Le gouvernement est passé outre l'avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) en créant par décret, et non par voie législative, le nouveau passeport biométrique, et en instituant un système de traitement central de ces données, selon cet avis paru samedi au Journal Officiel.
Après la parution le 4 mai du décret instituant le nouveau passeport biométrique, le Journal officiel a publié samedi l'avis que la Cnil avait rendu le 11 décembre 2007 sur ce dossier.
« Nous n'avons pas été entendus sur deux points : d'abord, nous pensions qu'un sujet d'une telle importance devait passer devant le parlement, et ensuite, nous n'avons pas obtenu les éléments qui permettent de justifier la création de cette banque de données », surnommée Delphine, a résumé à l'AFP le président de la Cnil, Alex Türk.
Se conformant à un accord européen, le nouveau passeport biométrique, qui devra être disponible avant le 28 juin 2009, devra contenir, outre une photo numérisée, les empreintes digitales de huit doigts. Ces données biométriques doivent être enregistrées dans un « système de traitement automatisé de données à caractère personnel relatif au passeport », rappelle l'avis de la Cnil.
En préambule, la Cnil rappelle qu'elle « considère comme légitime » l'utilisation de la biométrie dès lors que ces données « sont conservées sur un support dont la personne a l'usage exclusif ».
Et elle souligne que la France va plus loin que le règlement européen, qui n'envisage pas le recueil de l'empreinte de huit doigts, mais de deux, ni la conservation des données en base centrale, qui comporte « des risques d'atteintes graves à la vie privée et aux libertés individuelles » et qui « ne peut être admis que dans la mesure où des exigences en matière de sécurité ou d'ordre public le justifient ».
Or, la Cnil observe que les finalités (« faciliter les procédures d'établissement, de délivrance, de renouvellement, de remplacement et de retrait des passeports ainsi que prévenir, détecter et réprimer leur falsification et leur contrefaçon ») « ne justifient pas la conservation, au plan national, de données biométriques telles que les empreintes digitales ».
D'autant, ajoute la commission, « que ledit dispositif ne paraît pas constituer, en l'état, un outil décisif de lutte contre la fraude documentaire… ».
Par conséquent, « la conservation dans une base centrale des images numérisées du visage et des empreintes digitales semble disproportionnée », estime la Cnil.
Celle-ci « considère enfin que l'ampleur de la réforme qui se dessine et l'importance des questions qu'elle peut soulever justifieraient que, comme elle l'a rappelé à plusieurs reprises, le Parlement en soit saisi… ».
AFP, photo Sénat
⇒ Le dossier Biométrie de la Cnil
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