Ce n’est pas parce qu’un jeune ne travaille pas qu’il est au chômage !
En aidant le patronat, et comme le remarquent nos voisins helvètes sans faire de rupture avec ses prédécesseurs, le président Sarkozy a promis plus d’un milliard d’euros pour, dit-il, aider les jeunes. Les médias, en
chœur, ont repris son discours sur la « très mauvaise habitude
française » du chômage des jeunes. Une exception française tout à fait
fausse à en croire les vrais chiffres.
Les prévisions les plus pessimistes annoncent 650 000 jeunes au chômage à la fin de l'année, soit environ 8 % des jeunes, tout au plus, puisque près de soixante pour cent d'entre eux sont dans le système éducatif français…
Dans Libération, Gérard Cornilleau, directeur adjoint du département des études de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE, le centre de recherches en économie de Sciences-po), estime qu’« On exagère le caractère dramatique du chômage des 18-24 ans en France ». Selon lui, la part des jeunes au chômage est en réalité plus faible en France qu'en Grande-Bretagne : 7 %, contre 9 % outre-Manche. L'Allemagne fait mieux, avec 6 %.
Un comptage fort différent de celui de Nicolas Sarkozy (qui met le chômage des jeunes dans les 20 à 23 %) car
« la majorité des jeunes ne sont pas dans l'emploi, ils ne sont pas en
activité. La plupart sont à l'école. Donc ils ne sont pas comptabilisés parmi
les actifs ». Toute la confusion entre chômage et taux d’emploi, tels que définis par l’Insee, l’institut de statistique
reconnaissant lui-même que la mesure du chômage est « complexe » et
que les « frontières entre emploi, chômage et inactivité ne sont
pas toujours faciles à établir ». De là à truquer les chiffres, il n'y a qu'un pas…
Sur son blogue de « ré-information » économique, Jean-François Couvrat s’amuse à imaginer que tous les jeunes Français sont à
la fac, sauf un, demandeur d’emploi. Selon les méthodes de comptage élyséennes,
nous aurions 100 % de jeunes chômeurs. Dans Le chômage des jeunes en chiffres frelatés, publié ce matin, il se veut
rassurant pour « les lecteurs du Monde et les auditeurs du Chef de
l’Etat ». « Ce qui fait la spécificité française, écrit-il, ce
n’est ni le chômage des jeunes ni leur réticence à l’emploi, c’est leur grande
attirance pour les études. » Pour Jean-François Couvrat, l’intérêt du
président est de masquer la politique menée depuis deux ans :
« Heures supplémentaires subventionnées pour ceux qui ont déjà un emploi,
recul de l’âge de la retraite, immigration choisie… Le résultat est visible. En
six mois, de janvier à juin 2008, le chômage des jeunes s’est remis à croître
tandis que le chômage des adultes a continué de diminuer : 37 200 chômeurs
de moins chez les adultes ; 15 800 de plus chez les jeunes. Jamais, depuis
1997, on n’avait observé une telle divergence entre les deux courbes, au
détriment des jeunes. »
Parmi
les « études » dont raffolent les Français, fort opportunément à
paraître demain dans Sud-Ouest Dimanche, l’une d’elles donne Nicolas Sarkozy en tête d’un premier tour présidentiel face à Ségolène Royal et
François Bayrou, mais en perte de trois points par rapport à 2007 (avec une estimation de 29 % à 20h et une participation inégalée). Ce sondage a été réalisé les 23 et 24 avril, alors
qu’on ne cessait de parler de l’annonce que le président allait faire, et de
matraquer de chiffres… et il s’agit d’une « enquête » dite
« fermée », ne laissant pas le choix des réponses.
Concernant
le chômage des jeunes, le président Sarkozy aurait pu se pencher sur les
données de l’Education nationale (à moins qu’il ne dédaigne le système éducatif
français…). Le très officiel site Educnet avait publié Quand l’école est finie…, un tableau avec un questionnaire à choix multiple. Il
aurait ainsi pu voir que, en 2001, trois ans après leurs études, les jeunes
avaient un taux de chômage de 15 % et que le chiffre de 40 % était réservé
à ceux n’ayant ni un BEP ni un CAP.
Lundi
soir à 18h seront officialisés les chiffres du chômage de mars. Qui seront
mauvais, comme Laurent Wauquiez l’a annoncé depuis le 16 avril. En février, Pôle emploi avait enregistré une hausse de 79 900 chômeurs. Le chiffre de mars devrait être sensiblement le
même, a indiqué vendredi sur RTL Geoffroy Roux de Bézieux, le président de
l’Unedic, qui ne voit pas d’embellie avant l’été (à lire et écouter ici).
Pour en revenir aux annonces présidentielles, on peut
relever avec une franche rigolitude cette mesure :
« Préparation à
l'emploi. L'objectif ? 50 000 contrats d'accompagnement-formation à partir de
la rentrée 2009 pour des 16-25 ans jusqu'à bac+3 inscrits à Pôle Emploi. Avec
une rémunération calquée sur la formation professionnelle. Les moyens ? Avec le
concours des Régions. Le coût ? Estimé à 330 millions », piochée dans l’inventaire de Ouest-France, qui semble ne faire tiquer personne. Il y a fort
à craindre qu’une mesure tournée vers les bac +3, si louable soit-elle, ne
puisse s’appliquer à un gamin de seize ans. Mais, comme elle n'est pas présentée comme exclusive ("jusqu'à" bac+3), c'est en fait un gigantesque fourre-tout qui, s'il est appliqué de façon si vaste (encore faudra-t-il lire un potentiel décret d'application) ne pourra pas l'être sur deux ans comme l'ensemble du plan, car 330 millions paraissent à première vue bien minces… Mais bon. Si ça marche auprès des électeurs à six semaines des européennes, où la tête du présidents sera imprimée sur les tracts de l'UMP !
F. A.
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