Réélu maire de Paris et en tête des sondages de popularité, Bertrand Delanoë achève un livre d'entretiens avec notre confrère Laurent Joffrin, à paraître fin mai. Dans l'entretien qu'il nous a accordé, le maire de Paris indique qu'en 2012 il prendra toute sa part à la bataille présidentielle.
En élevant le dalaï-lama au rang de citoyen d'honneur de la Ville de Paris ce lundi, n'en faites-vous pas trop ?
Bertrand Delanoë
J'ai déjà reçu le dalaï-lama à l'Hôtel de Ville, en 2003 : mon engagement pour la dignité du peuple tibétain n'est donc pas nouveau. Certes, il faut être amical avec le peuple chinois : d'ailleurs, aucune de nos initiatives n'est dirigée contre lui et je n'ai jamais prôné le boycott des Jeux olympiques. La cérémonie d'ouverture, c'est une autre question. S'agit-il, pour autant, de taire nos convictions fondamentales en faveur des droits de l'homme ? Droits pour le peuple chinois lui-même, droits pour le peuple tibétain oppressé, qui ne revendique même pas son indépendance et qui est représenté par un homme prônant la non-violence et le dialogue avec les autorités chinoises. C'est maintenant, tout en accompagnant ce rendez-vous sportif du monde entier en Chine, que nous devons défendre ces valeurs !
Vous venez d'accorder la présidence de la puissante commission des finances à l'UMP Jean-François Legaret. C'est votre façon de pratiquer l'ouverture ?
C'est le respect d'un engagement que j'avais pris pendant la campagne, et qui vise à approfondir notre pratique démocratique. J'avais dit que je proposerai à toutes les sensibilités représentées au Conseil de Paris de présider une commission. L'UMP et le Nouveau Centre (NC) l'ont accepté, Mme de Sarnez - seule élue MoDem - l'a refusé, ce qui est bien entendu son droit.
Le logement sera-t-il votre priorité budgétaire ?
C'est la priorité absolue, qui est d'ailleurs au centre de la première séance du Conseil de Paris, demain. Nous avons déjà financé 30 000 logements sociaux depuis 2001. Nous en financerons 40 000 au cours des six ans à venir. Mais cette dynamique s'appuiera sur de nouveaux instruments, pour diversifier notre offre. Par exemple, afin de faciliter l'accès des Parisiens au parc locatif privé, nous créons une agence immobilière à vocation sociale ainsi qu'une aide mensuelle aux personnes modestes. Nous lançons également une aide publique à la caution, et je pense notamment aux jeunes salariés. En outre, nous allons proposer un nouveau prêt à taux zéro pour les familles qui libèrent leur logement social et souhaitent acheter dans le privé. Dans la mandature précédente, 6 000 ménages ont déjà pu accéder à la propriété grâce à notre prêt à taux zéro. Ce nouveau produit complétera donc utilement notre dispositif.
Le futur premier secrétaire du PS peut-il être le futur présidentiable, ou bien les socialistes doivent-ils privilégier le choix d'une personnalité sans ambition pour 2012 ?
En démocratie, il faut traiter le contenu de chaque étape. Quel est l'objet de notre prochain congrès ? Clarifier notre orientation politique, retrouver le sens de l'action collective et adopter un dispositif humain. Le futur premier secrétaire devra se consacrer à cette tâche : il ne sera pas automatiquement le prochain candidat du PS pour 2012, mais il ne doit pas être non plus a priori disqualifié. Puis en 2011, nous choisirons notre candidate ou notre candidat, pour la présidentielle. Mais chaque chose en son temps.
Ségolène Royal a une stratégie claire : elle est candidate à la tête du PS. Et vous ?
Ma stratégie est très claire, fondée sur une orientation politique et un dispositif collectif. Je veux contribuer à ce que le PS redevienne un parti de gauche moderne, avec une ligne identifiée et efficace. Un parti populaire à qui la majorité de nos concitoyens puisse faire confiance. Je suis prêt à m'engager sur ce contrat-là dans une démarche résolument collective, sans être obsédé par la place que je pourrais y occuper. Je suis passionné par l'avenir de mon pays et de ma famille politique. Donc, j'y investis mes convictions et mon énergie. Mais pour qu'une stratégie soit jugée « claire », faudrait-il qu'elle soit centrée sur une personne ? Je ne le crois pas.
Lionel Jospin, que Nicolas Sarkozy a reçu vendredi à l'Elysée, est-il toujours à vos yeux « la » référence politique ?
Oui, tout à fait.
Souhaitez-vous que le prochain congrès soit un congrès de synthèse ou qui tranche, comme celui de Metz en 1979 ?
Je souhaite un congrès d'idées. Il faut concilier clarté, courage, créativité et goût d'être ensemble. Si nous ne pensons pas la même chose, ce n'est pas la peine de faire de fausses synthèses. Il peut y avoir congrès d'unité, sans la moindre confusion idéologique. Car on peut être ensemble en assumant des différences. Depuis trente-six ans que je suis au PS, j'ai toujours été un militant du rassemblement. D'ailleurs, depuis sept ans à la mairie de Paris, n'y a-t-il pas l'union la plus large de tous les talents progressistes ? Mais le PS a besoin autant de rassemblement que de clarté, et d'une dynamique qui passe par la lisibilité de son offre politique.
« L'équipe Sarkozy n'est pas professionnelle »
De la première année de Nicolas Sarkozy à l'Elysée, dites-vous, comme certains de vos amis, que tout est mauvais ?
Non. On ne peut pas dire cela d'une entreprise humaine. Mais soyons clairs : le candidat Sarkozy a beaucoup promis, avec une certaine habileté. Or, confronté aux réalités, il fait pire encore que ce que laissait craindre cette démagogie. Après l'arrogance du début de quinquennat, ce pouvoir fait prendre du retard à notre pays et décourage les Français, par des mesures qui menacent notre cohésion sociale en atteignant les plus modestes et les classes moyennes. Le cafouillage est permanent, les reculs et les démentis succèdent aux annonces à grand spectacle. Ce gouvernement ignore où il va, mais il y entraîne la France. Vraiment, cette équipe n'est pas professionnelle.
Au fond, vous vous sentez mûr, dirait-on, pour un éventuel destin présidentiel…
Le suffrage universel vient de me confier à Paris une tâche que j'entends accomplir avec conviction, détermination et humilité. Pour le reste, je suis un citoyen qui a le goût des idées et du « faire ». Je n'ai pas besoin de perspectives de pouvoir ou de « place » pour me mettre en mouvement. En tout état de cause, j'entends participer au débat d'idées dans ce pays à travers des valeurs et des actes progressistes. D'une façon ou d'une autre, je serai là, je m'engagerai.
Propos recueillis par Philippe Martinat et Dominique de Montvalon, pour Le Parisien du 20 avril, photo LP/David Goldstzejn
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