Comment le modèle social français s'autodétruit
La thèse est simple : la société française est rongée par le corporatisme et l'étatisme. Le premier engendre des inégalités et des rentes de situation au profit de certains groupes; le deuxième affaiblit la société civile et suscite des formes diverses de corruption pour tourner les règles ou en tirer parti.
Tous deux nourrissent un climat de défiance qui, tout à la fois, réduit le bien-être et la croissance, accroît le chômage, accentue la demande d'Etat au détriment de l'adhésion syndicale, et suscite grogne et passe-droits. On pourrait conclure « et voilà pourquoi votre fille est muette », tant ce genre de causalités repose habituellement sur des affirmations invérifiables. Sauf que, ici, les deux auteurs ont entrepris de les vérifier, en mobilisant des sources diverses, dont certaines très originales, comme par exemple le nombre de contraventions dressées aux diplomates des différents pays.
C'est justement ce recours systématique à l'analyse quantitative qui donne à ce petit livre non seulement son originalité, mais aussi sa force de conviction. Comme « la confiance mutuelle et sa contrepartie, la capacité à respecter ses engagements, semblent jouer un rôle décisif dans l'efficacité du marché », ils attribuent une large partie de la faible croissance française (donc du niveau de chômage) à ce manque de confiance. Celui-ci n'étant pas une donnée culturelle, mais un produit du corporatisme et de l'étatisme, les auteurs plaident en faveur d'un droit social rompant avec ces deux tares. Là réside le maillon faible de leur analyse: jouer davantage le jeu du marché, dans une société qui n'est guère solidaire, n'est-ce pas prendre le risque d'une aggravation des inégalités et du sort des moins bien placés ?
Denis Clerc, pour Alternatives économiques
La société de défiance. Comment le modèle social français s'autodétruit
Par Yann Algan, Pierre Cahuc
Coll. Cepremap, éditions rue d'Ulm (fiche ici), 102 p., 5 €, ISBN 978-7288-0396-5, octobre 2007
Commentaires