Après certains débordements policiers relevés à la suite de l’Etat d’urgence décrété en France en novembre 2005, l’ONG Amnesty international publie ce jeudi 2 avril son rapport intitulé « Des Policiers au-dessus des lois ? », à télécharger ici.
Dans ces quelque quarante-quatre pages de texte, Amnesty dénonce l’« l'impunité » dont bénéficient, selon elle, des membres des forces de l'ordre accusés de violations des droits de l'Homme, et demande aux autorités françaises de mettre en place un « organe d'enquête indépendant ». Ministères (de l'Intérieur et de la Justice) et syndicats de policiers réfutent ces accusations. En janvier dernier déjà, Amnesty demandait un contrôle indépendant. « Dans des décisions rendues en 1999, 2006 et 2007, la Cour européenne des droits de l'homme a estimé que les enquêtes menées par la France sur des actes de torture et des homicides illégaux commis par des responsables de l’application des lois étaient inappropriées et non conformes à la Convention européenne des droits de l’homme », écrivait alors l’ONG.
Dans son rapport, Amnesty recense des violations des droits de l'Homme auxquelles se livrent « en toute impunité » certains policiers. En France, les plaintes pour homicides illégaux, passages à tabac, injures racistes et usage abusif de la force par des agents de la force publique « ne sont pas souvent suivies d'enquêtes effectives » et « les responsables de ces actes sont rarement traduits en justice », pointe le rapport. Des allégations auxquelles des policiers rétorquent que « environ » 160 policiers font l’objet chaque année de sanctions, sans plus de précisions. Amnesty réclame la publication de statistiques globales et évoque pour sa part pour 2006 (hors Paris et petite couronne, qui dépendent de la Préfecture de police de Paris) au moins 639 « allégations de faits de violence » visant des policiers et aboutissant à 114 sanctions disciplinaires pour « violences avérées » dont huit radiations. L’année précédente, seize radiations avaient été prononcées suite à 663 plaintes.
Amnesty International s'inquiète d'une « tendance croissante » à l'inculpation pour « outrage » ou «rébellion» de victimes ou de témoins de mauvais traitements imputés à des agents de la force publique. « Ces pratiques peuvent exercer une dissuasion très forte sur les personnes qui essaient d'obtenir justice », ajoute l'organisation. Sur le site du Codedo (lire l’historique ici), l’écrivain et éditeur Jean-Jacques Reboux, le fondateur du Collectif, relate de troublantes violences policières survenues dans le 20e arrondissement, au (déjà fiché) commissariat de la rue des Orteaux, voué à prochainement disparaître, maintenant que le Commissariat central a été enfin inauguré.
En cas de poursuites,
Amnesty dénonce des procédures « très lentes », souvent marquées par
des « pertes ou disparitions de dossiers ou d'éléments de preuve ».
Autre sujet d'inquiétude : la « dimension raciste » de certaines de
ces affaires, comme dans les précédentes affaires notées en 2006. Le directeur
adjoint du programme Europe et Asie centrale, David Diaz-Jogeix, dénonce « un système qui favorise
l'impunité et nuit à la réputation de la majorité des représentants de l'ordre
qui respectent la légalité ».
« Aucun policier n'est au-dessus des lois », indique-t-on au ministère de l'Intérieur. A la Justice, Guillaume Didier, porte-parole, assure : « il y a des enquêtes pénales systématiques et des poursuites si les éléments sont suffisants ». Pour l’Unsa-Police (gardiens de la paix), Yannick Danio estime ces affirmations « très exagérées ».
Pourtant, quatre cas sont ici, dont deux mortels. « Les gens ont le droit de porter plainte mais, dès qu’il s’agit de plaintes contre des policiers, les chances d’obtenir gain de cause sont très minces. Institutionnellement, le système judiciaire favorise les agents des forces de l’ordre. Les victimes, dont beaucoup sont des ressortissants étrangers ou des Français issus de minorités ethniques, sont trop souvent privées de justice », a ajouté David Diaz-Jogeix, le directeur adjoint du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International.
F. A., avec Amnesty Belgique
Commentaires