La Ville de Paris a décidé, parmi les 700 délibérations qui seront proposées en Conseil de Paris les 11 et 12 juillet, de mettre à l’ordre du jour du Conseil général la «prolongation d’un dispositif d’aide d’urgence envers les migrants tunisiens» pour un montant de 579.500€, valable jusqu’au 31 août. Dans cette enveloppe, cent mille euros seront consacrés «aux tunisiens qui le souhaitent» à la mise en place d’«une aide à l’insertion» pour «un retour en Tunisie dans la dignité», comme cela avait déjà été évoqué ici. Mais il s'agit d'une «prolongation» de mission, et de nombreux Tunisiens devraient être laissés-pour-compte par la Ville, à l'instar de ceux de Botzaris,… si rien ne change.
Le projet de délibération 2011 DASES 410 G prévoit dans les grandes lignes la reconduction des aides exceptionnelles aux organismes qui étaient déjà missionnés par la Ville de Paris depuis le vote de la première aide humanitaire.
Ainsi, les associations La Chorba et Une Chorba pour tous, dont la Ville dit qu’elles délivrent 300 repas supplémentaires par rapport à l’activité classique, se verront attribuer chacune 5000€. Une subvention exceptionnelle de 6000€ est également prévue pour les maraudes de Emmaüs sur les 10e, 19e et 20e arrondissements «afin d’opérer une veille sociale de première urgence».
Pour ce qui est de l’hébergement assuré par l’association Aurore, dont la Ville finance déjà le fonctionnement d’un centre d’hébergement de 150 places, il est prévu «de pouvoir compléter cette offre d’accueil de 30 places supplémentaires en fonction des flux et de la demande d’hébergement». Pour tenir jusqu’au 31 août, la délibération indique la somme de 260.500€, avec également un centre «ouvert toute la journée» qui «propose un encadrement social permanent, des repas midi et soir ainsi que la mise en place d’activités d’apprentissage du français en journée».
Enfin, une enveloppe de 303.000€ est prévue pour France Terre d’Asile. La somme allouée à FTA se décompose en deux parties: d’une part 203.000€ au titre de l’hébergement hôtelier et d’autre part 100.000€ dans le cadre du retour volontaire en Tunisie.
Toutefois, la délibération que le Conseil de Paris doit voter cette semaine prévoit que cette somme sera «réservée aux personnes prises en charge dans les dispositifs d’hébergement temporaire soutenus par la collectivité parisienne».
Or, rien qu’à arpenter nuitamment les rues de l’Est parisien, on trouve encore de nombreux jeunes tunisiens qui dorment dehors, soit depuis plusieurs semaines, comme le groupe des 27 qui est toujours aux Buttes-Chaumont depuis son expulsion le 16 juin dernier du 36, rue Botzaris, soit depuis la fermeture du gymnase de la Fontaine-au-Roi, comme l’atteste la photo ci-dessus, prise cette nuit à 03h40 en remontant la rue Vilin, où vécut Georges Perec.
Cette semaine, le député (PS) de la première circonscription de l’Ardèche Pascal Terrasse s’est déplacé aux Buttes-Chaumont, et a publié une note sur son blogue, avant d’intervenir auprès des autorités. Un autre parlementaire socialiste (non parisien), candidat aux primaires, a fait connaître son intention de trouver un créneau dans son agenda, afin de se rendre auprès des délogés de la rue Botzaris.
De son côté, devant la situation du groupe de la rue Botzaris, à la rue pour la quatrième semaine consécutive (avec parfois des imprévus), un Conseiller de Paris s’interrogeait samedi auprès d'un soutien quant à l’utilisation des sommes votées par l’assemblée dont il est membre.
Autant les sommes engagées par la Ville semblent importantes, autant la répartition semble ne dépendre que ce dont la Ville veut bien prendre connaissance. En ne se basant, semble-t-il, que sur des rapports officiels ou associatifs, quelque peu éloignés de la vie réelle.
Par exemple, concernant le groupe des Buttes-Chaumont, épaulé par quelques personnes venues des arrondissements voisins, ou de Paris, même un peu de l'Ile-de-France, seules deux associations passent: Emmaüs trois soirs par semaine, après avoir été sollicitée par l'un des soutiens (et non pas missionnée par la Ville) et Action tunisienne. Cette toute petite association, créée au lendemain du 14 Janvier médiatiquement dénommé “Révolution de Jasmin”, fait ce qu'elle peut pour livrer chaque soir un repas et le minimum pour un petit déjeuner. Avec des finances provenant exclusivement de dons personnels (RIB ici), Action tunisienne jongle sur le groupe de Botzaris à flux tendu. Les finances actuelles, en dépensant quotidiennement 60 à 70€ de nourriture, ne permettent pas de tenir jusqu'au 31 août. Il faut en effet pallier diverses “petites” dépenses comme des recharges téléphoniques, des tickets de métro, ou des médicaments.
La situation sanitaire est loin d'être bonne et, pour la première fois dans la nuit de samedi à dimanche, il a été possible de faire dormir deux réfugiés dans un centre du Samu social de Paris, après plusieurs heures de discussion téléphonique. Deux sur vingt-sept, et au-delà de trois semaines d'attente dans la rue, sans l'aide de la Ville de Paris.
Fabien Abitbol, ill. du haut: fac-similé de la délibération sur l'aide d'urgence aux réfugiés tunisiens (DR); photo du milieu: nuit de samedi à dimanche, 3h40 du matin, angle de la rue Vilin et de la rue Julien-Lacroix (20e), trois jeunes tunisiens dorment dans un recoin, qui était inoccupé avant la fermeture du gymnase de la Fontaine-au-Roi (F.A.); photo du bas: l'immeuble du 36, rue Botzaris reçoit parfois la visite de la police française, en civil et/ou en uniforme, comme ici le 5 juillet (F.A.)
• Pour suivre en permanence la situation rue Botzaris par le réseau social twitter, cliquer sur #Botzaris36 (pas nécessaire d'avoir un compte twitter pour simplement lire)
ces aller retours entre expulsions et aides sont un peu incompréhensibles, non !?
Rédigé par : le Parisien Liberal | 11/07/2011 à 10h52
Un certain nombre de jeunes ont compris que leur avenir n'est pas ici.
Lors de mes dernières estimations, cinq jours avant la fermeture de la Fontaine-au-Roi, ils étaient entre 50 et 60 au gymnase dans ce cas. Maintenant, je ne sais plus trop, il faut tout reprendre…
Aux Buttes-Chaumont, c'est plus de la moitié.
Mais d'une part le pays est dans le chaos, dans les zones d'où ils viennent (donc il est souhaitable qu'ils bénéficient d'une insertion de la part de leur pays sous forme de coopération franco-tunisienne), d'autre part ceux qui dorment dehors ici n'ont pas tous le strict minimum: l'accès aux structures et associations dont la Ville parle.
L'Etat n'est dans le dossier que pour le retour, pas pour l'hébergement, qu'en théorie il devrait prendre en charge.
«Quand les peuples demandent leur liberté, la France sera à leur côté» (Nicolas Sarkozy, Mai 2011).
Rédigé par : Ménilmuche | 11/07/2011 à 11h02