Un témoignage implique la présidence ivoirienne
Après la famille d’Ingrid Bétancourt et la veuve du juge Borrel, Nicolas Sarkozy a reçu hier la femme et le frère du journaliste Guy-André Kieffer (ainsi que d’autres membres de la famille, note du ouaibemaître), disparu en Côte-d’Ivoire depuis trois ans et probablement assassiné. Il a donné l’assurance à Osange Silou-Kieffer que « ce dossier était une priorité pour l’Etat français » et a promis d’en parler au président ivoirien Laurent Gbagbo. « Nous avons sollicité à plusieurs reprises une rencontre avec Jacques Chirac, et on n’a jamais vu de suite, a expliqué à sa sortie de l’Elysée Osange Silou-Kieffer. Il y a manifestement un changement, c’est évident pour nous. »
L’instruction menée par les juges Patrick Ramaël (également en charge de l’Affaire Ben Barka, note du ouaibemaitre) et Emmanuelle Ducos (qui s’est récemment rendue, pour une autre affaire, en Côte d’Ivoire, note du ouaibemaître) vise en effet plusieurs proches du président ivoirien (qui a « repris ses activités hier », note du ouaibemaître) et de son épouse Simone. Guy-André Kieffer enquêtait à Abidjan sur les détournements de fonds de la filière cacao, principale source de devises de l’Etat ivoirien, en guerre contre une rébellion depuis septembre 2002. Il a été enlevé sur un parking d’Abidjan le 16 avril 2004. « Si les gens qui sont les donneurs d’ordre de l’enlèvement de mon époux n’étaient pas des proches de Gbagbo, je pense que c’est un dossier que les juges auraient réussi à boucler », s’est insurgée hier Osange Silou-Kieffer.
Selon un témoin ivoirien, dont le témoignage a été diffusé hier par France 3, Guy-André Kieffer a été enlevé par un commando, détenu deux jours à la présidence ivoirienne avant d’être abattu. Berte Seydou, qui se présente comme le chauffeur de Jean-Tony Oulaï, un ex-membre des services spéciaux mis en examen pour « enlèvement » et « séquestration » dans cette affaire, Kieffer a été enlevé par un commando à bord d’un 4x4 blanc, emmené dans une première villa, puis transféré à la présidence pendant deux jours et deux nuits. De là, il aurait été conduit à la « ferme aux volailles », un lieu d’exécution secret, où il a été abattu par deux hommes en armes sur signal de Jean-Tony Oulaï. Le corps, enterré sur place, aurait été exhumé deux jours plus tard, transporté dans une autre villa puis vers une destination inconnue.
« C’est une piste intéressante », a réagi hier Bernard Kieffer, le frère du disparu, ajoutant que ces révélations demandaient à être « prouvées judiciairement ».
© Christophe Ayad, pour Libération du 24 août, photo © Pierre Payan (avril 2007)
⇒ Pour une fois, ce n’est pas Thomas Hoffnung, habitué à suivre l’Affaire Kieffer, qui a publié le sujet de Libération. On ne trouve aucune mention du beau-frère de « La Présidente » dans ce sujet.
⇒ Lire ICI le sujet d’Europe 1, et écouter les podcasts de Robert Meynard (RSF) et de Bernard Kieffer, frère cadet de Guy-André.
⇒ Notre voisine Osange Silou-Kieffer, épouse de Guy-André, sera reçue à Europe Midi ce vendredi sur Europe 1. Son témoignage sera rajouté aux podcasts ci-dessus.
⇒ A l’occasion des trois ans de la disparition de GAK, les noms de cinq militaires ivoiriens (probablement décédés, en tous cas non présentés à la justice française) avaient été dévoilés.
⇒ Un décryptage du sujet de France 3 d’hier plus pointu sur Afrik.com
⇒ La dépêche Reuters d’hier soir sur le site du quotidien économique La Tribune, pour lequel Guy-André avait travaillé de 1984 à 2002, après quatre années passées à Libération.
⇒ Des nouvelles sur le fil d’information mis à jour par la famille.
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