Une manifestation à Marseille, deux à Paris…
Selon un sondage à paraître demain dans Sud-Ouest Dimanche, 63 % des Français pensent que la grogne sociale antillaise pourrait s'étendre à l’Hexagone (25 % le pensent « certainement » et 38 % « probablement »). Une manifestation a eu lieu ce samedi à Marseille, deux sont déjà annoncées la semaine prochaine à Paris. Les paroles du président Sarkozy, hier, semblent tardives et un peu vaines. Quand au Monsieur Outre-mer de Michèle Alliot-Marie, il a été muté… Hier, la sénatrice UMP Lucette Michaux-Chevry, chiraquienne depuis 1981, s'est (enfin) exprimée.
Si le sondage Ifop/Sud-Ouest Dimanche (réalisé les 12 et 13 février auprès d’un échantillon représentatif de 800 personnes et dont les résultats sont déposés auprès de la commission des sondages) de demain rappelle avec prudence celui sur la Grèce, il convient de rappeler que ce dernier portait sur la « crainte » d’une importation des émeutes. Celui-ci porte sur le sentiment ou la pensée. Comme le sentiment d'insécurité, sur lequel M. Sarkozy a su si bien jouer… Et que la communauté antillo-guyanaise, et ultramarine dans son ensemble, est plus importante en France que la communauté hellénique, même de deuxième génération ou installée depuis plus de cinquante ans. Déjà, dans certaines zones, comme la Seine-Saint-Denis ou le Bas-Ménilmontant (où se trouve le traditionnel lieu de rendez-vous Jean et Brassac, plus connu sous le nom de « Chez Max »), les discussions vont bon train et certains rayons se vident, « par solidarité ».
Avec son agenda chargé, le président Sarkozy, qui n’avait pas eu un mot sur la Guadeloupe lors de son intervention télévisée du 5 février, avait reporté la présidence du conseil des ministres au vendredi 13. Conseil à l’issue duquel il fit cette déclaration, qui annonçait essentiellement le besoin d’évolution de « l’économie de ces territoires » (en parlant des départements créés sous De Gaulle, sic !) pour en faire des économies « endogènes » et la future création d’un « Conseil interministériel de l’Outre-mer », comme il s’y était « engagé » durant sa campagne. Cette dernière information étant reprise en chœur par les médias. Mais on est en droit de se demander à quoi servirait ce « machin », car l’engagement de campagne du candidat Sarkozy a déjà été tenu. Il existe à Paris, rue Oudinot, un Délégué interministériel à l’Outre-mer depuis ce décret du 5 juillet 2007. La publication de ce décret n’a pas traîné : journal officiel du 6 juillet 2007. La nomination non plus : Patrick Karam était nommé le 9. Certes Patrick Karam, sous le motodidacte Christian Estrosi (avant sa démission pour Nice), avait présenté sa démission. Mais il avait été conforté par le président Sarkozy… Mémoire courte ou désintérêt de la presse pour les « affaires » ultramarines ?
Le collaborateur de MAM à l’Outre-mer jouit d’une promotion
Durant plus de trois ans, Patrick Karam a été le Président-Fondateur du Collectif des Antillais, Guyanais, Réunionnais et Mahorais (Collectifdom). A L’Harmattan, il a publié un rapport intitulé : « Français d’Outre-mer : dossier sur une discrimination occultée » (extraits à lire ici), ouvrage référencé à la Halde. Que l’on aime ou pas, il a su se rendre incontournable, notamment en organisant durant la campagne présidentielle l’unique meeting du candidat Sarkozy dans l’Hexagone à destination des ultramarins (à Montparnasse, « plus de 4 500 participants », selon l’UMP Marie-Dominique Aeschliemann, 4 000 selon François-Xavier Guillerm, correspondant parisien de France-Antilles). Et il est toujours en fonction, lui, puisqu’il devait rencontrer les parlementaires UMP, selon Les Nouvelles calédoniennes du 12 février.
