Le premier ministre israélien, Ehoud Olmert, a téléphoné, lundi 7 mai, à Nicolas Sarkozy pour le féliciter et lui souhaiter, « au nom du peuple d'Israël, le succès » dans ses fonctions. « Je suis persuadé que notre coopération sera fructueuse et que nous pourrons œuvrer à une politique de paix dans notre région », a ajouté le chef du gouvernement israélien tandis que le nouveau président français a répondu, selon le communiqué officiel : « Je suis un ami d'Israël et Israël peut toujours compter sur mon amitié. »
Manifestement, l'arrivée à la plus haute fonction de l'Etat de l'ancien ministre de l'intérieur réjouit l'Etat juif. M. Sarkozy n'a jamais caché ses liens d'affection avec Israël et le gouvernement espère que le réchauffement des relations entre les deux pays engagé depuis trois ans va s'accentuer. « Une ère nouvelle dans les relations avec la France » a titré en « une » le grand quotidien Yediot Aharonot. « Les origines juives du prochain président catholique français ont suscité de grands espoirs à Jérusalem », note l'éditorial, qui fait remarquer qu'il « est significatif qu'il ait entamé sa campagne électorale à l'étranger en visitant Yad Vashem », le mémorial de l'Holocauste, lors d'une visite effectuée comme président de l'UMP en décembre 2004.
Pour Maariv, autre quotidien populaire, il s'agit d'une « révolution française, grâce à laquelle un ami évident d'Israël accède à l'Elysée pour la première fois dans l'histoire de la Ve République ». « Sarkozy sera un médiateur honnête entre Israël et le monde arabe, et c'est, en soi, une petite révolution française », souligne le journal.
Il a souvent été reproché à Jacques Chirac d'être pro-arabe et les Israéliens ont toujours gardé en mémoire l'incident qui avait opposé le président français aux services de sécurité israéliens lors de sa visite de la veille ville de Jérusalem, en 1996, au cours de laquelle il avait menacé de reprendre l'avion pour protester contre l'attitude des forces de l'ordre.
Nouvelle donne
Le chef de l'opposition nationaliste, Benyamin Nétanyahou, a déclaré, de son côté, qu'il se considérait comme « un ami personnel » de Nicolas Sarkozy « depuis cinq ou six ans ». Les deux hommes se sont côtoyés lorsqu'ils occupaient tous les deux les fonctions de ministre des finances. « Nous nous parlons régulièrement au téléphone », a affirmé à la radio le chef du Likoud (droite). « C'est un homme qui voit les intérêts de la France sous un autre angle et son élection est un bienfait pour Israël, a-t-il fait remarquer. Je ne crois pas que la politique française va être complètement transformée, mais il est clair qu'elle ne sera plus caractérisée par un réflexe anti-israélien, ce qui signifie qu'Israël est coupable avant que le contraire ne soit démontré. »
Chez les Palestiniens, l'élection de Nicolas Sarkozy, qui ne s'est jamais rendu dans les territoires palestiniens, signifie une nouvelle donne. Mahmoud Abbas, président de l'Autorité, qui est allé, le 17 avril, saluer une dernière fois Jacques Chirac, espère que son successeur va « poursuivre son soutien au peuple et aux droits des Palestiniens ». Le Mouvement de la résistance islamique (Hamas) s'est également montré optimiste en notant que la position de la France vis-à-vis des Palestiniens « a toujours été très bonne ».
Michel Bôle-Richard
« Le Monde » daté du 9 mai 2007
Nicolas Sarkozy se faisant remettre une Menorah
Photo © Daf-Hagueoula
En bref :
Les institutions juives saluent la victoire de Sarkozy
Le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), Roger Cukierman, a adressé, lundi 7 mai, « ses plus respectueuses et chaleureuses félicitations » à Nicolas Sarkozy.
« Les prises de position que vous avez exprimées sont porteuses d'espoir pour une France qui doit se réconcilier avec elle-même », indique le message qui se félicite des « valeurs » défendues par M. Sarkozy, qui ne laissent « aucune place à l'intolérance, au racisme et à l'antisémitisme ».
L'Union des conseils des communautés juives d'Ile-de-France se dit persuadée que M. Sarkozy « parviendra à faire éradiquer le fléau de l'antisémitisme qu'il a commencé à combattre ». « Nous serons ses partenaires pour contribuer à l'établissement de la paix civile et nous l'assurons de notre soutien pour la construction de la paix entre Israël et ses voisins », ajoute-t-elle.
