Ils ont pris l'habitude de se rassembler devant l'entrée du magasin Fabio Lucci, avenue Jean-Jaurès, dans le 19e arrondissement de Paris. Certains portent un autocollant de la CGT sur la poitrine. De temps à autre, un passant s'arrête pour bavarder avec eux ou lire les tracts scotchés sur la devanture de l'établissement.
Depuis le 27 mars, plusieurs agents de sécurité employés chez le vendeur de vêtements bon marché ont cessé le travail et installé un piquet de grève. Ils étaient quatre ou cinq au départ, ils seraient neuf aujourd'hui, selon l'union départementale (UD) CGT de Paris, qui les soutient. Originaires d'Afrique de l'Ouest, la quasi-totalité d'entre eux n'ont pas de titre de séjour.
Le conflit est né à la suite de retards dans le versement des salaires. « Quelques-uns n'ont rien touché depuis décembre 2007, d'autres depuis janvier et février, prétend Papa Leye, 30 ans, gréviste en situation régulière. Il est même arrivé que la rémunération octroyée ne corresponde qu'à la moitié des heures effectuées. »
A qui la faute ? Difficile de répondre. Fabio Lucci a confié la surveillance d'une partie de ses magasins - dont celui de l'avenue Jean-Jaurès - à la société ASP. Celle-ci a, à son tour, sous-traité le marché à un autre prestataire. Qui a fait de même. Au fil des mois, certaines entreprises se sont retirées de ce montage en cascade ; d'autres les ont remplacées. Aujourd'hui, l'employeur des grévistes s'appelle FIPS, une société implantée en région parisienne. Son responsable, qui ne souhaite pas divulguer son identité, dit avoir repris le contrat en février.
Les sous-traitants reconnaissent que des salaires n'ont pas été réglés. « Mais il s'agit de retards de dix à quinze jours, pas plus », assure l'un des dirigeants d'ASP, qui ne veut pas non plus donner son nom. Jeudi 3 avril, FIPS s'est engagée à résoudre le problème, lors d'une rencontre avec le secrétaire général de l'UD CGT, Patrick Picard. « C'est une avancée, mais on attend des écrits du patron », commente le syndicaliste.
Régularisation
Les agents de sécurité ont une autre revendication : obtenir un titre de séjour « pour pouvoir vivre comme tout le monde », confie "Daniel", un Sénégalais de 33 ans qui est arrivé en France en 2001. Lui et ses collègues ne veulent plus être exploités par des entreprises qui ont fait appel à eux en sachant, dès le départ, qu'ils étaient en situation irrégulière. « Ils ont tous fourni des papiers au moment de l'embauche », fait-on valoir chez ASP. « Ce sont des faux. Chaque fois que je me présente à un employeur, je le lui dis », soutient "Daniel".
Quoi qu'il en soit, FIPS se disait prête, jeudi, à contacter « la Préfecture de police de Paris » pour demander la régularisation de ses salariés. En attendant, les agents de sécurité maintiennent leur piquet de grève, avenue Jean-Jaurès.
Bertrand Bissuel, pour Le Monde daté du 5 avril
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