Lors d’un déplacement ce jeudi 7 avril à Issoire (Puy-de-Dôme), dans le cadre de la semaine de l’Industrie (lire ici l’agenda de l’Elysée), le président Sarkozy a annoncé sa volonté de renforcer les contrôles des chômeurs indemnisés, invoquant un impératif de «justice sociale» vis-à-vis de ceux qui «travaillent dur». Retour direct à “la France qui se lève tôt”, qui fut le slogan de Nicolas Sarkozy de 2005 à 2007.
«C'est un problème de justice, de justice sociale envers les salariés et les ouvriers qui travaillent dur (...) que de s'assurer que celui qui est au chômage et qui a des allocations grâce a la solidarité nationale fera tous ses efforts pour accepter une offre d'emploi ou pour accepter une formation pour s'en sortir», a lancé le chef de l’Etat, estimant («désolé de le dire mais [il] le pense») que «puisque nous commençons à sortir de la crise, il va falloir faire des contrôles plus précis et plus exigeants pour les chômeurs qui bénéficient d'allocations et qui refuseraient des offres d'emploi disponibles».
Seulement voilà. Moins d’un chômeur sur deux inscrit à Pôle emploi perçoit des allocations chômage: «La part des demandeurs d’emploi de catégories A, B, C, D, E (hors formation) indemnisés au titre du chômage s’établit ainsi à 49,5 % en janvier 2011», écrivait la DARES en page 7 de sa note de conjoncture du 24 mars 2011 (à télécharger ici).
Avec 4,04 millions de demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi dans les catégories A, B et C en février et 597 900 en D et E (uniquement en France métropolitaine), selon ce communiqué de presse du 24 mars émanant du ministère du Travail, cela fait —au bas mot— 2,280 millions de fraudeurs potentiels, ou profiteurs professionnels supposés, dans le langage présidentiel. Un tel contrôle ne peut qu’alourdir un climat de suspicion, comme il en règne déjà à l’endroit des bénéficiaires d’aides sociales ou des allocataires de minima sociaux, souvent une grosse partie, du reste, de l’autre moitié des demandeurs d’emploi… du moins s’ils ne vivent pas en couple avec une personne gagnant correctement sa vie, et dont ils sont supposés vivre «aux crochets», qu’ils soient mariés, pacsés, ou même en union libre.
Sans compter que, depuis juin 2010, nous sommes prévenus: les effectifs de Pôle emploi doivent baisser en 2011 «sauf si la situation s'aggrave considérablement». Et au moins mille équivalents temps plein, qui doivent être redéployés vers les Urssaf (caisses de recouvrement), avec un dégraissage net de 300 personnes. A travers la France, les mobilisations des agents du service public de l’emploi se poursuivent, comme ici en Région PACA (où 145 postes sont menacés).
La machine à exclure
La volonté présidentielle s’ajoute entre autres à cette proposition de loi du député UMP de Moselle Pierre Lang, déposée le 30 mars à l’Assemblée, visant à faire travailler, sans contrepartie, sous forme de travaux d’intérêt général, vingt heures par semaine, les chômeurs indemnisés depuis plus de six mois. Là aussi, cette proposition de loi pose question. Outre le problème moral du caractère obligatoire d’un travail bénévole (connu sous l’Ancien régime sous le nom de corvée), la durée hebdomadaire de vingt heures par semaine —plus de la moitié de la durée légale du travail— empêche le demandeur d’emploi de chercher correctement du travail, alors qu’il est supposé être «en recherche active d’emploi» pour figurer dans les catégories A, B et C. S'il ne remplit pas ce critère, il peut être suspendu (voire radié) et, dans un cas comme dans l'autre, voit ses allocations réduites ou supprimées par le préfet. Le “travail gratuit” n'est donc clairement pas conciliable avec la perception d'allocations-chômage.
Dautre part, un “gros” mi-temps non rémunéré prend la place d’un mi-temps qui pourrait être occupé par un chômeur salarié à temps partiel, ou deux mi-temps prennent la place d’un emploi à temps plein.