Manifestation à Tel-Aviv, jeudi
Les opposants à Ehoud Olmert espèrent rassembler au moins 100 000 personnes, jeudi soir à Tel-Aviv, pour réclamer la démission du premier ministre. Un débat sur ce dossier aura auparavant lieu à la Knesset, mais l'opposition n'a pas déposé de motion de censure.
(Avec Reuters)
A lire également, sur ce blogue : Qu’est-ce que le « vote juif » ? , publié le 9 décembre 2006.
Notes :
1/L’allusion aux « origines juives » et à la religion catholique de M. Sarkozy est due au fait que la mère de l’homme qui sera président de la République le 16 mai est une Juive Ashkénaze. Or, dans la religion juive, c’est la mère qui transmet la religion. Ce qui n’a pas empêché le petit Nicolas de faire sa communion dans la tradition catholique.
2/Jean-Marie Le Pen, qui a parlé au sujet de M. Sarkozy de « hold-up électoral », avait appelé les Juifs à voter pour lui au premier tour.
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A lire également, sur l’enfance du petit Nicolas :
Le syndrome de l’orphelin (Octobre 2005)
De son enfance, Nicolas Sarkozy n’a retenu que les humiliations. Celles d’être un fils d’émigré et de divorcés. En quête de reconnaissance, il n’a eu de cesse de se chercher d’autres pères.
Les biographes sont des gens impitoyables. Ils sont méticuleux, pointilleux, voire obstinés. Ils ont cette manie d’aller chercher les sources d’un engagement. D’où proviennent celles de Nicolas Sarkozy ? De quel tréfonds, de quel territoire secret de l’âme cet homme survolté puise-t-il son incroyable énergie, depuis plus d’un quart de siècle ? Quel est son moteur, son carburant mental ?
Et tous vous conduisent au siècle dernier, au cœur de l’Europe, quelque part entre Budapest et la frontière roumaine, en plein royaume magyar, du côté du fleuve Tisza, là où l’Occident se dilue dans les brumes de l’Orient. C’est là que se niche, à l’extérieur, la quête identitaire du ministre de l’Intérieur. Le grand traqueur d’immigrés, l’homme qui vitupère la gauche pour son laxisme en matière de contrôle des frontières, est un homme qui vient du dehors. Par son père.
Un personnage hors du commun que le jeune Nicolas n’a jamais cessé de rechercher. C’est la thèse de Nicolas Domenach (Sarkozy au fond des yeux, éditions Jacob-Duvernet, 2004) et d’Anita Hausser (Sarkozy, itinéraire d’une ambition, éditions l’Archipel, 2003). Le syndrome de l’orphelin. Sarkozy est un homme en manque de père. Tout part de la légende d’un exilé venu de l’Est.
Pal Nagy Bogsa y Sarkozy, aristocrate hongrois, né à Budapest en 1928, vit dans un château, à Alatyan, à une centaine de kilomètres de la capitale. Sa famille possède des centaines d’hectares de terres et quelques usines. En 1944, l’invasion de l’Armée rouge provoque la fuite des Nagy Bogsa vers l’Autriche. A 20 ans, le jeune Pal ne veut pas rester dans cette zone si incertaine.
Il décide d’aller vivre en France. Il dessine plutôt bien et rêve d’exercer son art à Montparnasse. Le garçon a le tempérament d’un artiste. Pour organiser son départ, les siens le déclarent mort, et vont même jusqu’à reconnaître le cadavre d’un autre jeune homme, mort noyé dans un lac. Officiellement, donc, Pal Nagy Bogsa y Sarkozy est décédé.
C’est donc un fantôme qui fuit le communisme vers l’Ouest. Après un périple tumultueux, il rejoint Marseille et s’inscrit à la Légion étrangère, afin d’obtenir la nationalité française. Mais il découvre que les légionnaires sont envoyés en Indochine pour faire la guerre. Il se fait aussitôt réformer et saute dans le premier train en direction de Paris, sans un centime en poche, avec, pour seul bagage, un kilo de pain.
« Ah, oui, la légende du train… », soupire, dubitatif, Nicolas Sarkozy à ses interlocuteurs. Le patron de l’UMP a des doutes. Le château de son père ? En voyage en Hongrie, il n’en a pas retrouvé la trace. Là encore, la « légende » prétend que les communistes l’auraient rasé. Mais poursuivons : en 1948, Pal débarque à Paris, dans l’euphorie des années d’après-guerre. Les premiers jours, il vit comme un clochard, à la belle étoile. Pas très longtemps. Le jeune homme, grand séducteur, ne tarde pas à trouver des soutiens du côté du beau sexe. Il est grand, élancé, très bel homme. Il a un sourire ravageur et l’insouciance de ses 20 ans. Il trouve un job de dessinateur industriel chez Boussac, expose un temps ses croquis, puis atterrit dans la publicité.
