Comme prévu, les juges Ramaël et Blot, en charge de l’enquête sur la disparition, le 16 avril 2004, du journaliste franco-canadien domicilié dans le 20e arrondissement Guy-André Kieffer (GAK) sont arrivés dimanche soir en Côte d’Ivoire, indique cette dépêche du bureau d’Abidjan de l’AFP. Les auditions ont commencé. Des enregistrements d'il y a cinq ans seraient en possession des magistrats.
Voici un an s’est créé à Abidjan un collectif de soutien, présidé par Baudelaire Mieu, qui a travaillé avec GAK jusqu’à sa disparition
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Hier mardi, durant quatre heures, les juges français ont procédé au tribunal d’Abidjan à l’audition de Patrice Baï (aussi orthographié Bayi ou Bailly), qui était en 2004 le responsable de la sécurité à la présidence ivoirienne, explique ici Jules Claver Aka dans Le Nouveau Réveil. Dans son édition de lundi, le même journal indiquait que les magistrats français espéraient entendre « une quarantaine de personnes », en sus de l’épouse du président Gbagbo et du ministre du Plan Paul Antoine Bohoun Bouabré (ministre de l’Economie voici cinq ans lors de l’enlèvement de GAK). Les auditions de Mme Gbagbo et de M. Bohoun Bouabré étaient conditionnées entre autres à celle de M. Baï. Deux autres témoins importants seraient à entendre par priorité, dont Anselme Séka Yapo (dit Séka Séka), dont le nom revient régulièrement dans le dossier. Il s’agit de l’ancien aide de camp de Simone Ehivet Gbagbo. Un militaire, ancien stagiaire de Melun, sorti en 1997 de l’école des forces armées de Bouaké, et que Le Monde, dans ce sujet de février 2003, considérait comme un chef d’escadron de la mort.
Dans ce communiqué de Reporters sans frontières de mai 2004 figuraient huit noms, et la situation n’a pas beaucoup évolué après neuf voyages du juge Ramaël sur le terrain (celui-ci est le dixième).
Reste à savoir pour Mme Gbagbo et M. Bohoun Bouabré s’ils seront disposés à être auditionnés au sein du palais de justice, car c’est ce que souhaitent les magistrats français. Eux ont un penchant pour un autre palais : le présidentiel — ou le domicile, pour le ministre. Dans les deux cas, la présence de magistrats ivoiriens sera effective ; dans les deux cas, Simone Gbagbo a choisi de se faire assister par deux avocats français — et non des moindres — Mes Georges Kiejman et Pierre Cornut-Gentille ; mais pour les magistrats français une audition au palais de justice aurait un caractère plus solennel.
Le « caillou dans la chaussure »
Le Nouveau Réveil évoque par ailleurs des enregistrements de conversations de Tony Oulaï, effectués le 16 avril 2004, qui seraient en possession de la justice française. Tony Oulaï (ou Jean-Tony Oulaï) est présenté comme le chef du commando ayant enlevé GAK le 16 avril 2004. Mis en examen en janvier 2006 pour « enlèvement et séquestration » et incarcéré quelques mois à la Santé, cet ancien militaire, fils de colonel, avait été de nouveau interpellé en octobre 2007 pour avoir dérogé à son contrôle judiciaire, puis était retourné en prison. Si ces enregistrements ont enfin été retrouvés, voilà qui est intéressant…
« Avec cette affaire, ils ont un caillou dans leur chaussure ». C’est ainsi que Bernard Kieffer, le frère cadet de Guy-André, interprète le changement d’attitude de Simone Gbagbo et de Paul Antoine Bohoun Bouabré. Une phrase sibylline que l’on retrouve encore dans cette édition de Jeune Afrique, additionnée de la remarque : « En allant à cette convocation, ils espèrent mettre un point final à leur embarras. Mais je crois qu’ils se trompent. »
Jeudi dernier, à l’occasion des cinq ans de la disparition de Guy-André Kieffer, une quarantaine de personnes se sont retrouvées à l’Arsenal, près de la Bastille, selon cette dépêche, tandis que, dans Le Nouveau Réveil, André Silver Konan publiait ce court billet, établissant à l’adresse de la France ce parallèle « On imagine mal, des gens conduire un journaliste étranger, ami de Nicolas Sarkozy à l'Elysée, puis le faire disparaître, sans qu'il ne le sache et que l'affaire ayant éclaté, il ne montre aucun empressement à la tirer au clair ! ». Sur son blogue, il publiait le lendemain le Portrait d’un journaliste investigateur, victime oubliée d’un crime d’Etat(s).
Jeudi dernier également, mais à Lyon, Mme Elisabeth
Borrel, la veuve du magistrat décédé à Djibouti en octobre 1995, et dont il a fallu attendre la fin
2002 pour que l’on sache « officiellement » qu’il s’agissait d’un
assassinat (la thèse officielle, moins d’une heure après l’annonce du décès,
était celle du «suicide») donnait une interview à Surf TV, dans le cadre de la conférence de presse coorganisée
avec Bernard Kieffer sur les affaires Kieffer et Borrel. « Les défis
politico-judiciaires de Sarkozy », avait titré en août 2007 titré Le
Pays, repris ici par Fasopresse, au sujet des affaires franco-africaines Borrel et
Kieffer.
Dans les deux cas se posait, avec l’arrivée au pouvoir en France d’un nouveau président qui disait vouloir tenir sur l’Afrique un nouveau discours, la question de la sauvegarde des intérêts de la France, et occasionnellement ceux de quelques industriels bien en cour. Dans l’interview audio qu’il a donnée la semaine dernière à Europe 1 (à écouter ici), Bernard Kieffer indiquait que son frère gênait peut-être aussi des intérêts français en Côte d’Ivoire.
Le Doha Centre, dans son communiqué du 16 avril, a rappelé les menaces dont GAK faisait l’objet avant sa disparition, ainsi que la déclaration du président Gbagbo à l’issue de ce documentaire, disant en substance que, en temps de guerre, la mort d’un homme n’est qu’un « détail ». La version anglaise titre, elle, sur le « mur de silence » dressé par la présidence ivoirienne autour des principaux protagonistes présumés de cette affaire.
F. A.
è Petites informations suisses (archives de la Datas, juin 2005)
Il faut se dépêcher car le temps passe. On ne s'est pas bousculé à mon agence pour prendre mes photos.
Rédigé par : henri | 23/04/2009 à 17h51
Je sais… il y a une certaine érosion, pour ne pas dire une érosion certaine.L'annonce de l'audition de Simone Gbagbo a néanmoins fait l'objet de quelques reprises en France, et ce matin j'ai eu la surprise de trouver ce sujet :
http://www.nordeclair.fr/France-Monde/France/2009/04/23/simone-gbagbo-entendue.shtml
dans Nord Eclair…
En revanche, la journée du 16 avril proprement dite a été peu traitée. A ma connaissance (pour la France, j'entends) uniquement ce que j'ai relevé, ainsi que le blogue LaBoussole74 (agrégé à Google), et une brève dans Rue89, renvoyant sur mon blogue. J'ai aperçu une annonce (ancienne, donc erronée sur le lieu) sur un blogue hébergé par La Tribune de Genève.
Outre la Côte d'Ivoire, je n'ai repéré que des choses (rares) en anglais et en italien. Et rien avec photo.
Rédigé par : Ménilmuche | 23/04/2009 à 18h29