L’Organisation internationale du Travail (OIT, basée à Genève) affirme qu’entre 1,8 et 2,1 millions d’emplois pourraient être créés en une année dans les économies avancées si les gouvernements adoptaient une approche de la rigueur budgétaire plus favorable à l’emploi. Mais, selon le rapport annuel, les politiques de rééquilibrage des finances publiques actuelles vont entraîner une faible croissance de l’emploi et une détérioration de la position budgétaire à moyen terme. Dans ce scénario, seulement 800 000 emplois seraient créés en une année dans les économies avancées.
Seuls six pays développés ont vu leur taux d'emploi augmenter depuis 2007: Allemagne, Autriche, Israël, Luxembourg, Malte et Pologne. Par opposition, les pays qui ont battu des records sont l'Espagne, avec 24% de chômeurs début 2012, et la France, où le chômage vient d’atteindre son plus haut niveau depuis 1999, après onze mois consécutifs de hausse.
Et il faut s’attendre à une nouvelle récession en Europe, due cette fois à «l'obsession de l'austérité budgétaire» dans divers pays de la zone euro, qui renforce la crise de l'emploi. Ainsi, le retour à un taux d’emploi semblable à l’avant-crise de 2008 pourrait être reculé de deux ans, et porté à la fin 2016, lorsque la France parlera de nouveau de sa future échéance présidentielle.
La crise est «entrée dans une nouvelle phase», dit l’OIT. Et ce alors que le marché du travail n’avait pas encore entièrement récupéré après la crise mondiale de 2008. Environ 50 millions d’emplois font toujours défaut par rapport à la situation qui prévalait avant la crise.
Alors que 80 millions de personnes devraient arriver sur le marché du travail dans les deux prochaines années, l’OIT estime «peu probable» que l’économie mondiale croisse à un rythme suffisant dans la même période pour, simultanément, combler le déficit d’emplois actuel et leur fournir du travail.
L'austérité: un piège pour les économies avancées
En Europe, les tendances sont «particulièrement préoccupantes»: le taux de chômage a augmenté dans près de deux-tiers des pays depuis 2010.
Certaines catégories de personnes, comme les chômeurs de longue durée, sont menacées d’exclusion du marché du travail. Ce qui signifie pour l’OIT qu’elles «ne parviendront pas à obtenir un nouvel emploi», même en cas de forte reprise de l ‘économie.
La dégradation de la situation «illustre le piège que représente l’austérité pour les économies avancées, et tout d’abord pour l’Europe», écrivent les économistes, qui estiment que «malgré les déclarations favorables à l’emploi qui se sont succédé dans les réunions du G20 et d’autres forums mondiaux, la stratégie politique s’est détournée de la création d’emplois et de l’amélioration des conditions de travail pour se concentrer sur la réduction des déficits budgétaires à tout prix».
Dans les pays européens, la réduction des déficits budgétaires a été considérée comme indispensable pour apaiser les marchés financiers.
Dans les faits, l’austérité s’est traduite par une faible croissance économique, une volatilité accrue et une détérioration des bilans des banques qui débouche sur une contraction supplémentaire du crédit, une baisse de l’investissement et, par conséquent, de nouvelles pertes d’emplois.
Paradoxalement, cela a aussi altéré les budgets des gouvernements, exigeant encore plus d’austérité. De plus, il n’y a guère eu de progrès en matière de déficits budgétaires dans les pays qui mènent avec détermination des politiques de rigueur.
«Ce qui explique en partie l’approche politique actuelle, c’est l’hypothèse que la croissance naît de la rigueur et que les emplois naissent à leur tour de la croissance. A ce jour, les efforts ont donc principalement porté sur la réduction des déficits et la restauration de la croissance mondiale pour retrouver des chiffres positifs dans l’attente que très vite la création d’emplois s’ensuive. Par conséquent, des mesures plus directes, destinées à favoriser la création d’emplois et à augmenter les revenus des personnes les plus fragilisées par la crise, n’ont été que des priorités de second rang», accuse l’Organisation.
Fabien Abitbol
Le rapport 2012 sur le travail “De meilleurs emplois pour une économie meilleure” (128 pages, en anglais), est ci-contre: Téléchargement OIT2012
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