Le coup de fil du Président français à son homologue de Côte d’Ivoire, qui avait valu une joie mal contenue de la Présidence ivoirienne, risque d’avoir un arrière-goût très désagréable pour la refondation. Laurent Gbagbo qui se réjouissait d’avoir vaincu Jacques Chirac et Dominique de Villepin, est en passe d’apprendre que « les états n’ont pas d’amis mais des intérêts ».
Avec la résurgence de l’affaire Guy-André Kieffer, ce journaliste français, enlevé le 16 avril 2004 à Abidjan et dont on est sans nouvelles. Recevant le jeudi dernier, Mme Osange Kieffer et les parents du confrère, le Président Nicolas Sarkozy a promis « la détermination sans faille de la France pour que la lumière soit enfin faite sur cette affaire ». Une réaction, qui aux dires de l’épouse de Kieffer « permettra de faire un geste en direction de Laurent Gbagbo pour qu’il permette que les juges puissent entendre les personnes qu’ils n’ont pas réussi à entendre depuis trois ans ». Et comme un malheur n’arrive jamais seul et pour démontrer que « le crime n’est jamais parfait », Berté Seydou, le chauffeur du commando qui a enlevé Kieffer, qui l’a enfermé à la présidence pendant deux jours et deux nuits, avant de l’exécuter, sans autre forme de procès. « Ils sont allés le déposer à la Présidence, puis l’ont recherché pour l’envoyer à la ferme, parce que c’était le lieu caché des exécutions… Oulaï a donné le signal par un pistolet et deux éléments ont mitraillé Guy André Kieffer », a dit le chauffeur à France 3.
Un véritable deus ex machina qui vient donner un coup de fouet à une affaire relativement bloquée depuis trois ans. Cette révélation, pour la justice française, fournit de nombreux détails pour l’éclatement de la vérité. Pour sûr, les dires de Berté Seydou apporteront certainement les moyens au Président Sarkozy d’actionner « le levier de pression sur le pouvoir ivoirien ». Pour sûr, Nicolas Sarkozy qui fait de cette affaire Kieffer un fait d’Etat, ne laissera point de répit à Laurent Gbagbo. En effet des militaires suspectés dans la disparition du confrère, bénéficiaient jusque là de la protection du palais ivoirien, pour éviter la justice française. Il en est de même pour des proches du Chef de l’Etat, cités nommément dans l’enlèvement de Kieffer.
Sitôt après la rencontre entre le successeur de Jacques Chirac et la famille Kieffer, le ministre des Affaires Etrangères, Bernard Kouchner a rencontré hier (vendredi, note du ouaibemître) le patron de Reporters sans frontières, Robert Menard. Sans doute le début d’une prise en main effective de la nébuleuse Kieffer. Après donc le coup de fil de la grande joie, Sarkozy va fâcher Gbagbo, avec la relance de la disparition du journaliste français. On peut le dire. Le pouvoir ivoirien connaîtra des heures difficiles. Il devra répondre des pages noires d’un bilan catastrophique au niveau du respect des droits de l’homme et de la liberté d’expression. Tout indique que la résurgence de la question Kieffer est le détonateur à l’élucidation de plusieurs autres cas, à savoir la mort de Jean Hélène, les massacres d’Octobre 2000 et de mars 2004, l’assassinat du Général Robert Guei et bien d’autres crimes perpétrés par les exégètes et relais de la refondation.
© Bakary Nimaga, pour Le Patriote du 25 août
⇒ Dans son édition d’hier, le quotidien ivoirien affirme également avoir fait l’objet de « menaces ». Selon Courrier international, les journalistes de ce quotidien sont régulièrement harcelés par les forces de l’ordre.
⇒ Le titre principal de la Une du Patriote d’hier est en rapport avec la visite en France de l’ancien Premier ministre ivoirien, qui tenait une conférence hier à Montreuil. Un entretien avec RFI est disponible ici en format texte. On prête à M. Alassane Ouattara (surnommé ADO) de nombreuses amitiés en France, tant du côté de M. Sarkozy que de celui de M. Fabius. Son épouse Dominique est depuis mai dernier la « marraine » du Patriote.
⇒ Sous le titre « Et vlan !… ”Priorité de l’Etat français” », André Silver Konan, récemment poursuivi en justice par le président Gbagbo pour « diffamation » et « atteinte à l’image du Chef de l'Etat », a écrit dans Le Nouveau réveil d’hier
Les langues ont commencé à se délier. Celle de Berthé Seydou est formelle : « (…) Ils sont allés le (Guy-André Kieffer, ndlr) déposer à la présidence et ils l'ont ressorti de la présidence et ils l'ont envoyé dans une ferme de volaille (…) ». Nicolas Sarkozy qui a reçu la famille du journaliste d'investigation, a promis d’en faire « une priorité de l'Etat français ». Sûr qu'il va appeler Laurent Gbagbo pour en savoir davantage. On verra bien si la présidence sera fière de médiatiser cette fois-ci ce coup de fil !
André Silver Konan avait publié un dossier intitulé « les 100 ”crimes” de Gbagbo », qui lui avait valu une arrestation et une garde à vue à la brigade de gendarmerie du Plateau. Il est grand reporter au Nouveau réveil, considéré comme très critique vis-à-vis du pouvoir actuellement en place.
Ayant reçu en mai 2007 le Prix spécial du jury du concours Norbert Zongo du journalisme d’investigation, il avait été interrogé par un confrère sur le pourquoi de sa garde à vue, il a répondu, voici deux mois : « C’est exactement la même question que le gendarme qui m’a interrogé pendant environ une heure m’a posée. J’ai bien saisi le sens de la question qu’il me posait. Dans le cas de diffamation, l’intention est un élément important dans l’établissement de la culpabilité. Mais voyez-vous, je suis grand reporter au Nouveau Réveil chargé des grandes enquêtes, des grands dossiers, des grands reportages et des grandes interviews. J’ai une feuille de route. Va-t-on demander à un policier qui est sur la route dont la feuille de route est de contrôler les identités, dans quelle intention il a contrôlé l’identité de telle personne. Ou encore pourquoi il l’a fait simplement ? Voilà. »
Le sujet en entier est ici.
⇒ Sur la crise politico-militaire en Côte d'Ivoire, lire ici un sujet de wikipédia sans sa version modifiée en août 2007 et reconnu comme "bon" par les Internautes.
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