L'hebdomadaire a dû modifier sa Une pour laisser de la place au ministre-candidat
Par rapport à ce qui avait été mis sur le site du « Journal du dimanche » hier, la Une de l'hebdomadaire en kiosques ce matin est différente et met davantage en valeur l'embarras de M. Sarkozy (qui attend l'intervention du président de la République ce soir à 20 heures) que le dernier sondage commenté depuis hier soir par tous les médias (les premières dépêches sont tombées vers 18 heures).
En effet, sous le titre « Ce que j’attends de Chirac », le ministre-candidat a choisi de s’exprimer avant l’intervention du chef de l’Etat. « S’il m’apportait son soutien, ce serait un événement politique important », peut-on lire en page 3… Le "candidat de la rupture" indique en passant « Si Jacques Chirac devait me soutenir, est-ce que cela voudrait dire que je lui ressemble ? Certainement pas, je n'ai pas toutes ses qualités ! » Flagornerie ou véritable besoin de soutien ? Apparemment, M. Sarkozy ne doute de rien, ajoutant « Si les Français me faisaient confiance, je ferais de la politique d'une façon différente (...) Je suis différent de Jacques Chirac. Mais je n'ai aucun doute : s'il devait ne pas être candidat, il fera tout pour que les idées dans lesquelles il croit triomphent », estime-t-il (et il s'explique aussi sur sa conception d'un Ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale, idée qui n'a le soutien que du Front national…) !
Certes, on le comprend. Mais, quels que soient les liens qui existent ou qui ont existé entre MM. Chirac et Sarkozy, les fonctions qu'occupent le premier obligent à un certain devoir. D'autant que la liste des candidats à l'élection présidentielle n'est pas encore connue (à ce jour, un seul candidat a déposé plus de cinq cents signatures). Elle le sera mardi en huit au plus tard.
Aujourd'hui, le président de la République enregistrera son allocution à 19 h 30. Pour qu'elle soit diffusée à 20 heures. Elle sera donc courte. Il semble donc exclu que le président, dont on dit qu'il écrit lui-même l'intervention qu'il fera ce soir et qu'il la réécrira dans l'après-midi, prenne ce soir une position tranchée.
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Voici l'éditorial paru en Une du JDD ce matin.
(Pour retrouver le débat lancé ce dimanche par le JDD et y participer, cliquer ici. Cette adresse n'est valable que durant la semaine. Après, il sera encore possible de participer au débat sur la règle des 500 signatures, mais en allant le chercher dans les archives du site.)
Grand écart
Et un Bayrou triomphant qui oblige à donner des gages au centre ; et un Le Pen menaçant qui contraint à des clins d’œil en direction de son électorat : la campagne de Nicolas Sarkozy ne va-t-elle pas finir par pâtir de ce périlleux grand écart ?
Question en apparence incongrue.
Le ministre de l’Intérieur ne fait-il pas, comme il aime à le dire, la course en tête ? Il est sorti vainqueur – parfois largement – de toutes les enquêtes d’opinion réalisées depuis la mi-janvier et son entrée en campagne. Il l’emporte chez les agriculteurs, les 18-24 ans, les catholiques, voire auprès des électeurs de banlieue.
Il bénéficie d’un potentiel de voix comme la droite n’en avait plus connu depuis 1969 et l’affrontement, au second tour, entre Georges Pompidou et Alain Poher. Bref, il est dans une situation si favorable qu’il a franchi sans trop d’encombre les premiers coups de tabac. Ainsi des contradictions rencontrées par le chiffrage de son programme économique. Ou, plus récemment, de ses changements de pied sur le dossier Airbus. Même les attaques « immobilières » du Canard enchaîné ne sont pas parvenues à le déstabiliser. D’autant moins d’ailleurs qu’elles ont été rapidement annihilées par une offensive du même type – et du même journal – sur le patrimoine de son adversaire socialiste. Tout irait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes sarkozystes...
Si Bayrou ne montait pas et si Le Pen ne tonnait pas. Le Béarnais d’abord, qui, après avoir fait son miel des déçus du ségolénisme sous les sourires goguenards des proches de l’UMP, grignote désormais à droite sous leurs regards contrits. Au point que les déboires de Ségolène Royal en arrivent presque à inquiéter. Et qu’une crainte diffuse s’installe : et si les électeurs de gauche, dans leur désir prioritaire de battre Nicolas Sarkozy, se ralliaient en masse à Bayrou, soudain considéré comme le mieux placé pour y parvenir ?
Le Pen, ensuite, qui est arrivé à convaincre (peut-être à tort) les sarkozystes que son absence serait fortement préjudiciable à leur champion. D’où les contre-attaques.
Le ralliement spectaculaire de Simone Veil (la femme, l’Europe, le centre) ; celui, espéré, de Valéry Giscard d’Estaing (le fondateur de l’UDF) et celui, qui se fait attendre, de Jean-Louis Borloo (le social) : voilà pour Bayrou. Le si controversé ministère de l’« Immigration et de l’Identité nationale » : voilà pour Le Pen et ses troupes.
Suffisant ?
Un franc soutien présidentiel ce soir aurait sans doute été bienvenu. Il est loin d’être acquis.
Jacques Espérandieu
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