Un second tour devra conforter (ou pas) le président Gbagbo
Dans un long entretien accordé au JDD, le président Gbagbo revient sur le fiasco de la dernière virée ivoirienne du juge Ramaël dans le cadre de l’enquête sur la disparition en avril 2004 du journaliste Guy-André Kieffer (GAK, lire ici ce qu’en disait son frère). Publié le 29 octobre et mis à jour le dimanche 31 —jour des élections en Côte d’Ivoire— cet entretien réalisé «en début de semaine» dernière au palais présidentiel, mêle bilan économique, négociations avec l’Elysée, par l’intermédiaire de Claude Guéant, secrétaire général de la Présidence, «entre gens civilisés», allusion au passé tumultueux avec Dominique de Villepin et Jacques Chirac, et… affaire Kieffer.
Affirmant souhaiter «que les choses s'éclaircissent» au sujet de la disparition de GAK, le président Gbagbo indique aussi avoir reçu les « deux femmes » de GAK, comptant vraisemblablement —outre son épouse notre voisine Osange Silou-Kieffer— une femme ghanéenne dénommée Atta Afua, jamais mariée à GAK, et décédée depuis plusieurs années (lire à ce sujet le dossier de André Silver Konan).
Morceaux choisis du JDD :
«L'Affaire de la disparition de Guy-André Kieffer continue de peser dans les relations avec la France. Le juge Ramaël, chargé de l’enquête, n'a pas pu rencontrer ses homologues ivoiriens lorsqu'il est venu en début du mois...
Ca c'est son problème, ce n'est plus le mien. Au début, quand on m'a dit que ce monsieur avait disparu, j'ai mobilisé toutes les forces, la gendarmerie, la police. J'ai aussi reçu ses deux femmes. Mais je me suis rendu compte que le juge Ramaël utilisait cette affaire à des fins politiciennes. Donc je m'en suis lavé les mains. Il n'a qu'à se débrouiller tout seul.Vous ne souhaitez pas faire la lumière sur cette disparition?
Bien sûr que je souhaite que les choses s'éclaircissent. Plus tôt la lumière sera faite, plus tôt ce juge-là nous fichera la paix! Je ne comprends pas pourquoi il veut absolument que des personnalités ivoiriennes aient participé à l'enlèvement de M. Kieffer.Certains de vos proches sont effectivement mis en cause…
Eh bien que l'on porte plainte contre eux. Je ne sais pas qui est plus intéressé par les retombées de la filière café-cacao (Sur laquelle enquêtait Guy-André Kieffer) que moi, le chef d'Etat de la Côte d’Ivoire. On n’a pas de leçons à recevoir de l'extérieur. Je ne suis pas un homme d'argent et je n'ai pas envie de l'être. Je ne suis pas un voleur et je n'ai pas envie de l'être. Donc, je ne veux couvrir aucun voleur. Si nous découvrons qu'il y a des malversations chez nous, nous sommes assez grands, nous, Ivoiriens, pour nous y attaquer.»
Rappelant une partie des contrats en cours avec la France, Laurent Gbagbo ne semblait pas douter de sa réélection, puisqu’il disait au sujet du contrat de distribution d’électricité avec Bouygues: «Je pense que ce contrat que j’ai signé en 2005 n'est pas très bon. Après les élections, on va donc pouvoir le relire ensemble.»
Sur son surnom de «boulanger», question: On vous surnomme le boulanger d'Abidjan, pour votre capacité à rouler vos adversaires dans la farine. Vous appréciez?
Réponse: J'en suis content. Tous les dirigeants politiques qui ont marqué leur époque ont hérité d'un surnom. Le mien veut dire qu’au fond, je suis plus fort que mes adversaires.
Sur le précédent président français: Jacques Chirac vous l'avez roulé aussi?
In fine peut-être. Chirac, il ne savait pas que je comptais les jours jusqu'à son départ. Je connais bien la Constitution française et je savais combien de temps il lui restait. Je comptais vraiment les jours.
Sur l’avenir: Si vous êtes élu, allez-vous redéfinir un nouveau partenariat avec Paris?
On a déjà commencé à discuter avec Claude Guéant. C'était une discussion encourageante entre gens civilisés.
(Intégralité du JDD à lire ici)
Intervenant hier dimanche au 19/20 de France3 Rhône-Alpes, Bernard Kieffer, frère cadet de Guy-André Kieffer et partie civile dans le dossier, a réagi amèrement à l’entretien publié par le Journal Du Dimanche. La séquence du journal TV régional est à visionner ici (durée : 2 min.) Bernard Kieffer revient également sur le dernier reportage diffusé vendredi par le 19/20 national et dont j’avais fait état ici. Il souhaite désormais pouvoir «faire le deuil de l’affaire», pour lui et pour sa famille, quel que soit le résultat des élections. (Paragraphe ajouté le 1er 11 2010 à 14h45)
A Bagneux, en proche banlieue ouest de Paris, de nombreux policiers français surveillaient les opérations électorales.
Photo : Hélène Luder
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A l’heure où ces lignes étaient écrites, le premier tour de l’élection présidentielle, où s’affrontaient quatorze candidats, était terminé. Pour ce scrutin présidentiel, le premier en dix ans dans un pays miné depuis une tentative de coup d'Etat en 2002, la Commission électorale indépendante (CEI, site ICI) doit proclamer les résultats mercredi. Le décompte des bulletins de vote se fait sous deux systèmes, l’un électronique l’autre manuel. Selon toute vraisemblance, on s’oriente pour la fin novembre vers un second tour opposant les deux candidats dont la campagne aura été la plus animée : le président sortant Laurent Gbagbo et l’ancien Premier ministre Alassane Ouattara.
En région parisienne, 11500 Ivoiriens ou binationaux étaient appelés aux urnes dans 28 bureaux de vote, dans la confusion, explique ici France 24, décrivant des bureaux avec des «urnes déjà pleines» sans qu’il y ait eu vote, ou «à peine une cinquantaine» de bulletins au Consulat ivoirien à paris. 18 des 19 membres de la CEI demandent l'annulation des élections en France, signale Le Parisien.
F. A.
La Côte d’Ivoire vote pour tourner la page (Reuters, dimanche 31 octobre, 20h00)
Le dossier élection sur le site de France 24.
Le dossier Kieffer sur ce blogue
A réécouter: la disparition de Guy-André Kieffer sur France Inter (Rendez-vous avec X, 23 octobre 2010)
Il est amusant de constater la propension, très politicienne elle, qu'ont certain responsables de cacher leur embarras coupable par les déclarations bruyantes de leur victimisation.
Rédigé par : Tita | 01/11/2010 à 09h59
pourquoi cette fixation sur GAK alors que dans ce pays qui a connu la guerre les morts se comptent par centaines? Laissez-le reposer en paix
Rédigé par : samatu | 02/11/2010 à 10h46
@samatu,
les morts se comptent par centaines, hélas. dans ce cas précis, il s'agit d'une disparition non encore élucidée, c'est tout.
relisez, si vous en avez la patience, l'ensemble du dossier de ce blogue.
@Tita,
amusant? je n'emploierais pas ce terme. mais comprends, je pense, de quoi il s'agit.
Rédigé par : Ménilmuche | 02/11/2010 à 13h35