Après l’arrestation du couple Gbagbo, et à trois jours du septième anniversaire de la disparition, le 16 avril 2004 à Abidjan, de notre voisin le journaliste franco-canadien Guy-André Kieffer (GAK), le syndicat de journalistes SNJ-CGT interpelle dans un communiqué «les autorités françaises» auprès de qui il «renouvelle […] sa demande d’ouverture d’une enquête sérieuse, quelles que soient les personnes pouvant être inquiétées». Pour sa part, dans un entretien au site du Nouvel Obs, Osange Silou-Kieffer annonce sa volonté d’être partie civile au Tribunal pénal international.
Le syndicat rappelle que Guy-André Kieffer, avant de se rendre en congé sabbatique en Côte d’Ivoire à la demande de Laurent Gbagbo, avait passé dix-huit ans à La Tribune, «où il avait été délégué syndical du SNJ-CGT». L’enquête de GAK «dérangeait ceux qui contrôlaient le marché du cacao dans ce pays, au point que notre confrère avait reçu des menaces de mort à plusieurs reprises. Sans doute avait-il mis au jour des transactions peu reluisantes mettant des personnalités en cause», estime le SNJ-CGT, qui précise que «l’entourage de Ouattara est très directement impliqué dans le marché du cacao en Côte d’Ivoire».
Et de préciser que «le gendre du nouveau président, Anthony Ward, dirigeant du groupe Armarajo, a notamment spéculé sur le cours de la précieuse cabosse au point de se voir affubler du surnom de “Chocolate fingers”». Aussi, pour le SNJ-CGT, «il semble […] que le nouveau président a les moyens de pénétrer les milieux du cacao pour lui permettre de faire éclater la vérité. On comprendrait mal que Alassane Ouattara, présenté comme un parangon de vertu, ne fasse pas toute la lumière sur la disparition de notre camarade». Samedi dernier, Afrik.com, revenant sur certaines activités de l'Armarajo trading et sur les événements des derniers mois, titrait «Et si on avait fait la guerre pour le cacao?».
«Quand on est capable d’intervenir comme l’ont fait les militaires français en Côte d’Ivoire pour déloger Gbagbo et installer Ouattara, on comprendrait encore plus mal que les autorités judiciaires ivoiriennes refusent de coopérer avec la justice française pour apporter une réponse aux questions posées par la disparition de Guy-André Kieffer», conclut le communiqué, diffusé ce mercredi 13 avril depuis le siège de la CGT à Montreuil.
Quant à l’épouse de GAK, Osange, dans son entretien au site Internet du Nouvel obs (à lire ici), elle parle notamment de la joie de sa fille, Canelle, qui aura vingt-cinq ans dans trois semaines. «Depuis lundi, j'entends rire ma fille, et je n'avais pas entendu rire ma fille depuis sept ans. Et cela, c'est extraordinaire pour moi. Nous avons le cœur rempli d'espoir», raconte Osange Silou-Kieffer.
Osange Silou-Kieffer indique par ailleurs que le juge d’instruction Patrick Ramaël, chargé depuis le début du volet français de l’enquête, a fait une demande au niveau de la cour pénale internationale «pour que nous puissions avoir accès aux dossiers des plaintes qui ont ou pourraient être déposées» et qu’elle a un rendez-vous avec l'ambassadeur de Côte d'Ivoire en France, afin d’étudier les modalités de se porter partie civile au Tribunal pénal international.
En décembre 2009, déjà, la CPI avait été saisie par le juge Ramaël d’une demande d’entraide judiciaire visant plusieurs personnalités ivoiriennes, tant pour la disparition de Guy-André Kieffer que pour l’enlèvement de l’avocat parisien Xavier Ghelber, en novembre 2004, pour lequel le barreau de Paris s’est constitué partie civile.
Samedi 16 avril, à l’occasion des sept ans de la disparition de Guy-André Kieffer, une marche est organisée l’après-midi à Paris avec le soutien de Reporters sans Frontières (RSF). Sur le thème «7 ans d’absence, 7 ans de silence, 7 ans de questions, 7 ans de mensonges», elle partira à 14h30 de la Place de la Bourse (dernier lieu de travail parisien de GAK), et se rendra en direction du Jardin du Luxembourg, son lieu de promenade préféré.
Fabien Abitbol, photo: le portrait de Guy-André Kieffer dansle hall de la mairie du 20e arrondissement, où il résidait depuis 1980 (archives F. A.), l'appel au rassemblement pour le 16 avril 2011 (DR)
A lire :
Cacao : Anthony Ward, le roi du cacao, a faim de production (The Telegraph, 19 juillet 2010, en anglais)
Le spéculateur «Chocolate Finger» fait flamber le cacao (Le Figaro, 23 juillet 2010)
Choc Finger ou Goldfinger? (Jeune Afrique, 11 août 2010)
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