Aller et venir librement, anonymement, est « l’une des libertés fondamentales dans nos démocraties », selon la CNIL
Il aura fallu attendre près de trois ans et demi pour que la Commission nationale de l’Informatique et des libertés (CNIL) obtienne gain de cause, afin que les usagers des transports publics d’Ile-de-France utilisant un abonnement informatisé (le passe « Navigo », en l’occurrence) puissent voyager en ayant moins l’impression d’être « fliqués ». Mais pour cela, il faudra payer… Cinq euros : c’est le prix que coûtera (somme non remboursable par l’employeur potentiel) la carte « Découverte » (oui, elle porte le même nom, très original, que la carte de fidélisation de la SNCF…) qui, elle, ne conservera pas pendant 48 heures les heure et lieu de passage dans le métro ou le bus.
La carte « Découverte », qui doit être mise en place le 1er septembre, ne contiendra aucune information nominative sur son utilisateur.
Mais, afin que les contrôleurs RATP puissent travailler, il faudra avoir sur soi une carte avec photo mentionnant le prénom et le nom de l’utilisateur (comme l’actuelle carte Orange). Tout comme Navigo, Découverte sera rechargeable pour une semaine ou un mois.
Bien entendu, voyager « anonymement » n’empêche pas d’être filmé par une caméra de surveillance…
Car, outre le Service régional de la police des transports (SRPT, créé en 2003 par M. Sarkozy) dont, trois ans plus tard, redevenu ministre de l’Intérieur le même Nicolas Sarkozy se félicitait du travail (janvier 2006) avec un accroissement de ses effectifs, il annonçait, pour l’horizon 2007, « un développement de la vidéosurveillance dans les quais, couloirs, stations et gares de la RATP (6500 caméras) et de la SNCF (4000 caméras) ». Et dont le travail s’est soldé au moins par la mort d’un homme, le mois dernier, dans le 10e arrondissement (dont on a dit trois jours plus tard qu’il souffrait de troubles psychiatriques).
Cela ne semble pas suffire à Michèle Alliot-Marie, successeur de M. Sarkozy Place Beauvau. La veille de la mort de l’Algérien de la Gare du Nord, notre ministre de l’intérieur souhaitait en effet tripler la vidéosurveillance en France (et pas seulement dans le métro parisien).
Donc, en optant pour la formule Découverte plutôt que pour la formule Navigo, le voyageur régulier sera certes moins « fliqué » sur ses déplacements (par exemple que fait le voyageur entre son domicile et son travail ?) mais n’en sera pas moins par des caméras coûteuses à acquérir, à entretenir, et… à surveiller par des êtres humains ! A Londres, la vidéosurveillance n’a pas empêché les attentats du 7 juillet 2005 et la tragique « bavure » qui s’ensuivit. Ni ceux - dont on se souvient moins – qui ont eu lieu deux semaines plus tard.
A chacun de choisir, mais le moins que l’on puisse dire est que le communiqué de la CNIL (ci-dessous) n’est pas très enthousiaste… et fait même remarquer que le ticket (certes plus dispendieux) est le meilleur moyen d'être anonyme.
Certes, des voyageurs sont plus rassurés par des caméras que par des uniformes ; sont-ils majoritaires ? Mais comme il faut tout de même payer des salaires pour visionner des caméras, la formule « Sarkozy » n’était-elle pas meilleure (au moins pour l’emploi) que la formule « Alliot-Marie » ? A moins que notre nouvelle ministre veuille aussi augmenter les effectifs, mais les restrictions budgétaires annoncées par le président de la République pourraient l’en empêcher.
Fabien Abitbol
• Le communiqué de la CNIL :
Aller et venir librement, anonymement, est l’une des libertés fondamentales dans nos démocraties
C’est pourquoi, dans son avis du 8 avril 2004 relative à l’exploitation des données de validation des passes navigo par la RATP, la CNIL avait estimé qu’il convenait de laisser aux usagers la possibilité d’utiliser un service de transport public de manière anonyme, sans qu’il en résulte un surcoût par rapport au choix d’un passe nominatif. En effet, dans le passe navigo actuel, les données de validation (dates, heure et lieu de passage) sont associées aux numéros d’abonné durant 48 heures uniquement à des fins de lutte contre la fraude.
Réinterrogée par la CNIL sur le sujet, le Syndicat des Transports d’Ile-de-France (STIF) a indiqué qu’outre le passe navigo actuel, une nouvelle forme de passe navigo, pour lequel les données de validation ne seront pas associées à un numéro d’abonné (ce qui le rend anonyme), sera mis en vente dès le 1er septembre 2007.
Ce nouveau passe se compose d’une carte à puce anonyme et d’une carte nominative de transport qui, pour les besoins des contrôles par les sociétés de transport, comportera au recto les données personnelles suivantes :
⇒une photographie (collée par l’usager),
⇒les nom et prénom de l’usager (via une inscription manuscrite).
La carte nominative de transport et la carte à puce devront être présentées ensemble lors d’éventuels contrôles.
En cas de perte, de vol, de détérioration ou d’erreur technique, le remplacement du passe s’effectuera moyennant finance à charge pour l’abonné de fournir une nouvelle photographie et de réinscrire ses nom et prénom au recto du nouveau passe.
Les données de validation inscrites sur la puce n’étant pas associées à un numéro d’abonné ou à un nom de client, elle ne seront conservées qu’à des fins purement statistiques.
Le STIF a fait savoir que ce nouveau passe, appelé « navigo découverte », sera disponible pour tous les utilisateurs de l’abonnement carte orange mensuel ou hebdomadaire, dans les stations RATP et les gares SNCF et qu’il fera l’objet d’une campagne d’informations dès la rentrée.
Bien que la Commission regrette la mise en service tardive et payante de ce passe navigo « anonyme », elle ne peut que se réjouir de voir ses recommandations appliquées.
Pour tous ceux qui souhaitent encore se déplacer « anonymement » : ticket à l’unité ou passe découverte, à vous de choisir…
A lire :
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• Un nouveau passe Navigo pour se déplacer « anonymement » en Île-de-France
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