « Parler de trafic de drogue, c’est aussi parler de territoires, souligne le rapport, il ressort d’une première évaluation par les services de police que les groupes de jeunes concernés par le trafic (...) se composent de jeunes dealers âgés de 15 à 22 ans en moyenne, les plus jeunes (à partir de 10 ans) servant de guetteurs, les plus âgés se réservant les transactions ».
Les forces de l’ordre sont parfois démunies, relève le rapport : « Les fonctionnaires sont dans une logique d’efficacité ponctuelle et prennent toutes les précautions pour ressortir indemnes de lieux qu’ils connaissent de moins en moins », qui préconise un meilleur maillage entre la police, la mairie d’arrondissement et le parquet. Ce qui revient, dans les grandes lignes, à conforter le procureur Marin dans les idées qu’il développait en novembre.
Autre piste : la participation du jeune mis en cause, avec ses parents, à des entretiens avec une équipe de travail (un policier, un travailleur social, un médecin, un psychologue, un bailleur).
Jean-Claude Marin relève : « On s'aperçoit que l'absence du père et la fragilité du modèle familial incitent les adolescents à chercher dans la bande les repères, la reconnaissance et la protection qu'ils ont le sentiment de ne plus trouver à la maison. » Pour le procureur de Paris, « les collèges et lycées sont souvent le ferment des bandes » ; 16 % seulement des 1 875 infractions intervenues en milieu scolaire l'an dernier correspondaient à des violences, vols ou extorsions.
Fabien Abitbol
⇒ Une étude souligne l'augmentation de la violence entre bandes à Paris
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