Une bien étrange et inquiétante histoire est arrivée le 22 juin, au bois de Boulogne (16e arrondissement) que Libération a racontée dans son édition d’hier. Alors que nous sommes à l’ère du fichage systématisé (plus de trente fichiers officiels et légaux existent à ce jour en France, hors ceux des administrations et des sociétés commerciales), un contrôle routier a failli mal tourner, le conducteur du véhicule n’étant pas le père biologique des enfants qui se trouvaient dans la voiture. Ca a beau se passer à l’autre bout de Paris, ça aurait pu arriver au bois de Vincennes, ou n'importe où en France : en clair, ça peut arriver à tout le monde. Peut-être pas, tout de même, à un certain chanteur qui a cherché à devenir Belge pour aller vivre à Monaco. Voici, sous le titre « Contrôle de paternité très zélé », le sujet publié hier, qui reflète un certain état d’esprit de la France d’aujourd’hui… plongée dans l'obscurantisme et ce que d'aucuns appellent le racisme ordinaire.
A. L.
Parents adoptifs, conservez votre livret de famille sur vous, surtout si vos enfants viennent d’un autre continent ! Un père de famille a ainsi vu sa paternité remise en cause lors d’un contrôle routier. L’Inspection générale des services (IGS, la police des polices, compétente sur Paris et les départements limitrophes) a été saisie, et le dossier vient d’être confié au parquet de Paris.
Triathlon
Antoine B. a deux filles aux traits asiatiques : Lou, 5 ans (adoptée en France) et Mia, 4 ans (adoptée en Chine). Le dimanche 22 juin, il vient de passer la matinée au bois de Boulogne avec elles, quand il est arrêté au volant de son monospace. Le triathlon qui se déroule ce jour-là à Paris désorganise un peu la circulation. Antoine B. passe un barrage puis coupe un cordon de signalisation pour faire demi-tour avec son véhicule. Deux gardiens de la paix le rattrapent. « Ils m’ont demandé mes papiers ainsi que ceux du véhicule et de mes filles en négligeant toute forme de politesse. Ils cherchaient la petite bête », se souvient ce cadre dans le secteur bancaire âgé de 44 ans. Les policiers verbalisent à trois reprises le conducteur : « J’ai commencé à contester les amendes, je ne voulais pas signer, affirme Antoine B. C’est à ce moment-là qu’ils m’ont dit : "Si vous ne signez pas, on ne va pas perdre notre temps, on appelle les renforts et on vous enlève les enfants car ils ne vous ressemblent pas."»
« Peur »
Choqué, Antoine B. dépose plainte le lendemain. « C’est toujours les autres qui vous rappellent que vous êtes un parent adoptif. Maintenant, ma plus grande fille craint les uniformes et a peur de se promener seule avec son papa », affirme-t-il. La présidente de l’association des familles adoptives françaises de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) qui a aidé le couple à adopter son deuxième enfant relativise : « Parfois des gens curieux posent des questions c’est normal, mais cela n’a rien d’agressif ou de méchant. » Alors pourquoi ces policiers ont-ils douté de sa paternité ? « Mes enfants ne me ressemblent pas et alors ! Ma femme aurait très bien pu être asiatique », s’indigne Antoine B. A la préfecture de police de Paris, on avance une explication : « Avec les affaires d’enlèvements d’enfants, les policiers sont devenus méfiants. » Quitte à faire peser le soupçon sur les parents et les enfants qui ne se ressemblent pas ?
Mounir Soussi, pour Libération du 16 août
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