La Commission nationale informatique et libertés dénonce dans un rapport à paraître la gestion peu rigoureuse du Stic, le principal fichier de la police nationale
La commission nationale informatique et libertés (Cnil) épingle le principal fichier de police, le Stic (système de traitement des infractions constatées). C’est ce qui ressort d’un rapport qui sera présenté en séance plénière ce mardi et que « le Parisien » et « Aujourd’hui en France » ont pu consulter.
Le Stic est un immense fichier national qui permet aux policiers d’enregistrer les informations recueillies à partir des procédures établies par les services de police judiciaire, relatives aux crimes, aux délits et aux contraventions graves.
Des qualificatifs « stigmatisants »
Parmi les principales critiques adressées au ministère de l’Intérieur, la Cnil déplore l’existence de qualificatifs permettant de « classifier » les personnes, qu’elles soient auteurs ou victimes. Dans la rubrique « état de la personne », le policier qui enregistre la procédure a le choix entre une centaine de qualificatifs : homosexuel, travesti, permanent syndical, membre d’une secte, handicapé moteur… Même si cette rubrique est très faiblement utilisée, la Commission redoute une stigmatisation des gens, sans que cela ne soit utile à l’enquête.
Des failles dans les contrôles
Deux tiers des policiers peuvent accéder au Stic. La Cnil redoute que des utilisations abusives voire illégales, puissent en être faites. Pointé du doigt : le contrôle des accès aux fichiers. Chaque policier, lorsqu’il consulte le Stic, possède un mot de passe modifié tous les trimestres, et toutes ses recherches sont enregistrées, pour pouvoir être contrôlées. La Cnil a constaté qu’en réalité la plupart des responsables hiérarchiques ne surveillent pas leurs policiers. Elle regrette qu’aucun système en temps réel ne permette de détecter une utilisation anormale de tel ou tel fichier, dont le Stic.
Une mise à jour insuffisante
Egalement pointés du doigt dans le rapport, les magistrats. La Cnil reproche aux parquets notamment, puisque ce sont eux qui décident des poursuites, de ne transmettre que très rarement à la direction de la police judiciaire la nature de ces poursuites, pour que la police puisse mettre à jour le fichier. En 2007, seulement un classement sans suite sur cinq, un tiers des relaxes et 7 % des acquittements recensés sur les 34 tribunaux de grande instance contrôlés par la Cnil ont été transmis à la police en vue d’une mise à jour. Parfois parce que les magistrats ne possèdent tout simplement pas le terminal informatique leur permettant l’accès au Stic. Déjà en 2006, la Cnil avait recommandé aux pouvoirs publics d’améliorer ce point.
Des conséquences sur un million d’emplois
Le Stic peut également être consulté à des fins administratives, notamment pour mener des « enquêtes de moralité » avant de pourvoir certains postes de la fonction publique (les agents des douanes, de police municipale, les magistrats ou les gardiens de prison…), mais aussi dans le secteur privé (entreprises de sécurité). La Cnil a constaté que, presque systématiquement, lors de recherches pour apprécier le profil « administratif », c’est le profil judiciaire qui est consulté. Ainsi, s’il n’est pas mis à jour, ou si des données intimes sont divulguées, certaines personnes peuvent se voir injustement refuser un emploi.
Anne-Cécile Juillet, pour Le Parisien
⇒ Johnny Hallyday, de nationalité « indéterminée » en octobre 2008 (BakchichInfo)
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⇒ 44 fichiers de police en décembre 2008
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