Qu’a fait le docteur Kouchner aux infirmières bulgares ?
C'est la seconde escapade diplomatique de la première dame qui monopolise l'attention des éditorialistes ce matin. Les sujets ont été écrits avant le dénouement de l'affaire, ce qui rend délicat toute analyse circonstanciée. Mais les mêmes points sont évoqués : dans quel cadre et avec quelles limites Cécilia Sarkozy doit-elle intervenir ? A qui rendra-t-elle des comptes ? Et où est passé Bernard Kouchner ?
On peut aussi avoir une pensée pour les familles des 170 victimes de l’attentat de 1989, commandité par la Lybie, que (à part Christophe Barbier) la presse semble avoir oubliées. Mais le plus important, c’est la mise en avant de Cécilia Sarkozy, en attendant que le président de la République et son ministre se rendent en Lybie demain.
Ce midi, le secrétaire général de l’UMP Patrick Devedjian s’est montré favorable à un statut du conjoint du président de la République. Sur LCI, il a rappelé : « dans la monarchie (...), le conjoint du monarque a une place institutionnelle ».
Outre l’éditorial audiovisuel de Christophe Barbier dans l’Express, qui rappelle la « dictature sanglante » de M. Khadafi et qui se demande – à juste titre - ce que pense Mme Sarkozy de l’attentat du DC-10 d’UTA (dont le mémorial se trouve au Père-Lachaise et dont le site des familles des victimes est ici) commandité par la Lybie, plusieurs éditorialistes se sont posé des questions sur la « mission » de l’épouse de M. Sarkozy, avant que, à 6h30, on apprenne la libération des otages, dont la France s’attribue la paternité.
A lire : Les preuves trafiquées du terrorisme libyen, dans Le Monde diplomatique (mars 2001)
En voici trois.
F. A.
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Au cimetière du Père-Lachaise, non loin de l'entrée secondaire, se trouve le monument dédié aux 170 victimes de l'attentat de septembre 1989 contre le DC-10 d'UTA. Chaque année, le juge Bruguière et les familles s'y recueillent. Les condamnations visent entre autres l'entourage de M. Khadafi.
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A quel titre ?
LA seule chose qui compte, c'est que les infirmières bulgares reviennent. Le reste n'est que secondaire. Sauf, que dans le rôle joué par la France pour obtenir un dénouement rapide, il est permis de s'interroger sur celui attribué à Cécilia Sarkozy.
Bien entendu, l'épouse du président n'est pas exclue du monde extérieur. Mais à quel titre intervient-elle dans ce dossier ? Initiative privée ? Démarche frappée du sceau de l'Etat ? Sans ressortir cette bonne vieille lapalissade selon laquelle la diplomatie doit rester l'affaire des diplomates, on dira que pour traiter un sujet de cette importance, mieux vaudrait mandater un émissaire officiel, un proche conseiller du chef de l'Etat et plus logique encore, le ministre des Affaires étrangères.
Certes, Claude Guéant, le secrétaire général de l'Elysée et surtout homme de confiance de Nicolas Sarkozy, est du voyage. Mais là encore, c'est le clan qui est sollicité. Pas la sphère politique qui, pourtant, a des comptes à rendre au pays.
Dans ces conditions, le fonctionnement de la machine sarkozienne fait grincer les dents. Certains trouvent sa méthode choquante. D'autres qui s'élèvent contre ces attaques mesquines, répondent que Nicolas Sarkozy fait de la politique sans être tétanisé par le risque. Y compris celui d'avoir à subir lui même les conséquences d'un échec, si la médiation de l'Elysée n'aboutit pas.
Alors, où est le problème ? Il est de savoir si faute de statut officiel, l'épouse du président peut intervenir dans les affaires de l'Etat ? Bernadette Chirac dont l'action et l'influence ne se limitaient pas aux pièces jaunes, n'était pas une figurante. Mais jamais elle n'a été chargée de mission. Danièle Mitterrand qui à titre privé allait voir Castro, a souvent dérangé par des initiatives dont le périmètre ne se confondait pas avec celui de l'Elysée. Reste à définir le rôle et les attributions de Cécilia Sarkozy que l'on imagine mal à l'écart de tout, même si la toute puissance du pouvoir ne la fascine pas plus que ça.
A l'évidence, Nicolas Sarkozy qui n'apprécie rien de tel que d'innover et de surprendre, a décidé de déverrouiller les esprits et les fonctions. Bonne chance ! Mais, si les infirmières bulgares sont libérées, qui se souciera de la méthode ? Certainement pas l'opinion. Et c'est la carte que joue en permanence Nicolas Sarkozy.
