Qu'y a-t-il de commun entre Numéricable, la famille Sarkozy, le groupe Carlyle, et le Conseil général des Hauts-de-Seine ? Rien, seriez vous tentés de dire, et pourtant…
Un projet nommé THD92 – qui prévoit le raccordement des Hauts-de-Seine en fibre optique – pourrait assurer quelques « avantages » à des membres de la famille Sarkozy. J'ai nommé en tout premier lieu Olivier Sarkozy, mais quand il s'agit du monde des affaires, Nicolas n'est jamais bien loin.
Le projet THD92 : Très Haut débit en Hauts-de-Seine
Le 21 décembre 2007, le conseil général des Hauts-de-Seine a choisi un consortium réunissant le câblo-opérateur Numericable, le groupe de BTP Eiffage et LD Collectivités (Neuf Cégétel) pour raccorder, d’ici à 2013, l’ensemble des foyers et des entreprises des Hauts-de-Seine à la fibre optique. Un projet unique en Europe, capital pour l’attractivité du département affirme le site du CG92. À partir de l’été 2008 et en deux vagues de trente-six mois, la totalité des foyers, des entreprises, des institutions et des écoles devraient être desservis par ce réseau départemental de service public qui aura nécessité la pose de quelque 827 900 prises.
« L’internet à très haut débit permet de profiter de services très gourmands en bande passante comme la vidéo à la demande ou la télévision haute définition. Il devrait aussi "booster" le télétravail, le téléenseignement et l’e-administration », nous dit-on. De là à ce qu'il booste les revenus de la famille Sarkozy, grâce à l'aide des subsides du Conseil Général… il pourrait n'y avoir qu'un simple câble.
Le groupement mené par Numericable a obtenu une concession de 25 ans : à son terme le réseau sera restitué au Département, nous précise-t-on…
Numericable, qui table sur un bénéfice d’exploitation dès la cinquième année, devra appliquer « un prix identique en tout point du territoire ». Selon les prévisions des services techniques du conseil général, l’offre de base devrait être comparable à celle exigée actuellement pour l’offre triple play de l’ADSL soit environ 29,90 €. France Telecom – qui déploie actuellement en Ile-de-France sa solution de Très Haut Débit FTTH appréciera, soyez-en sûr, même si le monde est parfois petit, nous y reviendrons.
En tout état de cause, vous serez - peut-être - rassurés en apprenant que le projet du conseil général n’est pas de créer un monopole mais bien d’« organiser les conditions d’une véritable concurrence », ce qui n’a pas manqué de susciter l’ire de certains opérateurs, relève le site du CG92. Le cahier des charges interdit en effet à l’exploitant du réseau de proposer directement des services aux consommateurs. La société ad hoc créée par le consortium Numericable devra donc « vendre des capacités à d’autres opérateurs tels que Free, Alice ou France telecom - Orange ».
« Contrairement à l’ADSL qui se greffe sur un réseau existant – en l’occurrence le réseau cuivre de France Télécom dégroupé par la loi – la fibre optique implique de construire », explique le président actuel du conseil général, Patrick Devedjian. « Les opérateurs sont donc logiquement tentés de privilégier les zones immédiatement rentables avec le risque de créer des zones blanches durables », selon lui. « L’objectif de notre dispositif est de permettre que tout le monde soit fibré dans les délais les plus brefs y compris l’habitat pavillonnaire », assure-t-il, soulignant même que c'est ce qui « justifie dans la délégation de service publique accordée à Numericable, l’octroi d’une subvention de 59 millions d’euros. »
« Mais celle-ci ne porte que sur les zones déficitaires », précise Patrick Devedjian. « Il n’est pas question des autres où s’exerce la concurrence », nous assure-t-on. Le coût total du projet est lui, estimé à 422 millions d’€ soit un financement porté à 86 % par le secteur privé. Certes, mais il est toujours intéressant de connaître « la composition » de ce secteur privé.
Petit rappel également : Nicolas Sarkozy a annoncé le 15 mai 2007 sa démission de la présidence du conseil général des Hauts-de-Seine. Le fils cadet du président de la République (Jean Sarkozy, UMP) est devenu quant à lui en mars dernier, à 21 ans, conseiller général des Hauts-de-Seine, en se faisant élire à Neuilly.
Carlyle renforce sa participation dans Numericable
Le 21 décembre 2007, également, Carlyle Group, les fonds Cinven et Altice - les deux principaux actionnaires du câblo-opérateur - ont annoncé l’entrée de Carlyle au capital de Numericable et de Completel… Hasard de calendrier, très certainement.
