Dominique Rossi aurait mal « géré » l’occupation de la villa de Christian Clavier
Le coordinateur des forces de sécurité en Corse, Dominique Rossi, « relevé lundi de ses fonctions, a été muté à l'IGPN » (les bœuf-carottes parisiens), a indiqué ce mardi le ministère de l'Intérieur, confirmant le lien de la sanction avec l'occupation du lotissement où se situe la villa de l'acteur Christian Clavier par des nationalistes. Ce matin, au journal de 7 heures, Europe 1 avait annoncé en exclusivité son « limogeage ». Dominique Rossi, qui aurait pu faire valoir ses droits à la retraite en avril dernier, avait laissé des manifestants (une cinquantaine) entrer dans un lotissement, après en avoir été avisé par les gendarmes, et l’acteur de l’Enquête corse, Christian Clavier, avait fait servir des rafraîchissements à ses Visiteurs, comme le relate ici SeLoger.com. L’occupation n’avait duré qu’une heure. L’Elysée se refuse à tout commentaire. Pour l’Unsa-police, il s’agit d’une « dérive inquiétante ».
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Nicolas Sarkozy, ministre de l'Economie, plaisante avec Christian Clavier et Camille de Rocca Serra, le 11 septembre 2004, à Porto-Vecchio. Il est venu assister à l'avant-première de «l'Enquête Corse», dans lequel joue Clavier.
AFP/Archives
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La sanction a été annoncée lundi soir à M. Rossi par un simple coup de fil du ministère de l'Intérieur. Manifestement, elle est liée à « sa gestion » d'un incident survenu le samedi 30 août lorsqu'une cinquantaine de militants indépendantistes corses ont occupé pendant une heure le jardin de la villa de Christian Clavier à Porto-Vecchio (Corse-du-Sud), dans le lotissement privé et sécurisé "Punta d'oru". Dominique Rossi -connaissant bien la Corse et y étant resté à la demande du gouvernement alors qu’il pouvait faire valoir ses droits à la retraite en avril- avait décidé de laisser faire, persuadé que tout se passerait bien. Pas pour lui.
Après leur manifestation à Porto-Vecchio, les militants nationalistes entendaient, de cette manière, protester « symboliquement et pacifiquement » contre la « spoliation foncière » des Corses sur l'île. En clair : ils voulaient montrer leur opposition au Padduc, qui privilégie, selon eux, « l'économie résidentielle », et encourage « la colonisation de peuplement » (l'installation de non-Corses sur l'île). Le Padduc devrait être approuvé par l'Assemblée de Corse avant la fin du premier semestre 2009. A l'arrivée des manifestants, le personnel avait prévenu par téléphone Christian Clavier. Celui-ci avait alors demandé qu'on reçoive les intrus et qu'on leur serve des rafraîchissements. Les militants avaient passé un moment au bord de la piscine avant de repartir.
« La DCRI (Direction centrale du renseignement intérieur) avait transmis dès vendredi soir à M. Rossi un renseignement selon lequel les nationalistes Corses pourraient se rendre jusqu'au lotissement à l'issue de leur manifestation », a indiqué ce matin à l'AFP le ministère de l'Intérieur.
Mais M. Rossi, le coordinateur des services de sécurité intérieure (CSSI) dans l'île, n'aurait « pas pris les mesures nécessaires pour protéger ce lotissement afin d'empêcher l'envahissement d'une propriété privée », a-t-on expliqué…
François Bayrou s’est fait entendre sur France Inter : « C'est révélateur du régime dans lequel nous sommes. C'est le fait du prince. » L’encore Premier secrétaire du Parti socialiste François Hollande a affirmé « ne pas vouloir croire » que l'amitié connue de l'acteur avec le président de la République Nicolas Sarkozy puisse expliquer la sanction frappant M. Rossi. Plus volubile (et présent sur les lieux samedi), le dirigeant nationaliste corse Jean-Guy Talamoni a expliqué : « Nous sommes dans l'arbitraire le plus total dans la gestion des affaires corses. Jusqu'à présent, seuls les nationalistes en étaient victimes mais maintenant ça touche aussi les collaborateurs de l'Etat », a dit le chef de Corsica nazione indipendente (CNI), joint par téléphone à l'AFP. Ajoutant même : « On gère les affaires corses comme on a géré les affaires africaines, de façon coloniale et dans l'arbitraire ».
Le secrétaire général adjoint du syndicat des commissaires de police (majoritaire), Emmanuel Roux, a « regretté » le limogeage d'un « très haut fonctionnaire, expert du renseignement qui connaît son métier comme sa poche ». « Son métier est d'arbitrer. En l'occurrence en Corse, on ne cherche pas l'affrontement, la bagarre dans la police (...) Son choix a été excellent car il n'y a pas eu de dégâts chez Christian Clavier », a-t-il déclaré.
Christian Clavier est un ami du président Nicolas Sarkozy. Il était présent le soir de son élection au restaurant Le Fouquet's, avec le premier cercle des proches du chef de l'Etat.
Dominique Rossi, contrôleur général, était le chef de l'ensemble des forces de sécurité intérieure en Corse, police et gendarmerie. Le ministère a confirmé que la sanction et cette mutation étaient liées à la gestion par M. Rossi de l'occupation de la propriété privée de l'acteur Christian Clavier par des nationalistes.
Si maintenant une « sanction » pour avoir éventuellement mal effectué son travail devient la mutation dans un service censé contrôler le travail des collègues, on peut s’interroger sur les motivations réelles de cette mutation… Même si d’aucuns considèrent l’IGPN comme un « placard » et si M. Rossi peut, s’il le souhaite, prendre sa retraite. Mais qui pour le remplacer, et surtout dans quel délai ? Et pourquoi, carrément, ne pas l'avoir mis à la retraite d'office, puisqu'il voulait partir au printemps ?
Fabien Abitbol, avec agences
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