Un arrêté préfectoral interdit de consommer de l’alcool le soir depuis le 8 juillet dans un secteur du 19e arrondissement, et certains riverains ont lancé une pétition. Interrogations et explications.
Dans son édition de ce matin, Le Parisien titre sobrement Un arrêté antialcool de plus. Et fait parler le premier adjoint de l’arrondissement: «L’idée n’est pas d’empêcher les gens de boire un peu de vin lors d’un pique-nique, il ne s’agit pas d’un couvre-feu, souligne François Dagnaud, premier adjoint au maire du XIXe. Mais il faut trouver un équilibre entre la convivialité et la vie des riverains. Ces derniers subissent les débordements de gens ivres jouant du djembé jusqu’à 4 heures ou urinant sur leur porte d’entrée.»
La pétition La vie et le plaisir contre la prohibition, outre des signatures (plus de 450 ce dimanche), recueille aussi des témoignages. La plupart contre l’arrêté préfectoral, même si pour Jean Ladislas «se ne son que des braillard sans éducation» [sic!] qui sont visés par cet arrêté.
De son côté, Philippe Paligap va plus loin (voir copie d’écran ci-contre, cliquer pour agrandir): dans une réaction postée vendredi, il indique, après «en avoir parlé avec un des responsables de la sécurité des pelouses de la Villette», que «cet arrêté vise certainement les groupes de jeunes Tunisiens arrivés direct de Lampedusa qui se sont tenus tranquilles pendant un moment et qui commencent à former des groupes proche de 100 personnes certains soirs en picolant sévère».
Apostrophant le préfet de police et le maire d’arrondissement, les auteurs de la pétition notent que «La zone délimitée s'arrête aux frontières du Bassin : le vaillant pochetron suffisamment excité et éméché n'aura qu'à faire quelques dizaines de mètres pour aller s'approvisionner en alcool et revenir au bord de l'eau sans se préoccuper d'un texte que vous aurez bien du mal à appliquer chaque soir. A moins bien sûr d'y consacrer un part importante de vos effectifs de police mais ne partagez-vous pas notre sentiment qu'ils seraient plus utiles ailleurs?»
Vendredi 15, le maire d’arrondissement Roger Madec, sans entrer dans des désignations ethniques —contrairement à son premier adjoint— expliquait aux Inrocks qu’il s’agit dans cet arrêté «exactement des mêmes dispositions que celles qui sont en vigueur, depuis l'an dernier, sur les berges du Canal Saint-Martin». Ainsi, cet arrêté a pour but, disait-il, de «faciliter les interventions des services de police en cas d'abus manifeste et de sanctionner le cas échéant les comportements abusifs».
Donc, on se retrouve à Paris avec «un arrêté antialcool de plus». Soit. Cela dit, à s’en tenir aux propos de Roger Madec, il ne vise que les «abus manifestes», pourtant déjà réprimés par la loi, qui permet de mettre en cellule de dégrisement toute personne repérée par les forces de l’ordre sur la voie publique en état d’ivresse manifeste. En effet, le Code de la Santé publique dispose, en son Article L3341-1 qu’«Une personne trouvée en état d'ivresse dans les rues, chemins, places, cafés, cabarets ou autres lieux publics, est, par mesure de police, conduite à ses frais au poste le plus voisin ou dans une chambre de sûreté, pour y être retenue jusqu'à ce qu'elle ait recouvré la raison.». Il est complété par l’Article R3353-1 qui prévoit une contravention de 2e classe.
De là à penser que cet arrêté superfétatoire vise certaines personnes, comme au Champ de Mars après un baccalauréat bien arrosé (qui avait mené dès 2009 à un déploiement policier sans précédent) ou dans le secteur de la rue Oberkampf (dès l'hiver 2008) après des nuisances d’ordre plus général, il n’y a qu’un pas…
Quant aux «Tunisiens de Lampedusa» cités comme cible potentielle par un riverain, il y en a dans le 19e arrondissement. Bien entendu le petit groupe évacués le 16 juin de l’immeuble du 36, rue Botzaris et de celui du 42, rue du Plateau, mais aussi —et surtout sur le plan numérique— vers La Villette.
Ces derniers, depuis une intervention policière “musclée” voici deux semaines sont, selon la maraude de Emmaüs France qui y passe trois soirs par semaine, régulièrement la cible de harcèlement comme le gazage à la bombe lacrymogène au petit matin (à l’instar de leurs voisins Roms ou Afghans), et totalement livrés à eux-mêmes. Les anciens de Botzaris, réfugiés faute de mieux aux Buttes-Chaumont, font l’objet de l’attention de quelques riverains et de l’association Action tunisienne, comme l’expliquait vendredi Marie Barbier dans L’Humanité. Sans compter le passage, aussi trois soirs par semaine, des maraudes de Emmaüs France. Un pis-aller, puisqu’ils ne sont pas dans le dispositif prolongé de la Ville de Paris.
Fabien Abitbol, ill.: commentaire sur l’arrêté préfectoral (copie d’écran Facebook)
Les "autorités" auront bien du mal à expliquer qu'il ne s'agit pas de racisme, ô non !
Plus simplement, il est probable qu'elles ne prendront pas la peine d'expliquer, se murant dans le mutisme de ceux qui ne veulent rien savoir. Il y a un nom pour cela, comme en Corée du nord.
Rédigé par : Gotch | 18/07/2011 à 08h53