Elisa Novelli et Irène Terrel confirment l’information du JDD
Le président de la République, Nicolas Sarkozy, a renoncé à faire appliquer le décret autorisant l'extradition de l'ancienne brigadiste Marina Petrella pour des « raisons humanitaires », indique ce matin Le Journal du Dimanche (JDD) dans son édition imprimée. Une information confirmée peu avant 9h par « l’avocate de l’intéressée » (Me Irène Terrel, note du ouaibemaître), à l’Associated Press, et par la fille aînée de l’intéressée sur RTL. Sur le site Parole donnée, on pouvait dès 7h30 lire en bandeau « Le décret d'extradition a été abrogé, le Président Sarkozy a appliqué la clause humanitaire ; Marina ne sera pas extradée, elle reste en France ! ».
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Il ne se passait pas une semaine, depuis décembre 2007, sans qu'un rassemblement n'ait lieu. Ici, avec Sylvain Garrel, conseiller de Paris (co-président du groupe Les Verts), élu du 18e arrondissement.
Photo : Parole donnée
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Le JDD appartient à celui que Nicolas Sarkozy considère comme un frère. C’était lui qui avait annoncé (faussement) la date du mariage du président de la République avec Carla Bruni. Et fait dire à Sarkozy que les médias n’avaient pas à décider de sa vie privée (dans la fameuse déclaration « avec Carla, c’est du sérieux »).
Cette fois aussi, c’est du sérieux. Selon le JDD, la décision de non extradition est motivée par des « raisons humanitaires ». Le décret de François Fillon du 3 juin, signifié le 9 juin, autorisait l'extradition de l’Assistante de service social vers son pays d’origine, l'Italie, où elle avait été condamnée par contumace en 1992 à la perpétuité pour complicité dans le meurtre d'un commissaire de police à Rome… en 1981. La décision de Nicolas Sarkozy a été signifiée hier, a-t-on appris ce matin par sa fille aînée, née en prison en Italie.
Ancienne de la « colonne romaine » des Brigades rouges, réfugiée en France depuis 1993, Marina Petrella, 54 ans, avait été transférée fin juillet de l’hôpital-prison de Fresnes à l’hôpital de Sainte-Anne, à Paris. Début août, son époux, Hamed Merakchi, avait pu lui rendre visite et avait témoigné : « J'ai pu la prendre dans mes bras. C'était un moment merveilleux ». Le combat n’était pas gagné d’avance, mais une chose était certaine : il était plus que délicat de mettre à exécution le décret d’extradition avant l’examen final du recours en annulation, prévu (au mieux) à la rentrée par le Conseil d’Etat (les 2e et 7e sous-sections du contentieux doivent se réunir mercredi 15 octobre pour statuer).
Arrêtée en août 2007 dans le Val-d'Oise où elle travaillait comme assistante de service social (elle travaillait depuis 2002 avec un DEFA et était en train d’obtenir, via la validation des acquis de l’expérience des… Lois Fillon, son diplôme d’Etat), Marina Petrella avait été placée sous mandat de dépôt. Son état physique et mental n'a cessé de se détériorer, jusqu'à ce que la cour d'appel de Versailles autorise fin juillet sa remise en liberté sous contrôle judiciaire, afin de lui permettre de recevoir des soins sans être détenue.
Hospitalisée à l'hôpital parisien de Sainte-Anne, elle y est nourrie par sonde, permettant « sa survie avec une alimentation minimum », indique la Ligue des Droits de l'Homme. Une des raisons juridiques pour lesquelles les proches et les membres du comité de soutien de l'ancienne brigadiste de 54 ans demandaient de leur côté au président Sarkozy l'application en faveur de Marina de la « clause humanitaire » prévue par la convention d'extradition franco-italienne de 1957. Mme Petrella avait déposé au Conseil d'Etat un recours contre le décret autorisant son extradition. Il sera examiné mercredi, à 14h00, par les 2e et 7e sous-sections réunies du contentieux.
Marina Petrella est mère de deux enfants, Elisa Petrella Novelli, née en prison en Italie voici 25 ans (visionner ici son interview du 12 juin) et Emma, née en France, qui aura onze ans en décembre, et peut-être sa mère pour Noël… Et les permanences qui se tenaient depuis le 20 décembre 2007 rue des Amandiers, dans le 20e arrondissement, au siège de la Fasti, n’auront plus lieu d’être. Elles avaient « levé le pied » pour ne plus se tenir que le mardi à 18h30 (58, rue des Amandiers). Bientôt, aussi, sans doute la fin des rendez-vous des jeudis soirs à Beaubourg… Dix mois d'une mobilisation incessante ont fini par payer. Pour l'instant.
Cet été, la belle-sœur du président Sarkozy avait pu (à sa deuxième tentative) rendre visite à Marina Petrella. Dans la chronique « Il est plus facile pour un chameau… », son premier film comme réalisatrice, Valeria Bruni Tedeschi évoquait les rapports de sa famille avec les Brigades rouges…
Fabien Abitbol
⇒ Un historique des Brigades rouges, par Renato Curcio, l’un de ses fondateurs
⇒ Le dossier Marina Petrella sur Bellaciao
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Histoire d’une extradition• Le 21 août 2007, convoquée pour des formalités administratives, Marina est arrêtée au commissariat d’Argenteuil.
• Dans les années 70 en Italie, elle a fait partie des ces dizaines de milliers de militants dont la révolte, au fil du temps, a été jusqu’aux armes.
• Depuis le début des années 80, plusieurs centaines de ces militants, poursuivis par une justice d’exception, se sont réfugiés en France où le Président de la République affirmait le « refus de toute extradition politique ». Alors que la nécessaire amnistie est aujourd’hui encore refusée par l’Italie, cette politique d’accueil de la France a été maintenue sans interruption vingt ans durant envers les réfugiés italiens.
• En 1982, Marina est arrêtée, elle va passer huit ans dans les prisons spéciales italiennes avant d’être libérée pour expiration des délais de détention préventive car les procès démesurés (dans ce cas : plus de 400 inculpés, onze ans de procédure, des dizaines de condamnations à perpétuité) de cette période d’état d’urgence sont interminables.
• En 1993, Marina est condamnée à perpétuité pour des faits remontant aux années 79 à 82 ; elle vient en France avec sa fille et ses avocats avertissent les autorités judiciaires de sa présence.
• En 1998, elle se voit délivrer un titre de séjour de dix ans par la Préfecture de police de Paris. Elle a une deuxième enfant.
• En août 2002, la France, par un renversement brutal de sa politique, remet Paolo Persichetti, lui aussi réfugié, aux autorités italiennes. Deux ans plus tard, c’est Cesare Battisti que la France tente d’extrader.
• En 2007, quelqu’un a décidé que les choix de Marina il y a trente ans, cette violence qui s’est appelée révolutionnaire et que l’Etat italien a combattu en son temps (état d’urgence, justice et lois d’exception, prison spéciales, 6 000 prisonniers politiques…) constitue le mal absolu, l’inconcevable traqué à travers le temps et l’espace jusqu’à rattraper à trente ans d’intervalle une femme et sa famille un jour d’août au commissariat d’Argenteuil.
(Source : Parole donnée)
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