© Pierre Taribo, l’Est républicain
La diplomatie Cécilia
En voulant bien faire, il la condamne au succès.
Si Cécilia Sarkozy ramène les infirmières bulgares dans son avion, elle sera une sorte d'héroïne. Elle est belle, assurément intelligente, indomptable, indépendante, sexy. Bref, totalement moderne. Alors si, en plus, la sauvageonne de l'Élysée est utile à la France en réalisant un coup d'éclat pour la bonne cause, on peut déjà imaginer les titres d'une littérature magazine qui ne ratera aucun superlatif, aucune hyperbole, aucun éloge. Peu importeront les manières un peu cavalières avec lesquelles Paris aura confisqué au profit de son prestige une opération longuement préparée par Bruxelles. Seul comptera le final. Le dénouement.
Mais à l'heure où nous écrivons ces lignes, ce scénario radieux se fait attendre. « C'est difficile » et « c'est compliqué », nous a fait savoir le président de la République. On pouvait s'y attendre... Car à Tripoli, le maître du jeu, un jeu cruel, veut bien se montrer romanesque à ses heures, mais il voudra garder la main jusqu'au bout. Jouer au chat et à la souris, il adore. Les Sarkozy, Kadhafi les a vus venir !
Lui envoyer Cécilia, c'était pourtant bien joué. Atypique parmi les dirigeants du monde arabe, le chef de l'État libyen est sensible au charme et au pouvoir des femmes. Il fait confiance à leur finesse, et dans son régime, elles ont toujours occupé des responsabilités importantes, sans parler des amazones de sa garde rapprochée. Avec sa double casquette humanitaire et présidentielle, peu impressionnable, et armée d'une très forte personnalité, Mme Sarkozy avait, a priori, le profil de l'interlocutrice idéale pour débloquer l'affaire à l'affectif.
Mais quand il s'agit de business - et il s'agit de business - Kadhafi reste le dictateur féroce qu'il n'a jamais cessé d'être en dépit de sa réintégration récente dans l'introuvable communauté internationale. Un professionnel très malin et très retors qui ne fait pas de cadeau sur un coup de tête. C'est toute la limite de la diplomatie Cécilia. Lui faire jouer le rôle du joker, pourquoi pas ? Si cela peut hâter la libération des malheureuses infirmières, tant mieux...
Mais nous sommes là dans une négociation politique à grande échelle qui, évidemment, engagera la France au delà de cet épisode. Et dans ce contexte, la femme du président, quelles que soient ses qualités personnelles, n'a aucune légitimité. Aucune. Réduire l'action de la France à son intervention, c'est ramener la politique étrangère de notre pays au rayonnement du couple présidentiel en jetant le Quai d'Orsay dans l'ombre. C'est donner l'image d'un pouvoir personnel au coeur des relations internationales. Notre pays, cinquième puissance du monde, vaut mieux que ça.
© Olivier Picard, Les Dernières nouvelles d’Alsace
Cécilia
Le moins que l’on puisse dire est que Nicolas Sarkozy a mis en œuvre une diplomatie très personnelle pour tenter de faire libérer les infirmières bulgares emprisonnées en Libye. En envoyant le secrétaire général de l’Elysée Claude Guéant mais surtout son épouse Cécilia aux avant-postes, il tente un coup de poker. S’il réussit, ce sera un joli coup diplomatique et il sera malvenu ensuite de se plaindre de ce genre de méthode inédite. S’il endosse un éventuel échec au goût bulgare, son image sera ternie. Mais il y a fort à parier que Nicolas Sarkozy sait ce qu’il fait s’il se rend mercredi en Libye. Ce ne sera pas pour une énième négociation.
Pour autant, la démarche du président de la République fait grincer des dents à Bruxelles où l’on prône l’union pour négocier, et la prépondérance des diplomates. Ce que ne sont ni Claude Guéant ni encore moins Cécilia Sarkozy propulsée en Madame Bons Offices alors qu’elle n’a été investie d’aucune mission par le peuple français, si ce n’est d’occuper le rôle de Première dame de France. Pour faire face à ces critiques, Cécilia est partie cette fois avec Benita Ferero-Walner, commissaire européenne, chargée des relations extérieures. Cécilia Sarkozy n’est pas mandatée pour négocier mais pour jouer les intermédiaires. On saisit toutefois difficilement la nuance. Au plan international, en général, on prône plutôt la discrétion politique et diplomatique des conjoint(e)s. Seule Hillary Clinton est sortie de ce schéma, avec le destin que l’on sait, se posant aujourd’hui en candidate à la succession de George W. Bush. Le parallèle s’arrêtera là. Souhaitons désormais que ce dossier houleux s’achève dans le bon sens, au-delà des querelles partisanes autour de la manière d’œuvrer. On avait déjà beaucoup parlé de la libération éventuelle d’Ingrid Betancourt et rien n’est venu. La prudence est donc de mise.
