Le président de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI), Nils Muiznieks, a fait part ce jeudi 8 juillet dans un communiqué diffusé sur le site Internet du Conseil de l’Europe, de la « vive préoccupation » que lui inspire la montée des violences racistes en Europe. La montée du chômage et le « durcissement du débat sur l’immigration » en sont les principales causes. En juin, l'ECRI avait pointé du doigt certains responsables politiques français.
« Il y a eu au cours de l’année qui vient de
s’écouler un durcissement du débat sur l’immigration et une aggravation des
attitudes xénophobes et intolérantes en général, y compris des attaques
verbales virulentes et des incidents violents », a déclaré le président
Muiznieks. Il a de fait déploré que 29 Etats membres du Conseil de l’Europe
n’aient pas encore ratifié le Protocole n°12 à la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme, qui prévoit l’interdiction générale de la discrimination. La France fait partie des
pays les plus à la traîne, à en croire ce tableau d’avancement des signatures.
Le rapport annuel 2009 de l’ECRI (40 pages, à lire ici) a été rendu public ce jeudi. Il étudie les grandes tendances
observées en matière de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie,
d’antisémitisme et d’intolérance en Europe.
Dans le rapport, l’ECRI se dit préoccupée par les
conséquences de la crise économique pour les groupes vulnérables, et notamment
avec l’augmentation du chômage et la réduction des services sociaux. L’opinion
publique, dont l’attitude négative est alimentée par un discours politique de
plus en plus xénophobe, rend les immigrés responsables du chômage et de la
détérioration de la sécurité. Un rapport a été demandé en ce sens à l’ancien
parlementaire socialiste français Jean-Michel Belorgey.
L’ECRI appelle les Etats européens à appliquer
scrupuleusement leur législation visant à prévenir et à combattre le racisme,
l’intolérance et la xénophobie, et à combler les vides juridiques qui
perdurent. Si elle reconnaît que certains Etats ont adopté une législation
adaptée, l’ECRI souligne néanmoins que l’application des textes « reste
souvent un défi ».
L’ECRI est également préoccupée par la persistance du
recours généralisé au profilage racial par la police, par les abus dans la
lutte contre le terrorisme et par les brutalités policières contre des groupes
vulnérables.
Le rapport note que :
• Les Roms
et les Gens du voyage restent en butte à une hostilité ouverte et à l’exclusion
sociale ; ils sont victimes de meurtres et de raids contre leurs
campements.
• Le racisme
anti-Noirs perdure en Europe et se traduit souvent par des attaques organisées
contre la communauté noire et par de fréquentes injures liées à la couleur de
peau lors des manifestations sportives.
• La
discrimination envers les musulmans persiste dans les domaines de l’emploi, du
maintien de l’ordre, de l’urbanisme, de l’immigration et de l’éducation. Depuis
peu, les musulmans sont également visés par des restrictions spécifiques
d’ordre juridique. Les Etats doivent faire plus pour encourager la tolérance à
l’égard de la diversité religieuse.
• L’antisémitisme perdure en
Europe. Les actes de vandalisme visant des synagogues et des cimetières juifs
restent, avec le négationnisme, des sujets de préoccupation.
L'ECRI et la France
Le 15 juin dernier, dans un rapport d’une cinquantaine de pages (le quatrième du genre sur la France), l’ECRI avait été assez critique. Et n’avait pas manqué de noter que « certains responsables politiques exploitent des stéréotypes racistes et xénophobes ». La publication du rapport sur la France intervenait une dizaine de jours après la condamnation de Brice Hortefeux pour injure raciale, mais ce rapport avait été rédigé avant le jugement.
Le manque d’aires de stationnement pour les Roms comme le
maintien de l’ordre sur la base de critères ethniques avaient été reprochés à
la France. Et bien entendu le profilage et la politique du chiffre. « Il y a forcément une part de
subjectivité dans la pratique des contrôles d'identités », répliquait dans L’Express le secrétaire général d’un syndicat de policiers.
L’ECRI avait par ailleurs demandé à la France de soutenir et consulter régulièrement la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) et de prendre en compte ses avis et recommandations. Petit hic : la HALDE est amenée à disparaître au profit du très généraliste Défenseur des droits.
F. A.
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