Une étude municipale décrypte les spécificités démographiques
C’est un portrait de famille. Un cliché inédit, brassé à partir de données statistiques collectées pour la première fois pour l’Observatoire des familles parisiennes (*). Paris avait tendance à perdre ses familles, y compris dernièrement : chaque année entre 1990 et 1999, 1 500 ménages avec enfants ont préféré s’installer ailleurs : 60 % en Ile-de-France, le reste en province. Reprise de la natalité depuis 2000, hausse de la population et des effectifs scolaires : depuis peu, « une stabilisation voire une légère hausse du nombre de familles se dessine ». Aujourd’hui, 865 000 Parisiens vivent en famille, surtout dans les 13e, 19e et 20e arrondissements. Avec leurs spécificités démographiques. Les voici, sous toutes les coutures.
• Plus de bébés
Depuis 2000, 32 000 bébés naissent à Paris chaque année. D’où les angoisses pour trouver une place dans une maternité, et plus tard dans une crèche. Les lettres en mairie pour « draguer » l’élu chargé des affaires familiales sont un classique à Paris. On comptait 14,7 naissances en 2004 pour 1 000 habitants, alors que la moyenne nationale est de 13,2. Les encombrements de poussettes se concentrent particulièrement dans les 1er, 2e, 18e, 19e et 20e arrondissements.
• Et plus tard
A Paris, l’âge moyen de la femme lorsqu’elle accouche est de 32 ans. C’est un an de plus qu’en Ile-de-France, et deux de plus que la moyenne nationale. Aujourd’hui, la parenté tardive est liée à un investissement professionnel important et à des recompositions familiales.
• Davantage de célibataires, de pacsés, de divorcés
En 2003, les Galeries Lafayette inauguraient le shopping-drague : on faisait ses courses avec un petit panier mauve distinctif, on payait à des caisses réservées. Il y eut aussi le « Café de l’Amour », près de Saint-Sulpice, ou les soirées « 7 to 1 », ralliement dès l’heure de sortie de bureau de ceux qui ne sont pas pressés de rentrer chez eux : Paris est la capitale des solo. Le statut matrimonial le plus répandu est le célibat. Il concerne un Parisien sur deux. Dans le reste de la France, c’est à peine plus d’un sur trois. Par ailleurs, 27 % des Parisiens vivent seuls (seulement 13 % en France). Dans la capitale, on se passe moins la bague au doigt. En 2004, seuls 37 % des ménages sont mariés. Dès qu’on franchit le périphérique, ce taux atteint les 50 %. Parallèlement, la part des divorcés augmente (8 % contre 6 % en France). Et le pacs connaît un très grand succès. Le taux de contrats signés pour 1 000 habitants y est deux fois plus élevé que dans l’ensemble de la France.
• Des familles recomposées, monoparentales, étrangères
Il y a 12 000 foyers recomposés à Paris. Ce ne sont plus des remariages de veufs comme avant, mais davantage des réaménagements qui suivent des séparations. Par ailleurs, d’après la Direction générale des impôts, près de 3 000 foyers déclarent des enfants en résidence alternée (une semaine chez le père, une semaine chez la mère) en 2004.
En 1999, les foyers formés d’un seul parent représentaient plus d’une famille sur quatre (une sur six dans toute la France). Au total, 93 000 enfants parisiens vivent avec un seul parent. 33 % de ces foyers sont pauvres, plus de la moitié ne sont pas imposés. Ces familles restent dans la capitale, où elles peuvent bénéficier d’un réseau social déjà développé - par exemple des grands-parents, des équipements, mais aussi des avantages de l’anonymat d’une grande ville où le regard social pèse moins, note l’observatoire. La majorité sont des femmes seules (86 % des cas). A Paris, dans un cas sur cinq, le chef de famille est de nationalité étrangère. Cette diversité est bien supérieure à la moyenne nationale (moins d’un sur dix).
• Davantage de cadres qu’ailleurs et des disparités
Les familles de cadres ou de professions intellectuelles représentent 38 % du total en 2004. Sur le reste du territoire, ce taux ne dépasse pas les 14 %. A Paris, le revenu déclaré moyen aux impôts est de 55 000 euros ; en France, il est de 32 000 euros. «Les écarts de revenus sont cependant contrebalancés par le coût de la vie, particulièrement élevé à Paris», selon l’étude. Le quart des familles parisiennes les plus aisées a déclaré quatre fois plus que le quart des plus modestes. Sur une carte, cela saute aux yeux : les plus riches habitent les 6e , 7e, 8e, 16e, quand les arrondissements du nord-est concentrent les plus pauvres. Les familles à bas revenus représentent 16 % de l’ensemble. Derrière les chiffres se dessine la « boboïsation » de Paris. Depuis 2000, la part des naissances issues de parents cadres a augmenté. Celle des parents ouvriers s’est réduite.
(*) Créé en 2006, sous la houlette d’Olga Trostiansky, maire adjointe chargée de la petite enfance, cet observatoire est censé analyser les conditions de vie des familles et, donc, identifier leurs besoins (par exemple, en places en crèche).
© Charlotte Rotman, Libération
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