Hier soir, Télérama a mis en ligne un dossier sur les libertés publiques (indépendant de celui consacré à Robert Badinter, qui est découpé en quatre parties sonores). Sous le titre Total contrôle, Olivier Pascal-Mousselard s’interroge sur l’efficacité de la « frénésie répressive » de l’ancien ministre de l’Intérieur. Aujourd’hui à la retraite, un policier estime qu’« on expulse à tour de bras » et que, s’il avait été plus jeune, il aurait démissionné ou refusé d’obéir aux ordres (un de « ses » expulsés s’est suicidé). Pour sa part, le psychiatre Michaël Guyader rejette les idées du président sur la psychiatrie, qu’il trouve « dégradantes ». Au milieu de ces témoignages, celui d’une voisine, Anne, mère de trois enfants dans le 11e arrondissement. Elle raconte son engagement auprès des sans-papiers, et notamment depuis 2006…
⇒ Anne de Blic, mère d’élèves : « On harcèle le commissariat jusqu’à la libération des familles »
Parisienne, mère de trois enfants, elle n'imaginait pas rester sans rien faire face aux arrestations de sans-papiers dans son quartier.
Elle n’a pas choisi, elle a été « happée ». Ni syndicat, ni parti politique, juste trois enfants scolarisés dans le 11e arrondissement de Paris. « Dans leur classe, il y a toujours trois à cinq enfants en situation irrégulière. Des enfants tout à fait intégrés, dont les parents travaillent et parlent français. » En 2006, Anne de Blic et son mari donnent d’abord un coup de main à une famille malienne. La circulaire Sarkozy va changer l’échelle de leur engagement : « Toutes les familles de sans-papiers sont sorties du bois pour nous demander de l’aide. »
Le couple assure alors une permanence dans le quartier, bétonne les dossiers de régularisation, fait le pied de grue devant la préfecture. Une solidarité relayée partout en France, via le Réseau éducation sans frontières (RESF). « On y trouve de tout, des médecins, des acteurs, des comptables, des vendeuses, dont certains avaient voté Bayrou ou Sarkozy à la présidentielle. » Des parents d’élèves soudés par « une même indignation », qui parrainent des sans-papiers et se serrent les coudes à chaque arrestation. « On harcèle le commissariat de mails et de coups de fil jusqu’à la libération des familles », raconte Anne de Blic. Elle a participé aux « brigades antirafles » de Belleville. Ameutant les riverains lors des interpellations. « La préfecture n’aime pas le bruit, le désordre. A plusieurs, on a déjà réussi à faire reculer les policiers et à faire sortir des Chinois du fourgon. »
L’année dernière, dix parents d’élèves de l’école Parmentier ont été arrêtés. Les dix ont été relâchés. « On résiste, oui, sans forfanterie. » Parmi les membres du réseau, certains ont ponctuellement caché chez eux des sans-papiers (« Tant que la famille n’est pas regroupée, elle n’est pas expulsable »). Ancienne journaliste, Anne de Blic s’est remise à la sociologie. Sujet d’étude : « Les nouvelles formes de mobilisation autour des sans-papiers ». Un terrain qu’elle maîtrise.
Erwan Desplanques, pour Télérama Idées, photo Léa Crespi
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