C'est un épais document d'une centaine de pages. Une photo de la tour Eiffel masquée par une feuille de cannabis en couverture puis des cartes, des zooms sur les quartiers à risque, des stratégies d'intervention, un « cahier des charges »… Le plan antidrogue de la préfecture de police (PP) de Paris est la nouvelle arme de lutte contre les trafics de stupéfiants.
Mis en place depuis septembre par le préfet de police Michel Gaudin, il a pour objectif de lutter contre les trafics. « Pas forcément les plus importants, mais ceux qui alimentent le plus le sentiment d'insécurité dans les quartiers », note Jean-Jacques Herlem, le n° 3 de la PJ qui a été chargé de mettre en musique le plan stup.
Tous les services mobilisés
Point fort du dispositif, le plan prévoit une coordination entre différents services de police : la police urbaine de proximité (PUP) la plus au contact des petits trafics de rue - cette année elle a réalisé 94 % des interpellations de dealers présumés -, la police judiciaire dont la vocation porte d'avantage sur le démantèlement des grands réseaux, mais aussi le service des renseignements généraux dont une section est spécialisée dans les violences urbaines. « Notre angle d'attaque, c'est la lutte contre l'économie souterraine, résume Bruno Lafargue, le patron des RG parisiens. Dans ce cadre, on est amené à découvrir des trafics dans les cités. Nous effectuons des planques, nous prenons des photos, nous identifions les acteurs… Cela permet de monter des dossiers en amont et de baliser le terrain pour nos collègues de la PUP et de la PJ. »
30 quartiers sous surveillance
Les partenaires du plan stup ont déterminé très précisément (à la rue près) 30 secteurs de la capitale « tenus » par des réseaux structurés. Pas question de dévoiler cette liste noire des sites de deal. Les policiers expliquent simplement que leurs objectifs prioritaires se trouvent majoritairement au nord-est de Paris (10e, 11e, 18e, 19e et 20e) et, dans une moindre mesure dans les 13e, 14e et 17e arrondissements. « Les petits réseaux ne se limitent plus au cannabis, souligne Jean-Jacques Herlem, mais vendent aussi fréquemment de la cocaïne, de l'héroïne, du crack… »
Les boîtes de nuit dans le collimateur
Drogue « festive » par excellence, l'ecstasy fait l'objet d'un traitement à part dans le plan stup. « On sait que les pilules s'échangent surtout en discothèque et particulièrement dans quelques-unes d'entre elles que nous connaissons », avertit le patron de la PJ, Christian Flaesch. Tous les patrons de boîtes parisiennes ont donc été convoqués début décembre pour un rappel à l'ordre. Un avertissement sans frais avant une série de contrôles… et « des fermetures administratives quand ce sera nécessaire ».
A la recherche de l'argent de la drogue
Pour ne pas se limiter à des coups de filet sans lendemain, le plan stup prévoit un renforcement des enquêtes sur le patrimoine des dealers (et de leurs proches) pour retrouver l'argent de la drogue. Sur dix-huit mois (de janvier 2006 à juillet dernier), plus de deux millions d'euros en espèces ont été saisis. « Un chiffre sans doute très en dessous de la réalité du trafic », note un enquêteur. Après une période de rodage, le plan stup commence à produire ses premiers effets (lire ci-dessous). « Notre objectif n'est pas quantitatif, martèle Christian Flaesch, patron de la PJ. Il ne s'agit pas de multiplier les interpellations mais de travailler en profondeur dans les quartiers où les trafics se sont enracinés. »
Benoît Hasse, pour Le Parisien du 28 décembre (édition de Paris), photo D.R.
500 kg dans un parking du 20e
Le 16 novembre, en pleine nuit sur le boulevard Davout, dans le 20e. Une brigade anticriminalité en planque dans la cité de la Tour-du-Pin (l'un des secteurs ciblés dans le plan antidrogue) aperçoit des jeunes accueillant leur « livreur » qui arrive en fourgonnette. Le véhicule s'engage dans un parking souterrain.
Les policiers suivent, pour un coup de filet particulièrement fructueux. Dans la camionnette : 500 kg de résine de cannabis qui s'apprêtaient à changer de main. « C'est l'une des saisies les plus spectaculaires depuis le lancement du plan Stup, se félicite Philippe Caron, sous-directeur à la police urbaine de proximité (PUP). Le dossier initié par la PUP a été repris par la PJ qui poursuit l'enquête pour remonter le réseau. » Autre lieu, autre saisie mais même illustration de la nouvelle coopération entre les directions de police : début décembre, un jeune homme de 25 ans dans le collimateur des renseignements généraux est interpellé en flagrant délit de deal dans la cité du boulevard Bessières (17e). Peu de drogue sur lui. Mais la « nourrice » (la planque) du dealer a été localisée dans les sous-sols de l'immeuble HLM. Dans ce box, les policiers retrouveront 300 g de cannabis, 12 g de cocaïne, du matériel d'emballage, une arme à feu et pas moins de 44 000 € en liquide… La tête de pont d'un réseau mis à jour.
« C'est typiquement le genre d'affaire qu'on peut monter grâce au plan drogue », s'enthousiasme un policier. Lors du procès du dealer, dès la semaine dernière, son avocat (commis d'office) a nuancé ce bilan en regrettant le choix de la procédure de comparution immédiate. Le dealer a été condamné à quatre ans de prison. Soit strictement la peine plancher prévue par la loi sur la récidive.
B.H., photo D.R.
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