Il additionne les conquêtes, jusqu’au jour où il s’éprend d’une jeune fille de bonne famille, Andrée Mallah, fille d’un chirurgien-urologue, juif d’origine de Salonique. Elle est étudiante en droit et ambitionne de devenir avocate. Pour lui, elle plaque tout. Ils se marient en 1960. Trois enfants naissent, Guillaume, l’aîné, puis Nicolas, le 28 janvier 1955, et François, le petit dernier. Tout paraît sourire à la famille. Pal vient d’ouvrir un studio de publicité et gagne beaucoup d’argent. Andrée est une mère aimante et très présente.
Mais le jeune marié n’a pas l’âme d’un père de famille. C’est un dandy invétéré, dilettante, absent la plupart du temps. Le couple ne résiste pas aux frasques de Pal le magnifique. Nicolas Sarkozy vit très mal la séparation de ses parents. A cette époque, les enfants de divorcés sont montrés du doigt, comme des animaux de foire. Il n’a que 5 ans et redoute le regard des autres. D’autant que, très vite, sa petite taille lui pose un problème. Il est le vilain petit canard, le gosse au patronyme dont les sonorités viennent d’on ne sait où. Sarkozy ? C’est de quelle origine, dites-vous ?
Le gosse découvre qu’il est, lui aussi, à sa manière, un exilé, comme papa, ce père qu’il chérissait tant et qui se révèle si peu adulte. Pal le versatile, après Andrée, se remarie trois fois. C’est un papillon, souriant toujours, courant d’une conquête à une autre, ayant peu de temps à consacrer à ses enfants. Nicolas en souffre terriblement, mais serre les dents. Pas question de se lamenter. Il admire sa mère, qui élève seule ses trois rejetons, reprend néanmoins ses études de droit et devient avocate.
Dadoue, comme ses enfants la surnomment, est une femme exemplaire, libérale, moderne, mais dure à la tâche. Ils vivent dans le XVIIe arrondissement de Paris, près du parc Monceau, dans l’hôtel particulier du grand-père, Bénédict Mallah, gaulliste ardent qui va entraîner son petit-fils dans le culte du Général.
A l’école des bons pères de Saint-Louis, près du parc Monceau, le gamin est turbulent, un peu rebelle. Il a un goût irrépressible pour les sucreries et les pâtisseries, en particulier pour les macarons. Il ne manque de rien. Il est un enfant des beaux quartiers. Et pourtant, à l’entendre, il a vécu l’enfer. « Ce qui m’a façonné, confesse-t-il, c’est la somme des humiliations d’enfance… Je n’ai pas la nostalgie de l’enfance parce qu’elle n’a pas été un moment particulièrement heureux. »
Réaction de son frère, Guillaume Sarkozy, ancien vice-président du Medef : « A l’entendre, c’était Germinal à peu de chose près… » Non, vraiment, personne dans la famille ne se souvient des souffrances du jeune Nicolas. Sans doute a-t-il enfoui durant toute son adolescence ce sentiment d’être une pièce rapportée dans l’univers ouaté des fils de riches de l’Ouest parisien.
« Ce qui est fascinant chez lui, résume un dirigeant de l’UMP, c’est cette soif de revanche qu’il a en permanence. Il semble n’être jamais rassasié de reconnaissance. Aujourd’hui, il est le candidat le plus solide, dans son camp, pour l’élection présidentielle. Et pourtant, il ne parvient pas à se calmer. Il a un besoin permanent d’être aimé, d’être rassuré. »
Les psychologues ont un nom pour qualifier ce comportement : le complexe du bâtard. L’homme en quête de légitimité n’aura de cesse de lutter tant qu’il ne possédera pas tout l’héritage. En politique, l’orphelin n’a jamais cessé de se chercher un père, ou un parrain. D’abord Achille Peretti, le vénérable maire de Neuilly-sur-Seine, à qui il succède en 1983, puis Charles Pasqua, le grognard, puis Jacques Chirac, le hussard, puis Edouard Balladur, le cardinal, puis encore Jacques Chirac.
« C’est ce qui nous surprend chaque jour, raconte un collaborateur de l’Elysée. Sarkozy revendique une filiation absolue avec le Président, frisant une jalousie maladive pour les autres dauphins, et, dans le même temps, il le combat sans cesse. Pour nous, son attitude est difficile à cerner. »
Est-ce vraiment si singulier ? Tous les hommes politiques ne sont-ils pas bâtis sur le même modèle, celui du narcissisme et du besoin effréné de séduire ? Au fond, Sarkozy n’est-il pas la copie conforme de Jacques Chirac ? Leur parcours n’est pas si différent. Le jeune Chirac a trahi Chaban le légitime en 1974, en jouant Giscard. Sans état d’âme. Sarkozy, le fils rebelle, a trahi Chirac vingt ans plus tard, en 1993, en se ralliant à Balladur. Même scénario.
