Un docu-fiction ce soir sur France 3
Alors que l’on n’a jamais vu autant de femmes prétendre à la magistrature suprême (dont l’une représente l’un des deux plus importants partis politiques français), France 3 propose ce soir à 23h05, sous le titre « La Française doit voter ! », un docu-fiction sur la proposition de loi de 1906 qui a abouti… en 1945 au droit de vote de la moitié exclue du corps électoral. Un petit cours d’histoire et de civisme, digne du service public, avec Thierry Frémont et Jean-François Balmer dans les rôles principaux (deux hommes…, le second dans le rôle du sénateur inflexible). C’est en 1945 que Gerty Archimède, avocate guadeloupéenne militante de la cause féministe, entre au Conseil général de la Guadeloupe, avant, l’année suivante, de faire partie de la trentaine de députés de la gent féminine. Une voie du 12e arrondissement devrait lui rendre hommage, selon le vœu défendu en septembre 2006 au Conseil de Paris (un film lui a d’ailleurs été consacré l’an dernier).
La femme représente la moitié de l’humanité, mais n’a obtenu le droit de vote qu’après la Seconde Guerre mondiale (alors que c’est elle qui a fait tourner la France pendant la Première). C’est pourtant depuis 1906 qu’un projet de loi « tendant à accorder aux femmes le droit de vote dans les élections aux conseils municipaux, aux conseils d'arrondissement et aux conseils généraux » est présenté par Paul Dussaussoy, député de la 2e circonscription du Boulonnais, interprété dans le film par Jacques Boudet. Le député Dussaussoy mourra en 1909 sans avoir vu son envie de voir les femmes voter aux élections locales se concrétiser… Pour l’historique sur le vote des femmes en France, cliquer ici.
La guerre de 1914-1918 va contribuer à faire évoluer les mentalités. En 1915, la Chambre des députés accorde aux femmes françaises le droit de disposer de l’autorité paternelle si l’époux mobilisé ne peut jouer son rôle. Et au lendemain de la guerre, en 1919, le député Pierre-Etienne Flandin (interprété par Thierry Frémont) reprend à son compte la proposition Dussaussoy.
Le 21 novembre 1922, par 156 voix contre 134, les sénateurs refusent de discuter les articles.
Pendant vingt ans, l’histoire va se répéter : par six fois les députés adoptent le vote des femmes et à six reprises les sénateurs le repoussent.
En 1936, il y a pourtant trois femmes nommées sous-secrétaires d’Etat par Léon Blum ! Cécile Brunschvicg à l’Education nationale (lire ici l’hommage qui lui a été rendu à Angers), Irène Joliot-Curie (la « fille de… » a obtenu le prix Nobel en 1935) à la Recherche scientifique et Suzanne Lacore (une institutrice) à la Protection de l’enfance exercent un mandat sans même avoir le droit de vote, alors que dans certains états américains il existe depuis plus de 60 ans et qu’en Europe plusieurs pays l’ont adopté depuis plus de vingt ans…
Il faudra attendre avril 1944 pour que, à la demande du général de Gaulle, l’assemblée consultative provisoire d’Alger approuve enfin l’Ordonnance du 5 octobre : les femmes sont électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes.
Le 29 avril 1945, à l’occasion des élections municipales et cantonales, les Françaises votent pour la première fois. Et le 21 octobre 1945, elles votent pour un scrutin national (référendum et Assemblée constituante). Plus de trente femmes sont élues membres de l'Assemblée nationale constituante (dix-huit communistes, une "Union républicaine et résistante", cinq SFIO, huit MRP et deux divers droite), où elles font leur entrée en 1946.
C’est un pan de cette histoire que nous relate ce soir France 3 dans une coproduction Flach Film/LCP-Assemblée nationale/le scérén-CNDP, avec la participation de France 3, France 5, TV5Monde et CFI. Avec le soutien du Ministère de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, du Ministère de la Santé et des Solidarités, du Centre national de la cinématographie, de la PROCIREP et de la Ligue de l’Enseignement. Le président de l’Assemblée nationale sortant, Jean-Louis Debré, a autorisé les tournages au sein de la Chambre des députés, la musique est de l’excellent complice en jazz de Daniel Humair, Michel Portal, et le texte est dit par la charmante Isabelle Carré, qui, selon « Paris Obs » du 25 janvier, affectionne certains bars de l’Est parisien.
Fabien Abitbol
Photos du site de France 3
Lire ici l’interview du réalisateur Fabrice Cazeneuve et là celle de Bruno Fuligni, l’auteur. Ecrivain et responsable de la mission éditoriale de l’Assemblée nationale, Bruno Fuligni a signé en 2005 le scénario du film “La Séparation” portant sur la loi de 1905, sur la séparation des Eglises et de l’Etat.
Dans un entretien accordé en mai 2006 à l’intern@ute, M. Fuligni remarquait : « Sur 15 000 députés, il ya eu 270 "députées"... Elles sont actuellement 12 %, ce qui est la plus forte proportion jamais atteinte en France »…
Mise à jour du 04 mars : Manuel, un lecteur attentif du 12e arrondissement, me fait savoir que la rue Gerty-Archimède existe déjà. C'est en effet dans cette rue que l'école Baron Le Roy a été livrée en décembre 2006. Je ne l'avais tout simplement pas encore trouvée sur le site de la nomenclature des voies de Paris… qui n'a manifestement pas été mis à jour.
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