Du
17 au 19 septembre se tenait à La Bellevilloise, rue Boyer, dans le 20e, le festival
« Portfolio #1 » (premier du genre, comme son nom le suppose), centré
sur la bande dessinée. Tout un programme autour du caractère typographique Helvetica : débats, conférences, concerts. Joli coup culturel pour La Bellevilloise qui a prévu de s'implanter en Poitou-Charentes, même si ce n'est pas Angoulême… Prochain concert illustré, ce
dimanche 18 octobre, à La Bellevilloise, en attendant un probable
« Portfolio #2 » en 2010.
Le lieu, tout d’abord, se prêtait bien à
l’évènement. Deux grands espaces et plusieurs plus petits accueillent divers
univers qui se mélangent plus ou moins.
Au rez-de-chaussée, au forum, les arts
graphiques, une librairie, une fresque peinte en direct par un collectif de
peintres et de graffeurs, des expos d’artistes, un tampographe fou, un graveur
patient, un autre électrique, des tables rondes, et les concerts illustrés. Pas de raton laveur. L'occasion, au milieu des tables et dans une ambiance bon
enfant, d'une discussion surréaliste mais passionnante avec Kiki et Loulou
Picasso (en grande forme).
La BD était installée au premier étage,
dans le loft, centrée sur un grand carré de tables où s’effectuent les
signatures. Autour, des illustrateurs, des fanzines, un grand tableau à
colorier, des art toys (dont un, géant, peint en direct devant nous par des
artistes) et des pliages astucieux. Ambiance chaleureuse, amicale, passionnée,
confraternelle, et pas trop sérieuse, permettant de bons échanges entre
visiteurs et exposants. Et une rencontre (enfin) pour de vrai avec des
dessinateurs et des illustrateurs découverts sur les réseaux sociaux.
Dans de petites salles, des films (dont
le fameux Helvetica, de Gary Hustwit,
qui montre preuve à l'appui l’importance qu'a prise l'Helvetica dans notre vie
quotidienne en cinquante ans), un concours de strips en trois cases, des lieux
de lecture pour les enfants, qui sont à la fête, et au hasard des
pérégrinations une halte sur la terrasse de la Bellevilloise qui accueille
conversations et confidences nocturnes.
Et l’équipe d’organisation, l'association
WYSIWYM, même contrariée par des
soucis matériels, a su rester disponible et
accueillante.
Expo
Serge Clerc
J’ai bien regretté de ne pouvoir être là
dimanche pour voir Serge Clerc en chair et en os. Mais l’exposition était superbe, et elle m’a
permis de comprendre grâce aux crayonnés ce qu’est réellement la ligne claire
selon Serge Clerc : une maîtrise extraordinaire du trait avant tout. Comme
Philippe Manœuvre, qui a été son scénariste, Serge Clerc est arrivé tout gamin
dans le monde des médias. Le voir grandir sans rien renier de cette part
d'enfance est magnifique. Il a réalisé l'affiche de la manifestation.
A mon grand regret, je n'ai pu voir non
plus Benoit Peeters et Jean-Luc Fromental, présents également dimanche.
Expo « les 50 ans de l’Helvetica »
Avec « un peu » de retard,
Portfolio célèbrait les cinquante ans du caractère Helvetica créé par Max Miedinger en 1957. Moderne et classique à la fois, ce caractère est
aujourd’hui omniprésent dans notre environnement. Il a conquis la signalétique
des villes et des lieux publics, la publicité, des marques. C’est aujourd’hui
une institution. Il participe à cette esthétique invisible qui fait le tissu de
notre univers visuel et de notre quotidien.
Conférences et tables rondes
Plusieurs tables rondes ont permis de
débattre sur des sujets aussi divers que l’économie des arts graphiques, les
rapports entre la BD et Internet, la typographie dans tous ses états, etc. et
ont réuni des débatteurs de grande qualité. J’ai manqué la discussion technique
sur le retour des pop-up dans la littérature enfantine, celle sur la ligne
claire, héritage ou nouveau style, celle sur l’art séquentiel dans la BD
américaine, et celle, généraliste, sur la littérature jeunesse. Les conclusions
en général sont assez sombres pour l'illustration, la presse classique et les arts
graphiques, avec tout de même des points positifs sur la stabilité des marchés
et de la commande. Elles sont plus positives pour la bande dessinée, qui vit,
en partie grâce à Internet qui permet de réduire les coûts pour les fanzines et
de se faire connaître à peu de frais, une époque moins difficile qu'il y a dix
ans.
Après la folie des années 80 et un creux
depuis vingt ans, les revues et fanzines BD explosent à nouveau, boostés par
Internet et la moindre cherté des supports. Ils ont également poussé le
développement de petites maisons d’édition dont le travail, très artisanal, est
aussi souvent de grande qualité. Beaucoup de grands magazines BD sont morts ou
moribonds; les fanzines font à leur place le travail de découverte et de
promotion des talents, en liaison avec ces petites maisons. On peut d'ailleurs
faire un parallèle avec la musique. L'impression sur papier de gros tirages
coûte très cher. Aujourd’hui apparaissent de petites séries, rééditées au gré
des besoins. Les petites maisons indépendantes vendent sans les grands
diffuseurs, qui sont hors de prix, par leurs réseaux personnels, par Internet,
et sur les salons et les festivals. Internet permet aussi le dialogue entre
dessinateurs, scénaristes et leur public, permettant aussi des expériences nouvelles
de coopération active du public. Les communautés de lecteurs que permet la
toile sont également une expérience intéressante et prometteuse. Le basculement
du papier vers l'Internet ne sera jamais complet : il y a de la place et
des usages pour les deux supports. Les libraires ne sont plus que rarement
prescripteurs. Paradoxalement, la BD tire l'édition : il n'y a jamais eu
autant de titres parus (ni autant de ventes) pour les grands éditeurs comme
pour les petits, mais le contraste augmente entre les « grands »
auteurs, dont les revenus explosent, et les « petits », qui ont de
plus en plus de mal à vendre leurs œuvres dans un contexte aussi concurrentiel.
