Mardi 15 avril, à 8 heures, une centaine de travailleurs sans papiers ont investi le siège de l'organisme de formation des entreprises de nettoyage Faf Propreté, à Villejuif (Val-de-Marne). Au même moment, une vingtaine d'ouvriers en situation irrégulière occupaient un chantier dans le 13e arrondissement de Paris. Dans l'Essonne, à Wissous, une quinzaine de salariés sans titre de séjour manifestaient sur leur lieu de travail, une filiale de Chez Papa, dans le 10e arrondissement, et huit autres de Pizza Marzano, dans le 9e, devaient occuper leurs établissements. Près de 300 travailleurs sans titre de séjour se sont mis en grève illimitée, le même jour, dans cinq départements de l'Ile-de-France, occupant le siège de plus d'une dizaine d'entreprises. Un mouvement qui a été organisé et coordonné par la CGT.roprete.com/">Veolia propreté. A 9 heures, une quarantaine de salariés de Millenium, société de nettoyage industriel, occupaient eux aussi leur entreprise, située à Igny, toujours dans l'Essonne.
Africains pour la plupart, les salariés ont tous un contrat, mais ils ont été embauchés en présentant de faux papiers. D'autres viennent d'être licenciés quand leurs patrons ont « découvert » qu'ils n'étaient pas en règle. Tous cotisent, possèdent une http://www.sesam-vitale.fr/index.asp carte Vitale, une feuille d'imposition, mais pas de titre de séjour. « C'est pour cela qu'on fait grève », scande Ousmane Kane, 30 ans, un des cinq grévistes du magasin Casa Nova en Seine-Saint-Denis.
L'opération est préparée depuis des mois par Raymond Chauveau, secrétaire général depuis deux ans de la CGT à Massy (Essonne). Il a l'expérience des grèves de sans-papiers pour avoir mené avec succès celles de la blanchisserie Modeluxe, en octobre 2006, 22 régularisations, et du restaurant Buffalo Grill, en juillet 2007, avec 22 autres régularisations. Enfin, en février, sept cuisiniers du restaurant parisien La Grande Armée ont obtenu aussi des papiers après une grève avec occupation. A chaque fois, les travailleurs en situation irrégulière en ont profité pour dénoncer des conditions de travail intolérables.
« Ça craque de partout »
« Notre seule arme, c'est la parole, explique Kouma Bakar, 37 ans. Nous sommes de véritables esclaves. Nous ne voulons pas voler pour manger, mais vivre à la sueur de notre front. » Les grévistes veulent retrouver leur « dignité » avec un slogan : « On bosse ici, on vit ici, on reste ici. » Pour Francine Blanche, secrétaire confédérale de laCGT, « notre action a pour but de montrer qu'une bonne partie de l'économie de la région repose sur des employés sur exploités ».
La plupart de ces sans-papiers ont découvert à « la télé » qu'une grève peut conduire à une régularisation. « Pourquoi pas nous ? », explique Issaga Traoré, 39 ans, cuisinier au restaurant Chez Papa. Ils ont donc décidé de rejoindre la CGT. A Massy, plus de 600 sans-papiers ont maintenant leur carte. Ils étaient 400 en février.
Près de 150 bénévoles et militants ont été mobilisés pour encadrer les « camarades ». « C'est le bon moment, se félicite M. Chauveau. Ça craque de partout. Les patrons demandent même qu'on régularise les travailleurs. » Et les Africains osent désormais se montrer. « Je ne veux plus vivre en cachette », martèle Mamoudou Sissoko. « Ils en ont marre de leur situation », assure M. Chauveau.
Le but de cette opération, c'est la régularisation de « tous les travailleurs sans papiers ». La CGT veut traiter directement avec Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, et Xavier Bertrand, ministre du travail. La consigne est claire : pas de négociations avec les préfectures.
L'action se prépare depuis le début de l'année. Rien n'a filtré. Pas un mot sur l'opération n'a été prononcé via un téléphone portable, au cas où la police écouterait les conversations. Il fallait éviter à tout prix les fuites. Quelques travailleurs sans-papiers seulement ont été dans la confidence et ont pu assister aux réunions préparatoires.
Lundi 14 avril, à la veille de la grève, un SMS collectif leur a été envoyé avec un lieu de rendez-vous et une heure précise. « C'est une organisation à la française, l'heure c'est l'heure », insiste M. Chauveau. Il faut se munir de sa brosse à dents, de son téléphone cellulaire avec des recharges, de sa carte CGT… Et ne pas oublier les preuves, celles qui attestent que le patron savait qu'il employait un sans-papiers. « Moi j'ai des fiches de paie avec deux numéros de sécurité sociale », lance l'un d'eux. M. Chauveau sourit : « Très bien, amène. »
Mustapha Kessous, pour Le Monde
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