Car, dans la semaine, Michèle Alliot-Marie, la ministre de tutelle de Yves Jégo, a perdu l’un de ses conseillers à l’Outre-mer : l’administrateur territorial hors-classe Marc-Etienne Pinauldt (nommé par décret au JO du 28 juillet 2007) a été discrètement fait sous-préfet durant la crise (mardi 9 février, précisément) et se trouve désormais en poste à L’Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne).
Conseil « de » l’Outre-mer, délégation « à » l’Outre-mer. Nicolas Sarkozy, une fois de plus, joue sur les mots, les organismes, multiplie les effets d’annonce et les structures. En son temps, le Premier ministre Raymond Barre (futur candidat à l’Elysée et natif de La Réunion) disait qu’il voulait faire des ultramarins des « Français à part entière » et non plus des « Français entièrement à part ». Dans son lien quasiment charnel (et éminemment électoral) entretenu avec l’Outre-mer (notamment les Antilles et la Polynésie), le président Chirac avait avancé. Un peu. Le travail de François Baroin fut apprécié. Beaucoup.
La récente tentative de recrutement de Lilian Thuram et les actuels errements (avec les allers et retours à exploser la couche d'ozone de Jean-Louis Borloo et les vaines promesses du secrétaire d’Etat Yves Jégo) ne sont guère reluisantes. On peut très sincèrement se demander à quoi servirait une structure supplémentaire, si ce n’est à décharger Antoine Karam encore davantage. Car, dans l’expression « des Français d’Outre-mer », il faut soit lire une expression extrêmement colonialiste de la France (et comprendre « ultramarin installé dans l’Hexagone »), soit englober les Français d’Outre-mer dans l’Hexagone et les « métropolitains » partis Outre-mer, dont il ne faut pas perdre de vue que tous ne sont pas des fonctionnaires ou des cadres, et par conséquent subissent comme les autres la crise spécifique à la cherté de la vie, qui a de tous temps été reconnue dans la fonction publique et pour certaines « élites » des entreprises privées.
Outre la manifestation de ce samedi après-midi à Marseille et diverses petites initiatives locales, deux manifestations parisiennes sont annoncées, l’une à caractère politique, l’autre syndicale et associative.
La première (lundi 16, à 18h, départ place de Clichy), à l’appel de divers partis et mouvements de gauche, en solidarité avec les travailleurs guadeloupéens et par extension aux trois autres Dom, pour proclamer « avec la même force que ce n'est pas au peuple de payer la crise ». L’autre le samedi 21, à l’appel d’un « Collectif des originaires d'outremer » rassemblant syndicats et associations, qui demande à « l'ensemble des citoyens » d'aller manifester le 21 février à Paris pour soutenir les Guadeloupéens, Martiniquais et Guyanais en grève contre la vie chère. Le collectif s’était réuni hier à la Bourse du Travail, dans le 10e arrondissement, et appelle notamment à « la suppression des inégalités entre l'hexagone et l'Outre mer ». Luc Saint-Eloy fait partie de ce collectif, indique cette dépêche AFP, qui précise que la CGT ne se joint pas à l’appel.
Fabien Abitbol, photo Union générale des Travailleurs de la Guadeloupe (UGTG)
⇒ Le site de la délégation interministérielle pour l’Egalité des chances des Français d’Outre-mer
⇒ La situation vue par Jean-Marie Nomertin, secrétaire général de la Confédération générale du travail de la Guadeloupe (CGTG)
⇒ Un documentaire de Canal + oblige le préfet de Martinique à déménager
C'est aux Antilles et non en Irak que Sarkozy aurait dû se rendre, mais qu'attendre d'autre d'un voyageur de commerce ?
Rédigé par : raannemari | 15/02/2009 à 11h01
C'est certain qu'il n'y a pas beaucoup de choses à vendre. Et en matière de technologies, beaucoup de choses existent déjà.
Lorsque j'étais là-bas (je suis parti en 1989), j'ai assisté à la première signature internationale de contrat par visiophone, entre la France et le Chili, le tout transitant par la Guadeloupe.
Comme quoi, des allers-retours en avion pour Yves Jégo (notre secrétaire d'Etat à l'Outre-mer) n'étaient pas vraiment nécessaires, la technologie ayant beaucoup évolué en vingt ans…
Rédigé par : Fabien | 15/02/2009 à 12h29