Témoignage réflexion des Verts du 20e
Reçu ce mardi 23 janvier ce texte des Verts du 20e arrondissement. Un texte qui a été écrit avant le décès de l’Abbé Pierre. Ce texte est un témoignage nourri essentiellement des visites quasi quotidiennes des Verts 20e sur le terrain aux campeurs et de la réflexion qui s'est tenue à la Teinturerie 24 rue de la Chine le vendredi 19 janvier en présence de Mylène Stambouli, adjointe au maire de Paris chargée de la lutte contre l'exclusion et qui a été très présente sur le terrain.
Cinq semaines ont passé depuis que se sont installées les tentes des SDF des deux côtés du canal Saint-Martin à l'initiative des « Enfants de Don Quichotte ». Les relais médiatiques ont fait que cette action collective s'est répercutée bien au-delà des limites de l'Hexagone.Est-ce à dire que tout cela s'est opéré miraculeusement ? Bien sûr que non : l'action conjointe, durable, ingrate et silencieuse de quantité d'associations d'aide aux mal-logés et aux Sans Domicile Fixe n'est pas étrangère à l'irruption soudaine de la question à la une de l'actualité ; mais il a fallu sa mise en scène en quelque sorte pour qu'on en parle. C'est ce qu'ont réussi « Les Enfants de Don Quichotte ».
Roger Vailland écrivait : "comme la pâte qui lève, comme le pain qui se dore ... les révolutions éclatent". Pour ça il faut que le boulanger enfourne ; ici, ce n'est pas une révolution mais une première où « Les Enfants de Don Quichotte » n'ont fait que prendre l'initiative de fédérer des exclus qui n'en demandaient pas plus pour mettre fin à la négation de leur existence par la société.
Quoi, une association naissante s'attaquer à une question aussi complexe en pleine crise du logement ? Le scepticisme de beaucoup a été vite balayé par la solidarité mise en pratique par les campeurs entre eux et leur auto-organisation rendue encore plus efficiente par les solidarités venues immédiatement de l'extérieur : celles de voisins du canal et de militants habituels ou de circonstance fournissant aide matérielle et présence (nuits sous la tente, simples visites, participation aux veilles de nuit, etc.)
Un souci des campeurs a été immédiatement d'éviter à tout prix la récupération politique. Elle ne s'est pas produite en effet, mais si les sigles des partis n'ont jamais été brandis, nos éluEs VertEs à la Mairie de Paris et leurs collaborateurs méritent un coup de chapeau : vacances ou pas vacances, ils étaient là quand on avait besoin d'eux/elles et leur efficacité a été admirable et probablement déterminante. C'est leur action combinée à celle des agents municipaux qui a permis la possibilité d'une installation du campement sur une durée importante : installation de toilettes, enlèvement des ordures, ouverture toute la semaine des bains-douches dont les employés ont proposé d'effectuer bénévolement les heures supplémentaires ... Ajoutons-y la présence suivie de nombre de militantEs VertEs qui, avec d'autres, rendent régulièrement visite à des êtres humains habitués à demeurer « invisibles » et qu'enfin leurs semblables « voient ».
Nous qui avons vécu ces cinq semaines avec les campeurs mesurons combien leur mouvement solidaire et nos visites ont transformé - à mesure qu'ils recouvraient leur dignité - ceux que, par affinité, nous avons été amenés à connaître un peu mieux que les autres.
Est-ce que le relogement en cours des 280 campeurs va tout régler ? Non ; et la loi sur le droit au logement opposable va nécessiter du temps pour être appliquée. Dans les négociations avec le gouvernement, il a été acté qu'une part des logements sociaux attribués par le 1 % patronal sera réservée à des salariés précaires sans domicile et ce sont ces logements qui permettent aujourd'hui la sortie des personnes sous tente du canal Saint-Martin, soit directement, soit par l'attribution de ces logements à des salariés en CHRS (centres d'hébergement et de réinsertion sociale) qui libèrent ainsi des places. Ajoutons-y d'autres réponses comme ce « lieu de vie » à la la gestion duquel ses habitants participeront après avoir fait, sur les bords du canal, la démonstration qu'ils étaient capables de se prendre en charge – ce qui n'est pas pour eux, ni pour nous politiquement – un simple détail.
Pour beaucoup des campeurs, l'assurance d'un toit va permettre un soulagement (1/3 de ces SDF ont un travail) ou un nouveau départ (certains employeurs exigent d'avoir l'adresse de leurs salariés) ; restent ceux que l'exclusion a brisés (alcool, maladies physiques ou psychiques ...). Chacun des 280 du canal bénéficiera en principe d'un référent social. Ce n'est pas rien. Reste à vérifier le suivi des engagements gouvernementaux à l'égard de ce mouvement inédit qui d'ores et déjà restera comme l'événement social de ce début d'hiver.
Daniel Dayot & Hakim
(Les Verts XX°)
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