Carla, une ex-conseillère de la Ville de Paris au RMI
Elle a été élue Conseillère de Paris durant la première mandature de Bertrand Delanoë. Auparavant, elle avait occupé divers emplois dans le privé et monté des entreprises. En mars 2008, à cinquante-huit ans, sa vie a basculé. Témoignage.
Carla (*), une « senior » en recherche d’emploi, ne sait pas si elle pourra supporter le regard des lecteurs du Bondy Blog. Elle me demande de lui trouver un pseudonyme. Carla est née en 1950, elle a commencé à travailler à seize ans, à l’époque des « trente glorieuses ». Dans différents emplois : dessinatrice styliste pour enfants, chef de produit, vendeuse de gadgets sur les marchés, formatrice en stylisme… Elle a créé deux entreprises. Lors de ses voyages en Amérique latine, elle a monté une société de textile.
Entre toutes ces activités professionnelles, elle a mis ses deux enfants au monde, qui volent aujourd’hui de leurs propres ailes. Parallèlement à son travail, elle a commencé à militer en politique en 1968, puis fut conseillère municipale et conseillère de Paris entre 2001 et 2008. Elle a côtoyé Bertrand Delanoë, le maire, et beaucoup d’autres personnalités. En mars 2008, les élections municipales ont fait basculer sa vie. Elle était tête de liste (peu importe le parti) mais n’a pas récolté suffisamment de voix pour être élue. Elle a donc dû céder son siège de conseillère de Paris à quelqu’un d’autre. Elle qui vivait exclusivement de son indemnité d’élue – « J’ai voulu me consacrer à 100 % à ma charge politique au service des citoyens » –, elle a dû s’inscrire au RMI à la fin de son mandat.
« Rassure-toi, me dit-elle, je continue chaque matin à me lever tôt, bien que ce ne soit pas tous les jours faciles de réaliser que l’on se trouve de l’autre coté de la barrière, du coté de la précarité sociale. Surtout quand on a passé la majeure partie de sa vie à la combattre. Je n’ai plus de statut réel, mais les gens continuent de m’appeler quand ils sont en détresse sociale, et je continue de répondre présente. »
Le coup le plus dur, pour Carla, reste cette fausse promesse : « C’était après les élections de mars 2008, un des responsables municipaux est venu me proposer un poste pour finalement l’offrir à quelqu’un d’autre, sans même se donner la peine de m’en informer. J’ai mis des mois à m’en remettre. Mais je dois quand même continuer à manger, alors j’ai envoyé une dizaine de CV il y a plusieurs mois. J’ai reçu trois réponses d’employeurs me disant qu’ils gardaient ma candidature sous le coude… »
Depuis, elle essaie de faire valider ses expériences en travail social et en ingénierie sociale. On appelle ça une VAE. « Je peux dire que je faisais un boulot d’assistante sociale puisque je recevais dans mon bureau, lors de mes permanences, des personnes pour qui les élus restent leurs derniers recours pour des problèmes de logements, de papiers, de dossiers de retraite, de violence faite aux femmes, de scolarisation… J’écrivais régulièrement des lettres d’intervention auprès des organismes concernés. »
Carla est allée se renseigner à la MDE (Maison de l’emploi et du développement) pour tenter de créer une petite entreprise. On lui a gentiment répondu : « Faut pas vous faire d’illusions, Madame, on ne vous fera pas de prêts à moins que vous ne montiez une entreprise innovante dans l’informatique, l’aide à la personne ou les capteurs solaires, par exemple. »
Avant notre rendez-vous, Carla a passé toute sa matinée au centre « Psychoform », lequel a répondu à un appel d’offre de la Mairie de Paris proposant d’organiser des stages rémunérés de « Chargé de clientèle », adressés à des demandeurs d’emploi. A charge pour ces derniers de trouver une entreprise pour la partie pratique ! « A la fin des tests basés sur des situations réelles, la responsable du centre m’a dit : "Je l’ai vu tout de suite, dans le groupe, vous êtes leader, mais votre profil peut faire peur à des chefs d’entreprise. Il faudrait que vous fassiez un travail sur vous-même, que vous appreniez à vous taire, que ce soit dans le monde de l’humanitaire ou autre." En gros, elle me conseille de me reformater et d’apprendre à courber l’échine. »
J’ai voulu connaître l’avis d’un agent de l’ANPE de Belleville sur la situation des seniors : « L’ANPE a lancé en 2008 un plan de mobilisation exceptionnel en faveur des seniors, dont l’objectif est de les maintenir sur le marché du travail. Nous avons mis en place un suivi mensuel personnalisé, des parcours de recherches accompagnés et bien d’autres actions. Par ailleurs, l’ANPE a signé des accords avec de grandes entreprises qui s’engagent à recruter un certain nombre de demandeurs d’emploi chez les seniors. Les chiffres actuels nous montrent une augmentation d’embauches chez ces derniers, mais il faudra attendre la fin de l’année 2008 pour obtenir des chiffres exacts. »
– Que comptez-vous faire dans l’avenir immédiat, Carla ?
– Je vais continuer à chercher du boulot par l’intermédiaire de l’ANPE et à envoyer des CV. Si je n’obtiens pas de résultats dans les quatre mois qui viennent, je créerai ma propre entreprise.
Nadia Méhouri, pour le Bondy Blog
(*) Le prénom a été modifié.
Quel qu'en soit le prix ne pas courber l'échine, je ne la vois d'ailleurs pas le faire et surtout, surtout, ne jamais au grand jamais avoir honte, honte de quoi, au contraire, elle peut être fière de son parcours.
Bonne chance à elle.
Rédigé par : raannemari | 16/10/2008 à 09h32