Voilà le président sortant —bientôt sorti si les électeurs en décident ainsi— qui justifie l’injustifiable: l’agression de journalistes lors de meetings de soutien à sa candidature. «Vous faites un beau métier», disait Nicolas Sarkozy en janvier aux journalistes pour ses derniers vœux présidentiels…
Le même Nicolas Sarkozy qui, en d’autres temps, sûr de lui, disait au sujet des “caricatures du Prophète” qu’il valait mieux «un excès de caricature que pas de caricature du tout», prônant en ce sens la liberté de la presse, laisse les militants du parti qu’il a dirigé invectiver les journalistes.
Le 1er Mai, une journaliste du site Mediapart était agressée à la Concorde, lors du meeting de Nicolas Sarkozy. En publiant la plainte de Marine Turchi, Edwy Plenel parlait ici de «pulsions jadis réservées à l’extrême droite». Un électorat que le président sortant a caressé dans le sens du poil à plusieurs reprises, avant 2007 comme maintenant.
Marine Le Pen a annoncé son intention de voter blanc, mais n’a pas donné de consigne de vote. Le vote blanc, pour une fois, sera analysé de près pour ce second tour. On verra alors quel populisme l’emporte: celui, volontaire, de la présidente du Front national ou celui, désespéré, de l’encore président de la République.
Car pendant ce temps, Nicolas Sarkozy persiste. Après avoir lancé mardi un nouvel appel sur BFM et RMC aux électeurs frontistes, il a récidivé mercredi soir à la télé (ce que les électeurs de Marine Le Pen n’ont presque pas vu).
L'agression ne «doit pas être trop grave», estime Sarkozy
Et ce vendredi, dernier jour de campagne en France métropolitaine (et pour certains Français d’Outre-mer et de l’étranger), alors qu’il était invité sur Europe1, il a tout bonnement mis en cause les médias, souhaitant que chacun «comprenne l'attitude des gens qui sont exaspérés par une forme d'intolérance et de parti pris» de la part des journalistes. On n’est pas très loin de Marine Le Pen, qui accuse «la caste journalistique» d’être composée de «privilégiés» qui rouleraient pour les «candidats du système», à la nuance près que le président sortant fait partie de ces «candidats du système».
C’est que la veille, toujours lors d’un meeting de l’UMP, deux journalistes de BFM TV (Ruth Elkrief et Thierry Arnaud) avaient été agressés. Eux aussi. Par des participants, sans doute militants de l’UMP.
Cette agression intolérable a été minimisée vendredi matin par le président de la République en ces termes: «Je ne sais pas ce qui est s'est passé, mais enfin comme j'ai vu Ruth Elkrief parler à l'antenne, je pense que ça ne doit pas être trop grave. Si quelqu'un lui a fait une remarque j'en suis désolé».
Une agression, fut-elle «pas trop grave», n'en reste pas moins une agression. Intolérable. Une de plus, la n-ième depuis celle début avril du Marché des Enfants-Rouges, dans le centre de Paris, où Vaea Devatine avait été prise à partie par des militants UMP dont une se disant avocat. Les militants des autres partis, eux, n'avaient pas agressé la journaliste.
Un dissident UMP et le PS visés
La parole de celui qui pense avoir gouverné la France pendant cinq ans est lourde de sens alors que des permanences politiques font l’objet de vandalisme.
Cela a été le cas dans la nuit de mercredi à jeudi, donc dans les heures qui ont suivi un débat télévisé où, selon trois sondages, M. Sarkozy ne s’est pas montré sous son angle le plus convaincant.
Dans l’est parisien, ancré à gauche, la permanence de la députée PS de la 15e circonscription (majorité du 20e arrondissement) George Pau-Langevin a été visée. A moins d’un kilomètre de là, toujours dans le 20e, c'est le local de la section du PS… Des actes que Bertrand Delanoë a considérés jeudi comme étant «une offense à la démocratie et un outrage aux valeurs de Paris».
Et voilà qu’un autre «outrage aux valeurs de notre ville et à la loi républicaine» a été commis la nuit suivante, selon les termes du communiqué du maire de Paris, cette fois contre la permanence d’un élu UMP dans le 12e arrondissement. Ce conseiller régional, Franck Margain, se présente aux prochaines législatives, là où le candidat investi par l’UMP sera le parachuté Charles Beigbeder.
La classe politique devrait s’en émouvoir au plus haut niveau. Elle préfère commenter les médias jugés partisans par des militants exaltés ou désespérés.
Vivement qu’on en finisse avec ce quinquennat. Cette campagne pue!
Fabien Abitbol, dessin de Kat
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