A vouloir trop stigmatiser les salauds de pauvres, les “profiteurs” d’un système qui n’est qu’une assurance à laquelle ils ont cotisée de façon —qui plus est— obligatoire, on marche sur la tête. Avec en vue la présidentielle de 2012, qui commence pour le président Sarkozy sur les deniers publics, si tant est qu’elle n’a jamais cessé.
Quant aux plus pauvres des exclus, les demandeurs d’emploi non indemnisés par l’assurance chômage mais qui restent tout de même inscrits à Pôle emploi (la grosse moitié, donc, des effectifs), il est évident que les agents de Pôle emploi, déjà surchargés, n’auront plus le temps de s’occuper d’eux… Qu’à cela ne tienne: ils iront grossir les piles déjà épaisses des dossiers des assistantes sociales.
Mais c’est là un moindre problème pour l’Etat, car ces dernières dépendent surtout des Conseils généraux (lire ici la fiche-métier). Les Conseils généraux, ce sont ces institutions pour lesquelles ont eu lieu en mars des élections qui furent une Berezina pour l’UMP. Les Conseils généraux, ce sont ces institutions qui se battent pour récupérer l'argent que l'Etat leur doit au titre, notamment, du RSA, que demandent entre autres les chômeurs exclus de l'assurance-chômage. Les Conseils généraux, enfin, faut-il le appeler?, sont appelés à… disparaître en 2014 du fait de la réforme territoriale. Mais 2014, c’est après 2012, et c’est une autre histoire.
Fabien Abitbol
Repris sur Dazibaoueb le 7 avril à 20h28 — Cité dans Quand Sarkozy rejoue au candidat social (Marianne2, Sarkofrance) le 8 avril à 6h02 — Repris sur Les Mots ont un sens le 8 avril à 10h04
Putain de bordel (si je puis me permettre), ajoute un "bouton" qui permette de twitter ton biller. Le mieux étant le bouton "boost" comme chez Yann Savidan.
Rédigé par : Nicolas | 07/04/2011 à 23h05
@Nicolas,
Yann Savidan et moi n'avons pas la même formule de blogues. Je ne sais pas si je peux faire ce qu'il fait sur ce point précis.
MAIS lorsque tu es sur un billet à moi, tu as en colonne de gauche, comme quand tu es sur la homepage, les boutons de partage. Il te suffit de cliquer dessus, et hop le sujet part sur le réseau que tu souhaites. C'est ainsi que font certains de mes lecteurs, comme @Donjipez, par exemple. C'est ce que je fais quand je suis sur une bécane qui n'est pas la mienne.
Rédigé par : Ménilmuche | 07/04/2011 à 23h23
T'es cité sur le blog de Juan Sarkofrance :
http://www.marianne2.fr/sarkofrance/Quand-Sarkozy-rejoue-au-candidat-social_a407.html
Alors, heureux ;)
Rédigé par : laurence galtié | 08/04/2011 à 08h00
hello voisine,
vi, je vois, par les visiteurs chez moi. ça change des citations du samedi matin dans La Semaine…
Un jour d'avance, cette fois ;)
Rédigé par : Ménilmuche | 08/04/2011 à 09h31
"une assurance à laquelle ils ont cotisé de façon —qui plus est— obligatoire"
Ben ouais,c'est tout con. Les allocs chômage sont une assurance payante, payée par l'employeur pour le compte du salarié. Le salarié y a droit quand il perd son emploi, puisqu'il est assuré.
Là, ça fait penser à un assureur qui encaisserait sa prime d'assurance et qui refuserait de payer les frais de réparation de votre bagnole accidentée.
Rédigé par : jojo | 08/04/2011 à 10h30
Excellent article. Précis et qui démontre bien la volonté de NS de tirer (tel un chasseur) sur tous ceux qui seraient soupçonnés de trop gréver le budget de l'état. (il est particulièrement gonflé quand on sait ce que LUI et ses Guignols nous coûtent).
Des chômeurs qui mangent le pain des travailleurs, mais quelle horreur !!! Diviser pour régner, c'est la devise du sieur SARKO, qui tombe et tombe dans les sondages !!!
