La Fédération nationale de la Grande Mosquée de Paris annonce qu'elle boycottera les élections au Conseil français du culte musulman (CFCM) prévues le 8 juin, une décision qui assombrit l'avenir de cet organisme créé par Nicolas Sarkozy pour représenter la deuxième religion de France.
Dalil Boubakeur, le recteur de la Grande Mosquée qui dirige le CFCM depuis 2003, dénonce le fait que le scrutin sera organisé sur des critères basés sur les surfaces des lieux de culte en France.
« Ce n'est pas une façon d'organiser l'Islam en France », a-t-il dit en estimant que le système retenu placerait la Fédération nationale de la Grande Mosquée de Paris (FNGMP), avec sa centaine de mosquées, nettement derrière d'autres réseaux qui ont construit de nouveaux lieux de culte.
Dans un communiqué, la FNGMP affirme que « ce critère injuste a favorisé l'émergence d'une représentativité qui ne reflète en rien la sociologie de l'Islam en France », et elle dénonce en conséquence un « mécanisme électoral absurde ».
Le différend sur le mode de scrutin cache une lutte d'influence au sein de la communauté musulmane en France, la plus importante d'Europe avec ses quelque cinq millions de membres, entre la FNGMP soutenue par l'Algérie et le Rassemblement des musulmans de France (RMF), créé en 2006 avec le soutien du Maroc.
La présidence ou rien
Alors ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy avait établi le CFCM en 2003 pour représenter l'Islam au niveau national, en imposant Boubakeur à sa présidence.
La Fédération nationale de la Grande Mosquée de Paris n'occupe que 15 % de la surface cultuelle en France mais se présente comme l'organisation islamique la plus ancienne et la mieux établie du pays.
L'actuelle ministre de l'Intérieur, Michèle Alliot-Marie, a consulté Alger et Rabat mais sans faire pression sur les membres du CFCM pour qu'ils soutiennent Boubakeur.
Chems-eddine Hafiz, un haut responsable de la Grande Mosquée, a clairement laissé entendre qu'il n'était pas question d'abandonner la présidence du CFCM. « On ne peut pas être dans le CFCM sans occuper la présidence », a-t-il dit aux journalistes.
L'Union des Organisations islamiques de France, organisation rivale liée aux Frères musulmans, a estimé que la décision de boycotter les élections nuirait au CFCM.
« L'UOIF exprime sa tristesse devant cette décision d'une composante importante de l'Islam en France », lit-on dans un communiqué.
Le sociologue Franck Fregosi, expert sur l'islam en France, juge peu probable que Nicolas Sarkozy, aujourd'hui installé à l'Elysée, intervienne encore pour imposer Boubakeur à la tête du Conseil français du culte musulman, comme il l'avait fait avant les précédents scrutins de 2003 et 2005.
« Je n'ai pas l'impression que le gouvernement veut s'impliquer pour le soutenir », a-t-il dit.
Tom Heneghan, pour Reuters, version française de Véronique Tison, photo Grande mosquée de Paris
⇒ L'actuel conseil d'administration compte 43 sièges, ainsi répartis :
FNMF 19 sièges
GMP 10 sièges
UOIF 10 sièges
CCMTF 1 siège
Indépendants 3 sièges.
⇒ Les élections du CFCM doivent avoir lieu après la désignation des délégués et l’élection des conseils régionaux du culte musulman. Présentement, le nombre de délégués qui votent pour la constitution des Conseils régionaux du culte musulman (CRCM) varie en fonction de la superficie des mosquées ou lieux de culte (1 000 m² = dix délégués).
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