En mars 2008, le fonds d'investissement américain bouclait le rachat de 37,8 % de Numericable pour un montant de 1,1 milliard d'euro. Selon Carlyle cette transaction valorise Numericable de 6,5 milliards d'euros. Elle est qualifiée d'investissement privé le plus important jamais réalisé en France.
L'arrivée d'un nouvel actionnaire devrait apporter une bouffée d'oxygène à Numericable, qui a engagé d'importants investissements pour rénover ses infrastructures, affirmait en décembre 2007 la presse économique et financière. « Cette opération arrive également à un tournant où le secteur des télécoms s'apprête à s'engager dans le très haut débit, la prochaine génération de l'internet, qui passera par la fibre optique », soulignait ainsi le journal Challenges.
Selon Carlyle, « Numericable opère le principal réseau alternatif haut et très haut débit en France, couvrant près de 10 millions de foyers, offrant des services de télévision haute définition, de vidéo à la demande, d’Internet très haut débit et de téléphonie. » Et d'ajouter que « Numericable est le premier opérateur à avoir déployé massivement son propre réseau de fibre optique en France. Celui-ci raccorde d’ores et déjà deux millions de foyers et sera étendu à 8 millions de foyers d’ici 2010 ».
Olivier Sarkozy embauché par Carlyle
(Quand le monde est parfois petit…)
Olivier Sarkozy - jusque-là codirigeant de la branche institutions financières de la banque d’investissement UBS - copilote quant à lui, depuis avril 2008, l'activité mondiale de services financiers de la société d'investissement The Carlyle Group.
Le demi-frère de Nicolas Sarkozy est en effet à près de 40 ans, l'un des plus talentueux membres du monde bancaire new-yorkais. « J’ai hâte de faire de Carlyle un acteur de référence dans ce secteur d’investissement de plus en plus important », se réjouissait-il en avril dernier. À son palmarès, d’importantes transactions bancaires comme la vente de MBNA ou d’US Trust à Bank America ou encore la fusion de Mellon avec Bank of New York.
Selon la presse belge, sa nomination a pu être « incitée » par Paul Desmarais, membre influent du board de Carlyle, fonds ultra-influent : le 16 février dernier, Sarkozy (Nicolas) portait Paul Desmarais au rang prestigieux de Grand' Croix de la Légion d'Honneur.
Olivier Sarkozy a été engagé pour « ses incroyables réseau et expérience professionnelle, qui aideront Carlyle à capitaliser sur la dislocation du secteur des services financiers », indiquait la firme dans un communiqué daté du 3 mars.
Carlyle détient 5 % de France Telecom
En juin 2007, des syndicats de France Telecom avaient dénoncé la « poursuite de la vente des bijoux de famille » après l'annonce surprise par Bercy de la cession de 5 à 7 % du capital par l'Etat. Certains s'inquiétant alors de risque d'« OPA non maîtrisée » voire d'une « montée des fonds de pension ».
Pour la CFDT, troisième organisation, Daniel Guillot, délégué syndical central, faisait part de son « inquiétude au fond »: « Si on perd 5 à 7 % aujourd'hui on se demande jusqu'où cela va aller » s'inquiétait-il alors, en citant ses craintes d'assister à une « montée des fonds de pension au capital », comme chez l'opérateur historique des télécommunications allemand. « A Deutsche Telekom, la dilution progressive de la part de l'Etat s'est accompagnée d'une montée de Blackstone qui a aujourd'hui des exigences énormes », avait-t-il précisé.
« Aujourd'hui, la part des fonds de pension est très faible et relativement diluée, mais nous craignons que d'ici quelques temps les seuls actionnaires de référence soient les fonds de pension et que l'Etat laisse faire », avait-t-il ajouté.
La CGC évoquait pour sa part un risque « d'OPA non maîtrisée ». « Qui achètera ? des actionnaires minoritaires comme le fonds Carlyle, vont-ils monter en puissance ? on ne le sait pas. L'entreprise flirte-t-elle dorénavant avec le risque d'une OPA non maîtrisée ? peut-être », indiquait ainsi un communiqué. Le Fonds américain Carlyle possède 5 % du capital de France Telecom, ce qui en fait le deuxième actionnaire derrière l'Etat, soulignait la CGC.
Etat et Carlyle… Tous deux intimement liés à la famille Sarkozy. De bonnes raisons pour ne pas faire « tousser » dirigeants et actionnaires de France Telecom face à une « éventuelle concurrence » de Numericable sur le Très Haut débit ... au détriment du déploiement du projet FTTH.
Elisabeth Studer, pour LeBlogFinance du 31 mai
Sources : Conseil Général 92 (notamment ceci), Le Figaro, Challenges, Les Echos, le site économique belge "Trends.be", le blogue généraliste parisien "Ménilmontant, mais oui madame…", le site français "Altermonde sans frontières"
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