C’est l’occasion également de constater que la BD n’est pas un phénomène
exclusivement parisien, et que la création en régions, régionaliste ou non, se
porte bien.
Les illustrateurs souffrent quant à eux
des difficultés grandissantes de la presse écrite et des agences de
communication. Leur travail est de moins en moins utilisé par la presse, et le
travail de plus en plus morcelé dans la communication et la publicité. La
notoriété est éphémère, comme une mode instantanée. L'exposition et l'œuvre
unique, qui se vend plutôt pas mal en galerie, permettent aux illustrateurs de
se faire connaître. Mais le modèle économique des galeristes et des artistes
reste fragile, et permet à peu d'entre eux d'en vivre complètement. Les
nouveaux outils ont trouvé leur usage, mais a contrario ils uniformisent les
styles, et les jeunes illustrateurs ont plus de mal que leurs aînés à se
démarquer.
La table ronde consacrée à la typographie
rassemblait Jean-François Porchez, Christophe Badani, Serge Cortesi, Julien
Janiszewski et Jonathan Perez. La typographie a explosé avec l'arrivée des
ordinateurs. Elle a quitté en moins de vingt ans sa niche confidentielle. Elle
colle de plus en plus également au travail des marques, qu'elle prolonge
désormais et ne se contente plus d'accompagner.
J’ai raté aussi la conférence de Robert Massin sur la typographie expressive, mais je l’avais vu il y a un an
sur un thème plus général. Passionnant. L’entrée en métier de cet autodidacte
(84 ans aujourd'hui) explique son éclectisme et sa gourmandise de la forme qui
ne perd jamais de vue le fond. Il a, avec Pierre Faucheux, Jacques Darches et
d'autres, inventé l’objet livre moderne, dans les années 48-55. Il est le
graphiste et le metteur en pages, entre autres, de la "Cantatrice Chauve"
d'Ionesco, qui est son œuvre la plus connue.
Le dimanche, des auteurs de polars sont
venus raconter l'histoire d'amour entre la littérature et l'image, graphisme,
BD, illustration, typographie, et aussi cinéma.
Le festival célèbre aussi le travail de
beaucoup de collectifs dans divers domaines, affiches, BD, peinture, graphisme
(Sofarida, le 9° Concept, Humungus, Kronik, etc.).
En épilogue, le prix jeunesse a été
attribué à "Le petit Roi", de Rascal et Serge Bloch. Le prix de la
meilleure bande dessinée est revenu à "Fin de chaîne", de Michel
Galvin. Tous deux sont édités chez Sarbacane. Le meilleur strip, élu par le public, est celui de Gromain
Mocellin.
Concerts illustrés
Je n’ai vu que l’un des quatre concerts du festival. Le concept
lui-même est formidable : faire dialoguer des musiciens et un dessinateur. Le
concert est assez intimiste. Le groupe joue sur une estrade, le dessinateur,
placé à côté de lui, est filmé par une webcam et son dessin est projeté
derrière les musiciens. L’alchimie est délicate, et le jeu un peu déséquilibré.
Car les musiciens sont souvent moins ouverts à l’exercice que les dessinateurs.
Ils sont plus enfermés dans une bulle, pas forcément disponibles à l’écoute
qu’il requiert. Le concert fut excellent le vendredi soir. Entre Aribo (chanson
rock) et Jean-Paul Krassinsky (encres, pinceaux et marionnette), le dialogue
fonctionnait très bien. C'était leur deuxième performance ensemble. La
complicité entre le groupe et le dessinateur fut flagrante. Le seul regret est
qu’il n’y ait pas eu ce soir de projection derrière le public, qui permettait
dans une précédente édition aux musiciens de voir directement le travail du
dessinateur, et donc leur donnait du répondant.
Le prochain concert illustré est annoncé le 18
octobre à 18 heures. Toujours à La Bellevilloise. Cette fois avec un duo qui se connaît
bien : Kim et Hervé Bourhis, auteur du Petit livre rock (PAF : 7€).
Et on attend avec impatience septembre
2010 pour un Portfolio #2 !
Catherine Créhange
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Catherine Créhange, 47 ans, a le dessin pour
passion. Elle était l’un des rares auteurs à avoir fait en septembre le
déplacement de province pour le festival Portfolio et a prévu d’être à Paris ce
dimanche. Auteur de l’affiche d’illustration, elle tient également le blogue Un dessin par jour (…si je peux) répertorié ici sur la colonne de gauche, dans
l’espace détente. [Pour des raisons que j'ignore, je n'ai pas pu, après avoir intégré les divers enrichissements dans le texte qu'elle m'avait fourni, les faire tous apparaître à l'écran]
c normal la taille des caractères?
Rédigé par : cynoque | 21/10/2009 à 18h20
pour la taille des caractères, lire la note en bas.
je n'ai pas réussi à faire mieux !
Rédigé par : Fabien | 21/10/2009 à 19h04