© Bruno Théveny, le Journal de la Haute-Marne
c'est une marotte dans ce clan de s'attribuer un role de libérateur souvenez vous du maire de Neuilly dans http://www.dailymotion.com/video/x1tber_sarkozy-human-bomb
Rédigé par : andré974 | 24/07/2007 à 15h47
comme disait un certain journaliste, N.Sarkozy est un "coucou" qui fait son nid dans celui des autres...
Rédigé par : Eve | 24/07/2007 à 18h21
Et maintenant ça va être le tour de Aung Sun Suu Kyi, comme l'indique l'obs…
http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/politique/20070724.OBS8038/aung_san_suu_kyi_nouvelle_prioritepour_rama_yade.html
Quand la France s'occupera-t-elle de ses propres ressortissants ?
Rédigé par : Bernard | 24/07/2007 à 18h55
C'est le député socialiste Pierre Moscovici qui a déclaré hier sur RTL qu'il voyait « Sarkozy, via son épouse, et Claude Guéant un peu en train de faire la stratégie du coucou. Vous savez, je ponds mes œufs dans le nid des autres. »
Il est vrai qu'avant de s'occuper des étrangers, le président de la République (ou son équipe, ou son « émissaire personnel », comme dit l'Elysée, son « homme de confiance » comme dit Serge July) ferait mieux de s'occuper d'abord de ceux qui l'ont mis au pouvoir. Mais la grandeur de la France passe peut-être avant les intérêts des Français.
Au fait, il n'y a pas du pétrole en Libye ?..
Rédigé par : Fabien | 24/07/2007 à 19h12
...il y a du pétrole anéfé mais aussi des contrats à caser...genre nucléaire civil, etc...le coucou devient pie (qui aime ce qui brille...)
Rédigé par : Eve | 24/07/2007 à 19h21
je trouve toujours étonnant que la gauche (non, le PS, soyons précis !) joue les vierges effarouchées en réclamant des commissions d'enquête sur l'affaire des infirmières bulgares...en effet, il y a quelques temps de celà, la famille Khadafi était pestiférée, hors de question de leur adresser la parole et maintenant, les affirmations (douteuses ou non) du fils sont considérées comme paroles d'Evangiles...on préfère croire le fils d'un odieux dictateur terroriste plutôt que le président de la République...
je veux bien croire que personne ne soit blanc-bleu dans l'histoire mais certains ne prennent vraiment que ce qui les arrange...
que ne ferait-on pas pour exister ?!
Rédigé par : l'affreuse UMP | 18/08/2007 à 19h46
Il s’est passé bien des choses depuis ce sujet de Libé… des revirements, des mises au point, des explications… qui rendent ce sujet quelque peu désuter.
Tant qu’à faire, voici quelques compléments…
Je ne crois pas que l’Express soit un journal particulièrement classé à gauche. Ni même au centre. Et pourtant, on peut y lire ceci :
http://www.lexpress.fr/info/quotidien/actu.asp?id=12968&xtor=RSS-96
Or, que voit-on sur le site de l’ambassade de France en Libye ? Des visites fréquentes de gens de l’UMP, dont son président de l’époque M. Sarkozy et le président de la République M. Chirac…
http://www.ambafrance-ly.org/visites_bilaterales.php
Un début d’explication se trouve ici
http://www.bakchich.info/article351.html
Mais que je sache, rien du PS.
Le sujet de François Vallières, correspondant permanent à Paris du quotidien genevois « Le Temps », publié le 15 août était fort intéressant.
Quant à ce que Bruno Fay, co-auteur du Casier judiciaire de la République (dont une présentation est ici http://uscpunsaan.over-blog.com/article-5703096.html ) a pu écrire voici un an et demi sur son blogue, je laisse chacun s’en faire sa propre idée…
http://investigation.blog.lemonde.fr/2006/01/05/2006_01_kadhafi_land/
Rédigé par : Fabien | 18/08/2007 à 20h22