Le magazine Jeune Afrique, en vente depuis ce lundi 28 décembre (exceptionnellement pour deux semaines), publie un entretien avec le président ivoirien Laurent Gbagbo. Ce dernier, alors que se profilent des élections repoussées pour la sixième fois en quatre ans, revient sur la disparition en avril 2004 de notre voisin le journaliste Guy-André Kieffer et fait montre d’un grand optimisme.
Dans le cadre du volet français de l’enquête sur la disparition de Guy-André Kieffer, le 16 avril 2004 à Abidjan, la Cour pénale internationale (CPI) a été saisie par le juge parisien Patrick Ramaël d’une demande d’entraide judiciaire (lire ici). A plusieurs reprises, des proches de Laurent Gbagbo ont été cités dans le dossier, comme le ministre Bohoun Bouabré (aujourd’hui au Plan, à l’époque des faits aux Finances) ou encore Simone Gbagbo, l’épouse du président, dont un beau-frère, Michel Legré, est cité tant dans le dossier français que dans l’ivoirien (lire à ce sujet le récapitulatif de André Silver Konan).
Jeune Afrique interroge Laurent Gbagbo spécifiquement, dans l'une de ses questions, en nommant Bertin Kadet (ancien ministre de la Défense, dont l'AFP avait fait état le 4 décembre en relayant l'information sur la saisine de la CPI) et Simone Gbagbo.
Dans Jeune Afrique, Laurent Gbagbo « ne pense pas que l’on éprouvera un jour l’impérieux besoin de créer une commission d’enquête sur ce cas précis, aussi regrettable qu'il soit », qui, de son point de vue, « émeut beaucoup plus les Français que les Ivoiriens ». Et le président Gbagbo de s'interroger : « Pourquoi s'acharne-t-on à démontrer que la disparition d'un citoyen lambda, fût-il français, est reliée à la présidence de la République ? (…) Lorsque j'étais étudiant à Lyon en 1967, j'ai connu un Ivoirien qui a disparu et que nul n'a jamais revu. Personne n'a accusé le général de Gaulle ».
Alors qu’il ne savait pas encore que la CPI avait été saisie, le président Gbagbo avait déclaré sur France24 dans un entretien enregistré qu’il ne voyait « pas de problème » dans le dossier Kieffer, mais mettait en garde contre une exploitation « politique ».
Confiant par rapport aux sondages qui, selon lui, le donnent gagnant, Laurent Gbagbo estime que si les choses vont mieux, c’est parce qu’à Paris, « le temps du mépris à [son] égard paraît être révolu ». Il précise avoir aujourd’hui une relation « normale » avec le président Nicolas Sarkozy, accuse Jacques Chirac d’avoir été « hypocrite » et regrette que le Parti socialiste français ait « failli à son devoir et à ses engagements ».
Le 23 août 2007, le président Nicolas Sarkozy a reçu à l’Elysée une partie de la famille Kieffer. « Cette affaire est une priorité pour la France », avait-il dit selon Bernard Kieffer, frère cadet de Guy-André, ajoutant : « Je ne normaliserai pas les relations avec la Côte d'Ivoire tant qu'elle ne sera pas réglée ».
Ce noble engagement du président Sarkozy ne s'est guère
concrétisé, bien au contraire. En effet, la France a procédé ce mois-ci
— et sans aucune contrepartie judiciaire connue — à une restructuration de la dette de la Côte d’Ivoire. Sans doute faut-il voir là une
illustration de ce que l’historien Emmanuel Todd évoquait dans un entretien au Monde daté du 27 décembre : « la capacité à dire tout
et son contraire, cette caractéristique du sarkozysme ».
F. A., photo Jeune Afrique
• L’intégralité de l’interview de
Laurent Gbagbo est à lire dans l'édition papier de Jeune Afrique n°2555-2556, en vente en
kiosques jusqu’au 9 janvier 2010.
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