Noirs de France, le documentaire en trois volets réalisé par le journaliste documentariste Juan Gélas et l’historien, spécialiste du fait colonial Pascal Blanchard démarre ce soir sur France 5 à 22 heures. Les trois épisodes de ce qui s’annonce comme l’un des documentaires phares du premier semestre sur la chaîne du savoir sont programmés pour les dimanches 5, 12 et 19 février, avant la sortie du DVD le 20 février.
France, pays de paradoxes. Une seule députée noire élue en France métropolitaine siège depuis 2007 à l’Assemblée: c’est George Pau-Langevin, qui avait son cabinet d’avocat dans le 20e arrondissement et a été élue dans la circonscription couvrant la plus grande partie de cet arrondissement. Pourtant, se plaît à rappeler Pascal Blanchard, Gaston Gerville-Réache (dont la fiche à l’Assemblée nationale précise qu’il était un “homme de couleur”) était vice-président de l’Assemblée nationale en 1904, un siècle plus tôt. Et les personnalités préférées des Français en ce début 2012 sont Yannick Noah, Zinedine Zidane et Omar Sy. «Allez expliquer ça en deux minutes trente à un Japonais!», résume l’historien, comme pour justifier la nécessité des trois épisodes qu’il a concoctés, en cinq ans de travail, avec Juan Gélas.
Juan Gélas, lui, est revenu en France en 2006, après vingt années passées en Grande-Bretagne. Un peu déconnecté à l’époque de la réalité française, il avait entendu parler des émeutes de 2005, encore toutes fraîches.
L’un comme l’autre, autour d’un verre dans le sous-sol d’un bar du centre de Paris, expliquent les difficultés rencontrées pour se procurer des images d’archives de Aimé Césaire. Malgré le Cahier d’un retour au pays natal (1939, certes, mais avec une réédition dès 1947), malgré son mandat de maire de Fort-de-France (depuis 1945), et son mandat de député (depuis 1945 aussi), ce n’est qu’auprès du Parti communiste français, qu’il représenta de 1945 à 1956, qu’ils parvinrent à trouver de la matière pour illustrer leur travail de mémoire.
Agrémenté d’une trentaine d’intervenants représentant les différents milieux de la «France noire» (Manu Dibango, Pascal Légitimus, Jacob Desvarieux, Audrey Pulvar, Lilian Thuram, JoeyStarr, Christiane Taubira, Harlem Désir…), le documentaire est présenté de façon linéaire:
• Le Temps des Pionniers (1889-1940), diffusion le 5 février sur France 5, vidéo disponible ici jusqu’au 12 février;
• Le Temps des Migrations (1940-1974), diffusion le 12 février sur France 5, vidéo disponible ici jusqu’au 19 février;
• Le Temps des Passions (1975 à nos jours), diffusion le 19 février sur France 5, vidéo disponible ici jusqu’au 26 février.
En retraçant la construction de l'identité noire française, ou des identités, cette série donne la parole à la fois aux acteurs et aux héritiers de cette histoire, par exemple avec, au premier épisode, l’humoriste Pascal Légitimus, dont un ancêtre, Hégésippe Légitimus, fut député de la Guadeloupe de 1898 à 1914.
La date du début du premier épisode (1889), correspond à l'exposition universelle de 1889, où des “nègres” étaient présentés sous la Tour Eiffel.
Cette histoire, c’est celle de quelques millions de nos concitoyens, qui réclament juste un peu plus de visibilité dans la société.
La programmation de Noirs de France intervient juste deux ans après celle de Musulmans de France, sur France 5 également, en trois volets également, et une année électorale aussi. Les trois volets de Musulmans de France avaient été diffusés le même soir, avec une moyenne de quatre cent mille téléspectateurs.
Fabien Abitbol
Pour suivre (et/ou commenter) l’émission en direct sur twitter, le tag est #Noirs2F
A l’occasion de la sortie de «France noire, trois siècles de présences» (Éditions La Découverte, nov. 2011. 360 pages, 59€), lire dans L’Humanité un entretien avec Pascal Blanchard, par Marie Barbier
Le coffret de deux DVD sera disponible le 20 février à la boutique FranceTV. Outre les trois épisodes du documentaire, il contient La Revue des revues, de Joe Francis et Alex Nalpas (1927), sur Joséphine Baker aux Folies Bergère (version restaurée par Lobster films en 2005). Prix: 24,99€, en précommande aussi à la FNAC ou sur Amazon.
À voir
Rédigé par : Bembelly | 05/02/2012 à 20h20
Il y a hélas une logique à cela : il ne faut pas seulement se focaliser sur la couleur. Combien d'ouvriers, de paysans, de simples employés siègent au Parlement ? Combien de chômeurs ? La réponse est là, plus vaste. N'ont le droit à apporter leur éloquence et leur connaissance de leur milieu que ceux, à de rares exceptions près, qui vivent "plutôt bien" voire "très bien" : ces derniers représentent même une infime minorité, ils ne sont pourtant pas les moins nombreux.
Oui, être noir est un handicap, mais même un "blanc" issu du Val Fleuri ou des Minguettes aura du mal, beaucoup de mal à devenir un représentant de ce peuple qu'il connaît si bien.
Rédigé par : Achar | 06/02/2012 à 06h18