En attendant le jugement au fond de ce qu’on appelle souvent — à tort — « l’Affaire Siné » (le 27 janvier à Lyon), en attendant la sortie, demain, en kiosques, du n°20 de Siné hebdo (où l’on reparle de la contribution financière de la France dans la libération des infirmières bulgares), comme une sorte de mise en bouche a lieu ce mardi après-midi à Paris l’affaire Siné-Askolovitch…
Siné, viré de Charlie hebdo en juillet 2008, poursuit en « diffamation publique » Claude Askolovitch pour sa rubrique diffusée sur RTL le 8 juillet (chez Nicolas Poincaré, il dénonçait « un article antisémite dans un journal qui ne l’est pas »). Depuis, Asko a quitté le Nouvel observateur et est devenu rédacteur en chef au Journal du Dimanche (JDD) et tient régulièrement l’éditorial politique matinal d’Europe 1. Deux médias du groupe de Arnaud Lagardère, que le président Sarkozy considère comme son « frère ».
« Il ira loin, le petit » ne s'adressait pas à lui…
Pour l’audience de ce mardi à 13h30 à la 17e Chambre du TGI de Paris, le désormais octogénaire Maurice Sinet, originaire du 20e arrondissement (un « compatriote », comme dirait Brice Hortefeux…) n’a appelé à la barre qu’un témoin : son ancien employeur Philippe Val. Il a en revanche choisi de produire une trentaine d’attestations de « bonne moralité », dont il est certain que certains des auteurs ne seront pas présents (Georges Moustaki, souffrant, a dû annuler ses concerts, par exemple).
Morceaux choisis parmi les attestations :
Frédéric Bonnaud, journaliste (notamment à Europe 1, on imagine l'ambiance dans la maison…) : « (…) Siné n’a rien d’un antisémite. Légitimement bouleversé par le sort terrible du peuple palestinien, il rêve de paix et de concorde. Et il considère que les religions – toutes les religions – sont autant d’obstacles sur le chemin de cette paix. Ce point de vue est discutable, certes, mais en aucun cas assimilable à du racisme ou à de l’antisémitisme. (…) »
Marina Vlady, comédienne et écrivain : « J’ai fait la connaissance de Siné durant la guerre d’Algérie en 1959. Nous avions le même goût pour la liberté, la fraternité et la justice (la rigolade aussi !) (…) Mon compagnon Léon Schwartzenberg, très allergique aux antisémites (pour cause) lui a porté une tendresse sans failles. J’entends encore ses fameux éclats de rire lorsqu’il découvrait la « provoc’ » constante et juste de notre cher Siné »
Mark Held, architecte : « (…) dans la langue de ma mère, il y a un mot qui qualifie celui que l’on admire, qui peut servir d’exemple, l’Homme dans le meilleur sens du terme, ce mot c’est MENSCH. Pour moi et les miens, Siné est un MENSCH. (…) » (lire l’intégralité ici)
Daniel Mermet, producteur de radio, écrivain : « (…) que ce soit pour des prétextes politiques ou communautaristes, le recours constant à ce chantage (l’antisémitisme) brouille les lignes, fragilise et angoisse les Français d’origine Juive, suscite de l’animosité en retour, renforce l’enfermement communautaire et rend plus difficile une lutte réelle et efficace contre l’antisémitisme. (…) »
Marcel Francis Kahn, professeur de médecine, entré dans la résistance à 15 ans : « (…) peut-on penser que moi, qui garde en mémoire le souvenir de ma femme, survivante du ghetto de Varsovie, de sa famille gazée à Treblinka, de mon cousin et de mon ami d’enfance Lionel massacrés à Auschwitz, je puisse frayer avec un antisémite. ? »
Georges Moustaki, chanteur : « (…) si on n’est pas obligé d’être sensible à son humour, il lui faut reconnaître le talent et la bonne foi. Un journal comme Charlie Hebdo ne vaut que par les personnalités telles que lui. Ce sont elles qui ont donné le ton et la dimension à cette presse. (…) »
Les avocats du caricaturiste devenu (un peu malgré lui) patron de presse sont Mes Thierry Lévy et Dominique Tricaud. Et, la semaine prochaine, donc, à Lyon, c’est au tour du député européen UMP Patrick Gaubert, es qualité de président de la Licra, de poursuivre Siné à Lyon, pour « incitation à la haine raciale » (Siné n'ayant pas mis en cause que la religion juive, mais les trois religions monothéistes). C’était pourtant de lui que tout était venu, au détour de ce sujet publié dans Libération le 23 juin 2008. Jean Sarkozy avait même par la suite, bien tardivement, indiqué qu’il ne comptait pas se convertir au judaïsme. Le 29 août, Pierre Marcelle avait, toujours dans Libération, voulu chasser « les mauvaises pensées ».
Antisémitisme ou « antisinétisme » ? La chasse aux sorcières n’est pas finie…
F. A.
⇒ Charlie hebdo est mort, L’Honneur perdu de Charlie hebdo
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