Autre exemple : Chirac est entré dans les cabinets ministériels très jeune. Sarkozy est maire de Neuilly à 28 ans, alors qu’il habite encore chez Dadoue, sa maman. Sur la photo officielle, dans son fauteuil de maire, on a du mal à croire que le galopin est devenu le responsable d’une des villes les plus riches de France. Il a l’air d’un premier communiant. Il est pourtant déjà, paradoxe, un vieux militant gaulliste.
Dès qu’il a pris ses fonctions, « le gamin », comme le surnomme Chirac, n’a pas mené sa carrière tout à fait comme les autres. Il s’est constitué un formidable carnet d’adresses dans le show-business. Son arme fatale : Neuilly est la capitale de la variété française. A quelques encablures de la mairie, avenue du Général-de-Gaulle, se trouve l’ultra-moderne siège de la Sacem, la Société des auteurs et compositeurs de musique.
Toutes les stars viennent ici, un jour ou l’autre, chercher un chèque ou chanter dans le grand auditorium. Sarkozy devient un fidèle du lieu. Il joint l’utile à l’agréable : il adore lui-même chanter, se montre dans les concerts des chanteurs populaires, surtout dans les loges, où s’agglutinent les photographes des people. Il marie Johnny Hallyday, Michel Sardou, fréquente Christian Clavier, Jean Reno, Céline Dion, se lie d’amitié avec le compositeur de ritournelles guimauve Didier Barbelivien.
Objectif : exister dans la presse, apparaître le plus possible. Plus tard, il se montre souvent avec Karl Zéro, l’animateur de Canal +, avec qui il fait du karting, se fait inviter à l’anniversaire de l’animateur Arthur. Quand Tom Cruise vient à Paris, il est là pour la photo, malgré les réticences de son entourage, lequel reproche à l’acteur américain ses liens avec l’Eglise de scientologie. Sarko fait du vélo avec Michel Drucker. Sa soif de célébrité n’a pas de limite.
Elle est, bien sûr, la marque d’une stratégie de marketing politique savamment orchestrée. Le Petit Chose voit grand. Son omniprésence télévisuelle en fait une vedette, à son tour. Mais, malgré cette métamorphose, il reste pour beaucoup, selon la formule d’Alain Juppé, « le petit frère turbulent qui fait des bêtises ». Pour l’entourage de Jacques Chirac, son goût pour les people n’est pas nouveau.
Sarko roi des relations publiques, prince du coup de pub ? C’est même là-dessus que le leader gaulliste l’a remarqué en 1975 quand le « gamin » a organisé sa première grande manif « de jeunes », au Bourget, les 6 et 7 décembre, avec les vedettes de l’époque, Nicolas Peyrac, la chanteuse Joëlle et Thierry Le Luron. Et, clou de la journée, la présentation d’une… tarte géante de 3 mètres de long sur 2 mètres de large, pour fêter l’anniversaire de Guy Drut, le champion olympique du 110 mètres haies… Ringard ? Pas au milieu des années 70.
Pour les caciques gaullistes, c’était terriblement moderne. Le jeune Nicolas usait des armes de la publicité avant les autres. Depuis, il surfe sur cette vague avec frénésie. « Il fait la même chose avec les journalistes, dit un de ses proches. Il a besoin de les faire entrer dans son cercle personnel. Il veut les convaincre, puis se faire aimer. Il les tutoie le plus souvent, pour créer une relation intime, un peu à la manière de Bernard Tapie. Avec Cécilia, il a fait la même chose. Il a voulu que tout le monde l’aime. Il l’a exposée à toutes les caméras. Leur couple a brûlé pour cause de surexposition. C’est cruel… »
Nicolas Sarkozy débordé par la machine infernale qu’il a façonnée, celle d’un superman courant à perdre haleine devant les caméras ? Où va-t-il à si vive allure ? Que fuit-il ? Qui cherche-t-il à éblouir ? Est-ce le fantôme de ce jeune homme caché dans un train, entre Marseille et Paris, venant des brumes de l’Est ? Ses amis lui conseillent de se poser un peu, de se mettre en quarantaine, de réduire, pour quelque temps, l’exposition aux caméras. Pour provoquer à nouveau du désir. Sarko au régime médiatique ? Certains en doutent : peut-on encore sevrer un télé-addict ?
Serge Raffy (Challenges n° 9, octobre 2005, pp. 56-59)
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