« J’ai l'impression d'être renié par mon pays, mes racines, mon héritage. Je suis traité comme un criminel. » Dans des témoignages à Libération et au Parisien, vendredi 2 mai, Frédéric Minvielle, 37 ans, se dit « indigné ». Ce Français vivant aux Pays-Bas a été déchu de sa nationalité française après s'être marié avec un Néerlandais et avoir acquis la nationalité de son conjoint. Installé aux Pays-Bas depuis 2002, M. Minvielle s'y est marié le 6 décembre 2003 et a acquis la nationalité néerlandaise en 2006, « parce que ce pays reconnaît mon amour et mon mariage », a-t-il expliqué.
Lorsqu'il s'inscrit sur les listes électorales du consulat à Amsterdam fin 2006 pour pouvoir voter à la présidentielle de 2007 – « j'ai voté Sarkozy qui maintenant m'enlève ma nationalité », déplore-t-il –, le consulat intrigué transfère son dossier au ministère de la justice. Selon une convention entre la France et les Pays-Bas en vigueur depuis 1985 et modifiée en 1993 et 1996, tout ressortissant d'un des deux pays acquérant la nationalité de l'autre pays perd sa nationalité d'origine, sauf en cas de mariage et de volonté expresse de conserver sa nationalité initiale. Mais la France ne reconnaissant pas le mariage homosexuel, Frédéric Minvielle s'est vu signifier par le consulat, fin 2007, la déchéance de sa nationalité française, selon des documents dont l'AFP a obtenu copie. Il lui a été demandé dans la foulée de rendre sa carte nationale d'identité et son passeport, ce qu'il a refusé de faire. L'affaire a été révélée par le magazine français Têtu. « Si j'étais une femme mariée à un Hollandais, il n'y aurait pas eu de problème, mais je suis un homme marié avec un homme » et donc « considéré comme célibataire par la loi française alors que j'ai un acte de mariage légal », dénonce-t-il.
Décision « particulièrement humiliante »
La porte-parole du groupe PS à l'Assemblée Aurélie Filippetti a qualifié cette déchéance de « révoltante, violente et discriminatoire » et demandé « la révision de la convention franco-hollandaise ». De leur côté, les Verts ont estimé que « la décision de l'administration française est très clairement homophobe et humiliante ». L'association SOS-Homophobie s'est quant à elle élevée contre une décision « particulièrement humiliante et symboliquement inexcusable », et demande au gouvernement « de réintégrer immédiatement cet homme dans la nationalité française ».
Devant l'ampleur de la polémique et à deux semaines de la journée mondiale contre l'homophobie, le 17 mai, le ministère de l'immigration a fait savoir vendredi qu'il a entamé « dès mercredi un réexamen juridique en diligence » de la situation de M. Minvielle, puis s'est dessaisi du dossier au profit des ministères de la justice et des affaires étrangères. La Chancellerie a ensuite fait savoir que Paris a lancé fin 2007 une procédure de dénonciation de certaines clauses de la convention franco-néerlandaise, afin qu'un tel cas ne se reproduise plus. Selon une source diplomatique interrogée par l'AFP, cette dénonciation sera effective en mars 2009, ce qui permettra à M. Minvielle de « demander par déclaration sa réintégration dans la nationalité française ».
« Je veux garder ma nationalité, c'est une question de principe. Je suis né Français, à Lorient, toute ma famille est en France. Je me sens rejeté par mon pays mais j'espère que mon cas fera jurisprudence pour changer la loi », a déclaré Fréderic, mercredi, en apprenant le réexamen de son dossier. Se disant « prêt à aller jusqu'à la Cour européenne des droits de l'homme », il a indiqué que son avocate engagerait « dès lundi » une procédure judiciaire pour contester sa radiation.
Le Monde en ligne, avec AFP, photo Koen van Weel/AFP
⇒ Frédéric Minvielle, homosexuel déchu de sa nationalité, pourra redevenir français en 2009 (20 Minutes)
⇒ « Frédéric Minvielle pourra redevenir Français en 2009 », dit le Quai d'Orsay (Têtu)
⇒ La Cour européenne des droits de l’homme a examiné mercredi le cas de Lucien Léger.
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