Les messages sanitaires pour les consommateurs étaient de longue date dans les cartons
Nous mangeons trop ou trop mal, et ce n’est pas nouveau. Lorsqu’est parue il y a quelques jours une étude sur l’obésité, le ministre de la Santé Xavier Bertrand, par ailleurs porte-parole de Nicolas Sarkozy, annonçait une conférence de presse pour le 26 février (trois jours plus tard, le temps de laisser passer le week-end).
Dès le 26 au soir, les journaux télévisés nous ont abreuvés des décisions du ministre visant à obliger les industriels à mettre des messages dans leurs publicités.
L’ Union fédérale des consommateurs (UFC-Que Choisir) a rapidement dénoncé ces « petits arrangements avec la loi » par le biais du rédacteur en chef de sa revue en ligne, Jean-Paul Geai, dont voici l’éditorial d’hier :
ObésitéPetits arrangements avec la loi
Le puissant lobby agro-alimentaire a réussi à complètement édulcorer la loi imposant un message sanitaire aux publicités pour les produits alimentaires.
D'ici quelques jours, les publicités pour les produits alimentaires manufacturés et les boissons sucrées vont devoir s'affubler d'un message sanitaire. «Pour votre santé, mangez au moins cinq fruits et légumes par jour», «Évitez de manger trop gras, trop sucré, trop salé», «Pratiquez une activité physique régulière», «Évitez de grignoter entre les repas» : ces slogans doivent en effet désormais accompagner toutes les campagnes publicitaires des entreprises agro-alimentaires, quel qu'en soit le support (radio, télévision, presse écrite, affiches, prospectus). Celles qui dérogeront à cette règle devront s'acquitter d'une taxe de 1,5 % du montant de leur investissement publicitaire, au profit de l'Inpes (Institut national de prévention et d'éducation pour la santé). Cette obligation découle, avec plus de deux ans de retard, de l'application de la loi de santé publique du 9 août 2004. Par elle, les pouvoirs publics espèrent inverser la courbe de l'épidémie d'obésité qui affecte aujourd'hui plus de 12 % de la population, surtout les enfants. La réponse est pour le moins minimaliste et pas vraiment appropriée à l'ampleur du fléau. Pourtant, avant le vote de la loi, les experts de l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) comme ceux de l'Afssa (Agence française de sécurité sanitaire des aliments) étaient unanimes à réclamer une réglementation plus stricte, voire l'interdiction pure et simple des spots publicitaires vantant les aliments riches en graisses et en sucres qui entrecoupent les émissions pour la jeunesse à la télévision. Et de nombreuses études reconnaissent l'influence néfaste de cette pub télé sur l'équilibre alimentaire des enfants. Déjà peu exigeant, le texte a encore été sérieusement édulcoré par le travail de sape de l'agro-industrie. La loi a certes le mérite de faire le lien entre publicité et obésité. Mais, trop généraux, ces messages sanitaires seront-ils compris du jeune public ? Il est permis d'en douter. Plutôt que de suivre l'avis des experts en santé publique, à l'instar de la Grande-Bretagne ou de la Suède qui ont banni du petit écran les spots alimentaires en direction des enfants, la France a préféré céder aux sirènes des industriels.
Jean-Paul Geai
Le décret d’application du 27 février, paru au JO de ce matin, est ici.
Ces mesures bricolées à la hâte et annoncées à grand renfort de publicité étaient pourtant dans les cartons, puisque le magazine économique et technologique « L’Usine nouvelle » en date du 6 février, avait déjà annoncé le décret d’hier !
De qui se moque-t-on ? Le 27 février 1883, à l’occasion du repas des 81 ans de Victor Hugo, le journaliste et écrivain Edmond About (de vingt ans le cadet du poète en exil) avait prononcé un long discours en l’honneur de Victor Hugo. Et, dans sa réponse, le poète s’était laissé allé à ces mots : « C'est avec une profonde émotion que je remercie ceux qui viennent de m'adresser des paroles si cordiales, et que je vous remercie tous, mes chers confrères. Et dans le mot confrères il y a le mot frères. »
Je n’ai pas le talent de Victor Hugo, mais je constate que dans « consommateur », il y a « sommateur »… Jusqu’à quand va-t-on nous prendre pour des imbéciles à force de messages de dissuasion ? Ce ne sont pas des bonnes méthodes …
Fabien Abitbol
Dessin © Michaelski
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