Il n’est pas difficile de comprendre la décision
déchirante à laquelle doivent faire face Benyamin Netanyahu et les membres de
son gouvernement. Il serait très difficile d’admettre une décision négative de
leur part. Gilad Shalit doit être libéré quel qu’en soit le prix, d’autant que ce coût est
en vérité plus faible que celui qu’avancent ceux qui s’opposent à cette
libération.
Il s’agit de la libération de centaines de palestiniens, environ dix pour cent des palestiniens actuellement emprisonnés. Certains sont des prisonniers pour toutes sortes de raisons, parmi eux se trouvent des femmes et des jeunes gens.
Les plus coupables d’entre eux ont déjà accompli de
longues peines de prisons. L’écrasante majorité d’entre eux ne retourneront pas
à l’action terroriste, ils tenteront plutôt de passer le reste de leur vie en
liberté.
Oui, il y aura de plus en plus de terroristes à l’avenir, avec ou sans la libération de ces centaines de prisonniers, si l’occupation et ses dérives continuent. C’est cela la véritable infrastructure des mouvements terroristes, et cela ne dépend pas des prisonniers qui feront partie de l’accord d’échange.
Une génération de palestiniens après l’autre combattra à sa manière pour sa liberté et générera de plus en plus de terroristes. Le seul moyen efficace de réduire l’activité terroriste, si ce n’est de la marginaliser totalement, est d’en éteindre le moteur, l’occupation.
Que Mohammed, Ahmad ou Marwan soient libérés ou non, qu’ils soient exilés ou non, le niveau de danger provenant de nos voisins continuera de dépendre de la liberté de la nation palestinienne tout entière, et non de la liberté de quelques centaines de personnes.
De tous les arguments s’opposant à la libération de ces prisonniers palestiniens, le plus fallacieux est celui de la « perte de pouvoir dissuasif » : même après application d’un accord, les Palestiniens feront tout ce qu’ils pourront pour capturer plus de soldats. Après tout, Israël leur a montré que c’est le seul moyen d’obtenir la libération de leurs camarades emprisonnés.
De même que la position intransigeante d’Israël concernant Ron Arad a échoué à dissuader d’enlever d’autres soldats, de même, l’entêtement d’Israël concernant le soldat Shalit échouera à prévenir d’autres cas de ce genre. Si Israël ne détenait pas près de dix mille prisonniers palestiniens, dont certains subissent des peines disproportionnées et n’ont aucun espoir d’en sortir autrement que par la violence, la motivation d’autres palestiniens pour enlever des soldats baisserait.
Qu’Israël décide ou non d’appliquer un accord d’échange, cela ne changera pas la situation générale du conflit mais seulement la vie de Gilad Shalit et des palestiniens qui seront élargis. Ce sont les seules questions en jeu, et non pas la sécurité ou la souveraineté d’Israël.
Le dilemme est simple : voulons-nous voir revenir Gilad Shalit à la maison ? vivant ou mort ? Etre ou ne pas être, telle est la question. C’est pourquoi le gouvernement doit approuver cet accord. Il est difficile de demander aux Israéliens, tourmentés par la captivité de Shalit, de prendre en considération les sentiments des Palestiniens. Mais ils le devraient, ou du moins, ils devraient essayer.
Des centaines de prisonniers sont enfermés dans des conditions sinistres, ceux provenant de Gaza sont emprisonnés pour des années sans aucune visite de famille, ni même un coup de fil en provenance du foyer.
Et aucun d’eux n’a de sang sur les mains. La possibilité de leur élargissement devrait aussi susciter de la compassion dans nos cœurs, aussi fou et outrancier que cela puisse apparaître aux Israéliens les plus obtus.
Ce n’est pas un hasard si seules les familles de prisonniers palestiniens ont exprimé l’espoir de voir Shalit libéré, en plus de l’espoir de voir la libération de leurs propres enfants. Ce fut tellement déchirant que nous n’avons entendu aucune parole de ce type de notre coté, même de la part de la famille Shalit.
Mais Gilad Shalit et les prisonniers palestiniens ne sont pas seuls, sept millions d’Israéliens et trois millions et demi de Palestiniens ont été emprisonnés pendant 42 ans dans une cave noire du fait de la poursuite de l’occupation. Si le caractère tumultueux des Israéliens, si fortement mobilisé dans la campagne pour la libération de Shalit, avait été utilisé de la même manière pour lutter afin d’en finir avec l’occupation et ainsi libérer les deux peuples, Israéliens et Palestiniens de ce joug, les choses seraient déjà différentes.
Au regard de l’immense (et tout à fait appropriée) sensibilité et le souci dont a fait preuve la société israélienne pour la vie d’un homme et pour sa liberté, il est temps de penser à appliquer la même sensibilité, la même détermination, le même engagement et le même souci envers l’avenir de dix millions d’hommes et de femmes, Israéliens ou Palestiniens. S’il est vrai qu’eux peuvent voir la lumière du soleil qui se lève le matin, leur avenir n’en est pas moins enfermé dans l’obscurité.
La même négociation intensive, la même pression de l’opinion publique, les mêmes tracts, ballons, pétitions, autocollants et défilés, de semblables tentes installées dans les lieux publics et la même manifestation contre la poursuite de l’occupation nous auraient apporté une meilleure situation, qui pourrait nous éviter des prises d’otages comme celle de Gilad Shalit. Mais d’abord, Shalit doit être libéré, et maintenant.
Par Gidéon Lévy, lire la version originale dans le Ha’aretz du 22 décembre, traduction de David Chemla pour La Paix Maintenant. David Chemla est notamment l'auteur de Bâtisseurs de paix (Liana Levi, 2005).
è Le dossier Salah Hamouri sur le site Internet de l’Humanité
è Affaire Shalit: le médiateur allemand a remis la réponse d'Israël au Hamas
Incongru d'appeler "terroristes" ceux qui luttent contre une occupation par un pays coupable de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, non ?
A une autre époque on les appelait "résistants".
Rédigé par : raannemari | 24/12/2009 à 10h55