Pour en finir avec la langue de bois
L’association
de cinéma de quartier Belleville en vue(s) propose dimanche prochain, en ces temps de licenciements
et de crise économique, une soirée spéciale intitulée « Merci
patrons… ». Il sera question de revenir « sur le discours de ceux qui
ont engendré cette société afin de comprendre comment nous en sommes arrivés
là ». Les projections, comme d’habitude avec une libre participation, seront
suivies d’un débat, en présence, sous réserves, du cinéaste Nicolas Philibert et de Frédéric Lordon, économiste et chercheur au CNRS et au Centre de sociologie
européenne (site ici). Au programme, Heureux qui comme Edouard et La Voix de son maître
(dans sa version cinéma).
Heureux
qui comme Edouard (voir les bandes-annonce ici) est un court de 21 minutes au glorieux parcours. Cette comédie musicale française de 2007 relate l’histoire
d’un jeune cadre ambitieux qui vient d’être engagé par la multinationale imaginaire Cresus
Inc. Il va devenir la nouvelle star de la croissance à tout prix et entraîner un chœur absurde de patrons, d’actionnaires et de syndicalistes, jusqu’au
paroxysme de la Grande Mélodie Libérale. Il a été récemment diffusé (le 30
avril) sur TPS Star.
La
Voix de son maître, de Gérard Mordillat et Nicolas Philibert, est un documentaire
de 1978 (1h36), qui avait fait l’objet d’une adaptation de trois heures pour la
télévison. A l’époque giscardienne victime d’Anasthasie, cette série ne sera diffusée que treize ans plus tard sur La
Sept/ARTE sous le titre Patrons 78/91. France Diplomatie indique ici une sortie en salles de la trilogie « quelques semaines plus
tard » sous le nom de Patrons/Télévision.
Douze
patrons de grandes entreprises parlent face à la caméra du pouvoir, de la
hiérarchie, des syndicats, des grèves, de l’autogestion… Sous le discours
patronal apparaît progressivement l’image d’un monde futur. Les interviewés
sont livrés à leur propre discours, sans intervention orale de la part des
réalisateurs.
Une méthode implacable pour laisser poindre une vérité sans fard. Un document rare et passionnant qu’il serait sans doute impossible à reproduire de nos jours. Un « casting de choix » avec Michel Barba (Richier), Jean-Claude Boussac (Boussac), Guy Brana (Thomson-Brandt), qui, le 15 mars 1986, alors vice-président du patronat français (CNPF) sera victime d’une tentative d’assassinat devant son domicile de Vésinet attribuée à deux membres d’Action directe, François Dalle, médaillé de la Résistance (L'Oréal), Bernard Darty (Darty), désormais résident belge pour des raisons fiscales, Jacques de Fouchier (Banque de Paris et des Pays-Bas, devenue Paribas par la nationalisation du 12 février 1982), dont il a été par deux fois président (1969-1978 et 1981-1982), et dont un prix littéraire porte le nom, Alain Gomez (Saint-Gobain Emballages), Francine Gomez (Waterman), Daniel Lebard (Comptoir Lyon Alemand Louyot), autoproclamé plus tard le Simon Wiesenthal de l’Affaire Rhodia, Jacques Lemonnier (IBM-France), Raymond Lévy (Société nationale Elf Aquitaine), Gilbert Trigano (Club Méditerranée).
La fiche du DVD, sorti en octobre 2007 avec un entretien
des réalisateurs par Odile Conseil, Rédactrice en chef adjointe de Courrier
International et un décryptage du discours patronal par Frédéric Lordon, économiste
et collaborateur au Monde Diplomatique, ne manque pas d’intérêt. Une
quarantaine de minutes de bonus autour des deux cinéastes, à l’époque
assistants de René Allio. Sur le site de Nicolas Philibert, on trouve également une filmographie et une revue de
presse (liens « no cliquables »).
Merci patrons…
Dimanche 10 mai, à 18h, au Studio de l’Ermitage
8, rue de l’Ermitage (20e)
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