En se basant sur le principe de liberté de parole des avocats dans leur plaidoirie (article 41 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse), les magistrats du Tribunal de grande instance (TGI) de Saint-Pierre de la Réunion ont jugé, ce vendredi, irrecevables les poursuites pour diffamation à l’endroit de Rachida Dati contre Me Hoarau, le bâtonnier du barreau de Saint-Pierre.
Le 15 mai, prenant la défense d’un homme poursuivi pour fraude aux allocations familiales, Georges-André Hoarau s’était attiré les foudres du procureur Patrice Cambérou. Il faisait allusion à un prétendu diplôme de Mme Dati, qu’elle n’a jamais obtenu, mais dont l’Express et Le Canard enchaîné venaient de faire état ; Le Journal de Saône-et-Loire, lui, en avait parlé dès octobre 1999 pour faire le portrait de la jeune avocate, puisqu’elle se prévalait à l’époque d’un MBA (Master of business administration) qu’elle n’a jamais décroché.
La ministre de la justice avait porté plainte, sans toutefois se constituer partie civile. A l’audience du 25 septembre, les avocats du prévenu avaient plaidé « le principe essentiel de la liberté d'expression ».
De son côté, le procureur de la République avait, lui, estimé que « la liberté d'expression a une limite, c'est la présomption d'innocence », requérant contre le bâtonnier 5 000 € d'amende.
Le nom de la Garde des Sceaux, ministre de la Justice, ne figure pas dans l'annuaire des anciens élèves de HEC (1993) ayant eu leur MBA
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En annonçant son intention de participer à l’audience du 25 septembre pour montrer son soutien à Me Hoarau, la Conférence des bâtonniers avait indiqué dans un communiqué : « L'avocat dispose d'une indépendance intellectuelle et économique à l'égard des pouvoirs quels qu'ils soient », ce qui, pour sa mission « implique, dans les seules limites de la préservation de l'ordre public, un droit d'expression absolu, indépendant de toute soumission ». Les poursuites engagées par la ministre étaient de nature « à porter atteinte à une liberté à laquelle les avocats n'entendent pas renoncer ».
Toujours ce vendredi, à plusieurs milliers de kilomètres de La Réunion, à Bordeaux, un Strasbourgeois s’étant fait passer pour un conseiller de Nicolas Sarkozy et ayant déclaré avoir aussi un (faux) MBA a écopé d’une peine de prison d’un mois ferme. Dans sa sagesse, le président du TGI de Bordeaux n'a pas demandé l'application de la « peine plancher » alors que le prévenu, déjà condamné à Strasbourg pour escroquerie et faux en écriture, comparaissait en état de récidive légale.
Fabien Abitbol
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