Je diffuse votre article sur ma page FB et par mail. Pour avoir travaillé (en CDD) à l'ANPE durant 8 ans, je sais que vous ne dites que des vérités (y compris le fait que les AS de nos Conseils Généraux vont devoir s'occuper des gens VIRES DES ASSEDICS DONC SANS RESSOURCES AUCUNE) !! Les chômeurs et leurs employeurs ont cotisé pour une ASSURANCE CHOMAGE (pas pour un don) ...
jcagouille17
Rédigé par : jos gonthier | 08/04/2011 à 10h57
Seulement un sur deux ? Je croyais que tous les chômeurs étaient susceptibles d'être contrôlés, quel laxisme.
Rédigé par : Snaap catty cat | 08/04/2011 à 11h54
J'espère qu'il prévoit le contrôle des députés non-réelus qui ont droit à 5 ans de (grosses) indemnités à taux plein, en attendant de pouvoir se représenter calmement à la prochaine législative...
Rédigé par : BenS | 08/04/2011 à 16h47
"...que de s'assurer que celui qui est au chômage et qui a des allocations grâce a la solidarité nationale..."
Espèce de [modéré par le ouaibemaître] populiste ! Faut il rappeler que les indemnités chômage ont d'abord été cotisées par les mêmes chômeurs ! C'est tellement vrai que leur montant et leur durée dépendent du nombre de mois travaillés avant et du salaire perçu avant l’arrêt !!
Rédigé par : Dominique De France | 08/04/2011 à 18h58
"contrôler les chômeurs indemnisés" -
Ils sont si nombreux que ça leur prendra à peine une demi-journée...
Rédigé par : tsé | 08/04/2011 à 21h19
Etant concerné par la proposition de ce triste sire qu'est Pierre Lang (je survis avec le RSA), je ne peux que dénoncer l'arnaque du travail gratuit. Doit-on rappeler à ce monsieur (je suis poli) que le chômage n'est pas un délit ? Quand ce gouvernement et cette majorité corrompus cesseront-ils de criminaliser la pauvreté et la précarité ?
Quant à Patrick Buisson, le conseiller de Sarkozy, il dénonce dans Paris-Match la "prolophobie". Suspecter les chômeurs d'être des feignasses et des profiteurs, comme le fait son boss, c'est quoi, sinon de la prolophobie ?
Rédigé par : Pullo | 09/04/2011 à 10h55
Votre article est particulièrement juste.
A 50 ans, je vis grâce à la retraite de mon mari. Inscrite au chômage, mais non indemnisée, je me sens assez inutile. N'ayant droit à rien, puisque mon mari est riche, lui, (il perçoit 1648 euros par mois de retraite). Mon dernier RDV avec Pôle Emploi d'où je voulais me désincrire car à part nous fliquer ; Ben on peut pas faire grand chose pour vous ma brave dame ; Finalement, on me le déconseille car j'ai accumulé 480 H et il en faut 690 pour percevoir 6 mois de chômage. On sait jamais, si je travaille un peu en 2011... Comme j'ai pas les moyens de me tirer une balle ; J'ai un tout petit peu envie de faire "La Révolution" !!! CHICHE !!!
Rédigé par : JBL | 09/04/2011 à 17h18
Puis-je me permettre de vous préciser que mes parents habitaient Rue des Panoyeaux près de la Rue Ménilmontant l'année de ma naissance en 1960 et que votre blog que je découvre aujourd'hui me ravie d'autant plus qu'il me rappelle mon enfance à Paris. Merci à vous.
Rédigé par : JBL | 09/04/2011 à 17h25
@JBL,
La rue des Panoyaux a bien changé…
J'y suis depuis 1996 et la connaissais depuis moins de deux ans, juste avant le déménagement du PCF20e pour la Place des Grès. Elle a même beaucoup changé depuis ce sujet de 2004 dans Le Parisien:
http://www.leparisien.fr/paris/une-oasis-a-menilmuche-18-02-2004-2004765152.php
Revenez quand vous voulez, ici ou sur les deux autres blogues, accessibles en haut à droite par le pavé MES BLOGUES.
Rédigé par : Ménilmuche | 09/04/2011 à 18h04