Les malfaiteurs vendent de faux encarts publicitaires à travers la France et harcèlent leurs victimes en se faisant passer pour des juges
Le préjudice des machinations pourrait prendre une telle ampleur que, fait rarissime, le parquet de Paris vient de tirer très officiellement la sonnette d'alarme. Jeudi, par le biais d'un communiqué de presse, le procureur de la République, Jean-Claude Marin, a lancé une véritable mise en garde « contre un nouveau type d'escroquerie utilisant des documents à en-tête du tribunal de grande instance ou de magistrats exerçant dans ce tribunal ». « Un subterfuge particulièrement culotté, encore jamais rencontré dans les annales de la justice… », confiait jeudi au Figaro une magistrate.
Au départ, les arnaqueurs, jouissant de bagout et d'un certain savoir-faire technique, démarchent leurs victimes par téléphone et par Internet. Ciblant des commerçants, des chefs d'entreprise, des artisans ou encore des agriculteurs, ils disent vendre des espaces publicitaires pour des entreprises aux noms assez crédibles, tels que « Multibusiness », France.telephone.net, SARL RPM, pagebleupro.com ou encore pagesgold.com. « Aucune de ces sociétés n'a jamais existé, insiste-t-on au parquet de Paris. Les escrocs disent facturer à la ligne des encarts apparaissant dans un fantomatique annuaire papier ou un répertoire professionnel sur Internet en cours de constitution… »
Un faux tampon officiel
Dans un premier temps, les clients crédules s'engagent pour ce qu'ils pensent être un contrat pour une parution unique. Ils règlent des montants allant de quelques centaines à plusieurs milliers d'euros pour une publication qui ne voit jamais le jour. « Ce type d'arnaque, que l'on a déjà vu monté par de fausses associations de la police ou de la gendarmerie, est assez classique, note un magistrat. En revanche, le harcèlement que subissent ensuite les victimes est tout à fait inédit… » En effet, sous prétexte d'avoir renouvelé la parution des publicités, les escrocs brandissent de nouvelles factures et inondent leurs victimes de lettres de relance, d'injonctions de payer, de mises en demeure voire d'avis de mise en examen.
Pour le moins intimidantes, les missives sont libellées avec des en-têtes pastichant celles du cabinet du procureur de la République de Paris ou du ministère de la Justice. Toutes sont signées par des noms imaginaires de juges, de procureurs et d'avocats. Avec beaucoup d'imagination, les malfaiteurs agissent même au nom d'un mystérieux service des recouvrements du TGI de Paris. « Ils en ont même inventé un faux tampon officiel, confie-t-on médusé dans l'entourage de Jean-Claude Marin. Plus le stratagème est gros, plus il marche en jouant sur la crédibilité de la démarche et le caractère impressionnable de certaines personnes. »
Plus d'une dizaine d'affaires
Ainsi, dès avril dernier, le parquet d'Agen est saisi d'une première plainte d'une couple d'agriculteurs du Lot-et-Garonne qui ont été abusés pour un montant de 15 000 euros. Depuis, plus d'une dizaine d'affaires portant sur un gros préjudice en cours d'évaluation ont été recensées dans les régions de Dijon, Charleville-Mézières, Limoges ou encore Châtellerault.
Depuis août, le parquet de Paris centralise l'ensemble des procédures dans le cadre d'une information judiciaire ouverte contre X pour « escroqueries en bande organisée » et « faux ». L'enquête a été confiée au juge Guillaume Daieff. « En cas de réception d'un document portant un de ces en-têtes suspects ou de démarchage selon ce mode opératoire, les personnes doivent contacter la gendarmerie ou le commissariat le plus proche de leur domicile pour déposer plainte », prévient-on au parquet de Paris. La Brigade de répression de la délinquance astucieuse (BRDA), la PJ de Dijon et plusieurs unités de gendarmerie sont mobilisées pour démanteler cette bande insaisissable.
Christophe Cornevin, pour Le Figaro
⇒ Note du ouaibemaître :Depuis juin, cette alerte circulait sur un forum ; il aura fallu attendre près de six mois pour que le parquet de Paris se décide à faire un communiqué.
On retrouve des traces de cette autre arnaque en septembre.
Quant à affirmer que « Aucune de ces sociétés n'a jamais existé », diverses sociétés s’appellent RPM ou Multibusiness en France comme à l’étranger.
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