Le procureur Patrice Cambérou a renoncé à faire appel du jugement du 3 octobre dernier rejetant la plainte en diffamation de la garde des Sceaux Rachida Dati contre le bâtonnier de Saint-Pierre Georges André Hoareau. Une décision étonnante… Un épilogue surprenant !
Il y a peu, un procureur de Saint-Denis regrettait publiquement d’avoir « oublié » le nouveau délai d’appel accordé au parquet (il était de deux mois avant d’être ramené à dix jours, comme pour les autres parties, suite à l’intervention de la cour de justice européenne), ce qui l’avait fait renoncer à ses intentions dans le cadre d’une affaire de petites culottes. Il est peu probable que Patrice Cambérou ait été victime de la même amnésie. C’est très certainement en connaissance de cause qu’il a renoncé à son droit d’appel, mettant ainsi un point final, qui peut sembler prématuré, aux poursuites qu’il avait diligentées contre le bâtonnier Georges André Hoareau prévenu de « diffamation envers un fonctionnaire, un dépositaire de l’autorité publique ou un citoyen chargé d’un service public, par parole, écrit, image ou moyen de communication au public par voie électronique ».
« Il a été lâché »
Une décision surprenante au regard de la pugnacité qu’il avait mise dans le premier assaut de la joute qu’il avait lui-même organisée. Surprenante aussi quand on connaît l’ego du magistrat. On s’attendait à le voir relever le gant, et il déposait les armes, enterrait la hache de guerre, remisait les flèches et leurs dards au carquois. Le champion de la ministre mettait genou à terre, reconnaissait sa défaite. Alors pourquoi ? Une illumination soudaine lui aurait fait réaliser la démesure du conflit… La pression, celle de la rue, de l’opinion publique et de la salle d’audience devenue noire des robes des avocats solidaires de leur bâtonnier, serait devenue insoutenable… « Il a été lâché », assurait un haut magistrat, sous-entendant qu’il avait pu agir sur ordre ou tacite approbation et qu’à cette donne-là avait succédé désapprobation ou tacite désaveu. Peut-être, mais c’est aussi ignorer que le procureur Cambérou avait été le seul initiateur des poursuites et que, si l’on en croit les écrits, Mme Dati était restée plus mesurée, renonçant même, dès la première instance, à une constitution de partie civile. Une option lourde d’enseignements. On peut donc penser légitimement que toute cette affaire aura fait beaucoup de bruits et coûté beaucoup d’argent pour rien… Que le représentant du parquet, pour des raisons qui lui sont propres, a pris beaucoup de liberté avec l’argent du contribuable… Ce n’est pas tout à fait faux. Ce serait totalement vrai s’il n’y avait eu cette formidable réaffirmation du fameux article 41 de la loi de 1881, de la liberté de parole due aux avocats lors de leurs plaidoiries en particulier, et de la liberté d’expression en général. Et cela, ça n’a pas de prix !
Christian Chardon, pour le Journal de l’Ile de la Réunion du 18 octobre
⇒ Le rôle (passif) de Patrice Cambérou dans l’affaire des disparus de Mourmelon
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