Dans la famille K., il y a d'abord la mère. Halima, 52 ans, un visage fatigué et inquiet. « Une marquise dominant ses six enfants », à en croire un témoin, une « pauvre femme alcoolique et abandonnée par son mari », selon d'autres.
C'est par son témoignage que s'est ouvert, hier matin, le procès devant la cour d'assises de Paris de cette femme, d'origine tunisienne, de deux de ses fils et trois de leurs amis, poursuivis pour « enlèvement, séquestration ou détention arbitraire avec torture ou acte de barbarie ».
Ils sont accusés d'avoir, le 4 mai 2006, ligoté, frappé et brûlé avec un briquet un Tunisien sans papiers de 28 ans, hébergé moyennant finances dans l'appartement familial d'une cité du 20e. Le jeune homme aurait volé 1 600 € à la famille. Ce jour-là, après l'avoir repéré dans un bar, l'un des fils a appelé des copains. Ils l'ont ensuite - selon la victime - ramené dans l'appartement, attaché, recouvert sa tête de scotch et frappé à coups de poing et de pied. La suite, il ne s'en souvient pas. Comment cette famille de la rue Hélène-Jakubowicz, dont les fils, juste connus pour trafic de drogue, en est-elle arrivée là ? Toute puissance de la mère ? Dérive des jeunes garçons privés d'une image paternelle ? Mauvaise influence de la cité ?
La mère décrite comme « agressive et vulgaire »
« Je n'ai jamais hébergé personne chez moi », affirme la mère, qui ajoute qu'elle n'a pas de « problème avec l'alcool » et qu'elle « s'est toujours très bien occupée de ses enfants ». Des voisins décrivent, eux, une « femme agressive et vulgaire » et attestent qu'elle hébergeait des sans-papiers. Et les faits sont têtus. De foyers en familles d'accueil, chacun de ses six enfants a été placé à maintes reprises.
« Après avoir quitté l'école en 5e, avez-vous eu des projets professionnels ? » demande le président à l'aîné des fils, Oualid, 27 ans. « J'ai eu l'intention d'en avoir. » « Lesquels ? » « Ben… ouvrir un petit commerce, comme tout le monde. Mais vous savez, j'ai une vie normale. Mais c'est vrai que le père a manqué dans la famille. » C'est au tour du frère cadet de parler, Akram, 22 ans. Lui, des projets, il en a plein. Mais il en parle maintenant au passé. « Chaque fois que je voyais quelque chose, je voulais le faire, sourit le jeune homme. Architecte, pilote d'avion, égyptologue même. Mais c'est vrai que, quand j'ai quitté ma famille d'accueil dans un hameau de trente habitants, ça a été dur de se faire à la vie de la cité. J'étais perdu. » Lundi matin, ce sera au tour de la victime d'être entendue.
Violette Lazard, pour Le Parisien du 12 janvier
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